Cette fiche de formation a pour sujet le ministère des diacres. Christ et son Église forment un tout, il est la tête, nous sommes son corps et appartenons les uns aux autres, dans la communion, l'amour fraternel et l'entraide.

Source: Le ministère diaconal de l'Église et dans l'Église. 6 pages.

Le ministère diaconal (1) - Christ et l'Église, c'est un tout

  1. Christ et son Église, c’est un tout
    a. La finalité, c’est Christ!
    b. La tête et le corps
    c. Le corps et les membres
  2. L’expression « les uns les autres »
    a. Le signe d’une appartenance
    b. La foi, l’espérance et l’amour
    c. La circulation de la grâce
  3. La dimension de l’amour fraternel
    a. Ce que l’on fait à un membre de Christ, on le fait à Christ!
    b. L’amour et l’entraide fraternels ont pour cadre l’Église

1. Christ et son Église, c’est un tout🔗

« Il est avant toutes choses, et toutes choses subsistent en lui. Il est la tête du corps de l’Église […] afin d’être en tout le premier » (Col 1.17-18).

a. La finalité, c’est Christ!🔗

Quand Paul dit que la prédication chrétienne est une folie pour les incrédules, ce n’est pas seulement une manière de parler. Christ n’est pas seulement le petit enfant de la crèche, il est l’Alpha et l’Oméga de la création et du dessein de Dieu. Il n’est pas seulement le Sauveur qui me rachète, il est aussi le Seigneur qui me donne la vie. Il n’est pas seulement le Seigneur de ma vie, mais aussi le Seigneur de l’Église qu’il bâtit et encore le Seigneur du ciel et de la terre (Mt 28.18), de telle sorte que Dieu « n’a rien laissé qui ne lui fut soumis » (Hé 2.8). Par lui et pour lui, tout a été créé et tout subsiste par lui (Ps 119.89-91; voir Pr 8.22).

La question qui peut se poser est celle-ci : cela peut-il être facilement compris par les incroyants? La réponse est non. Jésus le dira :

« Si le monde a de la haine pour vous, sachez qu’il m’a haï avant vous. […] Tout cela, ils vous le feront à cause de mon nom, parce qu’ils ne connaissent pas celui qui m’a envoyé » (Jn 15.18, 21).

C’est impossible humainement de reconnaître Jésus, et par conséquent son Église. Or, aujourd’hui, l’Église est fort tentée par le désir d’être reconnue humainement, et d’adopter (à force de les adapter) les techniques humaines, sentimentales, psychologiques, commerciales, financières et autres.

C’est par révélation que nous comprenons qui est le Christ (Mt 16.17), à la conversion, mais aussi en grandissant dans notre vie chrétienne. C’est également par révélation que la vraie dimension de l’Église doit nous être dévoilée. L’Église de Jésus-Christ est en quelque sorte « tissée » par le Seigneur, comme notre corps a été tissé dans le sein de notre mère (Ps 139.13-14). L’Église est le projet et la réalisation de Dieu en son Fils, pas les nôtres. « La promesse est pour vous, pour vos enfants et pour tous ceux qui sont au loin, en aussi grand nombre que le Seigneur notre Dieu les appellera » (Ac 2.39; voir Ac 13.48-49). Au fur et à mesure que ces choses nous seront dévoilées, nous comprendrons de mieux en mieux que la finalité, ce n’est pas l’homme, c’est Christ (Col 1.18; Rm 11.36).

b. La tête et le corps🔗

Affirmer cela, est-ce écarter l’homme du plan de Dieu? Non. Mais c’est le situer par rapport à Christ, d’une manière tout aussi mystérieuse que vitale. La plus courte prédication de l’histoire de l’Église est sans doute celle que nous avons de la bouche même de Jésus quand il se révèle à Saul de Tarse. Elle tient en six mots : « Je suis Jésus que tu persécutes! » (Ac. 9.5). En un instant, Saul découvre deux vérités qui vont le bouleverser entièrement :

  • ce Jésus est toujours vivant et s’adresse à lui;
  • il y a une unité inimaginable entre ses disciples et lui.

Nous savons déjà cela, et cependant, c’est une révélation proprement stupéfiante qui est à même de transformer notre regard et notre attitude envers nos frères et sœurs chrétiens, quels qu’ils soient. Ainsi, nous voyons que le mot « Christ » peut désigner la tête ou… la tête et le corps : « Comme tous les membres du corps, malgré leur nombre, ne forment qu’un seul corps, ainsi en est-il de Christ » (1 Co 12.12). Christ et les siens, c’est un tout!

Il y a d’innombrables démonstrations de cette unité dans le Nouveau Testament. Pensons au cep et aux sarments (Jn 15.1-17), mais aussi au dialogue émouvant entre Jésus et Pierre, après la résurrection :

« Simon, fils de Jonas, m’aimes-tu? — Oui, Seigneur, tu sais que je t’aime. — Pais mes agneaux! » (Jn 21.15). M’aimes-tu? Pais mes agneaux! On ne peut pas dissocier la tête et le corps. C’est une même cause!

c. Le corps et les membres🔗

S’agit-il d’une image seulement? Non. Il s’agit bel et bien d’une réalité dont on ne prend conscience que par la foi1. « Nous qui sommes plusieurs, nous formons un seul corps et nous sommes tous membres les uns des autres » (Rm 12.5; voir 1 Co 12.12, 27). Prendre conscience de cette réalité fait apparaître d’innombrables implications qui constituent une part majeure de la vocation chrétienne. Prendre conscience de cette réalité, c’est rendre indissociables les dimensions personnelle et communautaire de la vie chrétienne. C’est enfin comprendre une des motivations principales de l’apôtre Paul dans ses lettres :

« L’œil ne peut pas dire à la main : Je n’ai pas besoin de toi. […] Si un membre souffre, tous les membres souffrent avec lui; si un membre est honoré, tous les membres se réjouissent avec lui » (1 Co 12.21, 26)2.

Cette forte dépendance des membres et du corps tout entier est marquée à plusieurs reprises par la succession des mots « chacun » et « tous » dans les écrits apostoliques. Chacun… c’est tous! Et tous, c’est chacun! On y reviendra.

Malheureusement, l’Église est souvent perçue, au-dehors comme au-dedans, comme une association religieuse, ou spirituelle, ou caritative (« une ONG compatissante » a dit le pape François), ou un club d’amis… En sommes-nous réellement conscients?

2. L’expression « les uns les autres » 🔗

« Recherchons ce qui contribue à la paix et à l’édification mutuelle » (Rm 14.19).

a. Le signe d’une appartenance🔗

L’expression « les uns les autres » est souvent entendue comme s’appliquant à l’ensemble des hommes. C’est même là, pour certains, l’Évangile proprement dit. C’est gentil et généreux, mais c’est utopique. L’expression « les uns les autres » s’applique toujours aux chrétiens en tant que frères et sœurs dans la foi, en tant que membres d’un même corps, en tant que disciples d’un même Seigneur et habités par une espérance commune. Je ne crois pas qu’il puisse y avoir de réelle édification de l’Église si on n’accepte pas ce principe.

Le verset cité en exergue (Rm 14.19) montre que l’édification (dans le sens communautaire) est le propre du peuple de Dieu. Le mot « mutuel » signifie : tous, mais seulement ceux-là3. Tout le contexte le démontre :

« Que le Dieu de la persévérance et de la consolation vous donne d’avoir les mêmes sentiments les uns envers les autres selon Jésus-Christ, afin que tous ensemble vous glorifiiez Dieu, le Père de notre Seigneur Jésus-Christ. Accueillez-vous donc les uns les autres, comme Jésus-Christ vous a accueillis, pour la gloire de Dieu » (Rm 15.5-7).

Ceux qui sont autour sont-ils exclus? Non, car tous ceux que Dieu appellera pourront y prendre part (Ac 2.39; Jn 17.6). Mais en un sens oui : pour y prendre part, il faut venir jusqu’à Christ! La brebis perdue, ce n’est pas tout le monde (Lc 15.4; Jn 10.11-16)!

Cette focalisation de l’amour du Seigneur pour (au sein de) son Église en étonne ou en trouble certains. Elle est pourtant très clairement attestée, par Jésus lui-même et par les apôtres4.

b. La foi, l’espérance et l’amour🔗

Je voudrais citer cette parole bien connue de Jean 13 : « Comme je vous ai aimés, vous aussi aimez-vous les uns les autres » (Jn 13.34). Le « comme » n’est pas principalement un « comme » d’imitation (qui nous placerait sous la loi ou dans une perspective morale); c’est un « comme » de conséquence, qui pourrait être traduit par « Puisque ». Jésus dit ceci à ceux qui ont connu son amour : De l’amour dont je vous ai aimés, vous pouvez et donc vous devez maintenant vous aimer les uns les autres. Ou encore : L’amour que vous manifesterez entre vous démontrera que vous avez reçu l’amour dont je vous ai aimés. Jean redira exactement cela dans sa première lettre (1 Jn 4.7-13; 5.1).

En réalité, la foi, l’espérance et l’amour sont indissociables (1 Co 13). Osons le dire : l’amour est le propre de l’expérience chrétienne5.

c. La circulation de la grâce🔗

L’expression « les uns les autres » implique aussi la réciprocité. Cela signifie qu’il n’y a pas dans l’Église ceux qui donnent et ceux qui reçoivent, ceux qui portent et ceux qui sont portés, ceux qui sont utilisés par Dieu et ceux qui seraient inutiles. Certes, il y a des forts et des faibles, comme Paul le dit. Mais le faible peut aussi être un instrument de la grâce, et le fort a aussi besoin de recevoir. Celui qui écoute a aussi besoin d’être écouté, celui qui visite a aussi besoin d’être visité, celui qui soutient a aussi besoin d’être soutenu. Personne ne devrait porter la part des autres à leur place.

La nature toute particulière des liens entre les chrétiens — qui sont des liens de communion que Jésus compare à la communion qui existe entre le Père et lui — et la circulation de la grâce entre tous ses membres, sont la condition pour l’édification de l’Église et pour son témoignage.

3. La dimension de l’amour fraternel🔗

« C’est à moi que vous l’avez fait » (Mt 25.40).

a. Ce que l’on fait à un membre de Christ, on le fait à Christ!🔗

Nous l’avons vu avec la conversion de Saul, mais c’est là un principe repérable dans toute l’Écriture, dès la formation du peuple saint. « Je bénirai ceux qui te béniront, je maudirai ceux qui te maudiront », dit Dieu à Abram (Gn 12.3). Nous comprenons que le regard que Dieu porte sur son peuple n’est pas identique au regard qu’il porte sur les autres peuples, et cela indépendamment des mérites (Ps 33.13, 18). C’est là une réalité permanente, dès l’Ancienne Alliance. « Qui vous touche touche la prunelle de mon œil », dit Dieu en s’adressant à Israël (Za 2.8). Cela concerne ce qui est fait en bien ou en mal. Cela concerne aussi ce qui est fait par des étrangers à l’égard du peuple de Dieu.

Nous en voyons une application avec Rahab la prostituée cananéenne qui accueillit avec bienveillance les espions du peuple hébreu, qui fut protégée ainsi que sa famille (Jos 2) et dont le nom figure dans la généalogie de Jésus! Nous le voyons aussi avec la veuve de Sarepta qui accueillit Élie (1 R 17)…

Dans les Évangiles, Jésus et ses contemporains appliquent cette règle. Du centenier romain dont le serviteur était malade, les anciens des juifs disent à Jésus : « Il mérite que tu lui accordes cela, car il aime notre nation » (Lc 7.4-5)6. Il y a ainsi une sorte de piété qui se traduit par des égards manifestés — par des croyants ou par des incroyants — en faveur de ceux qui appartiennent à Dieu7.

C’est là le sens de la fameuse parabole dite « du jugement des nations », en Matthieu 25 (si souvent entendue pour justifier on ne sait quel salut par les œuvres) : « Toutes les fois que vous avez fait ces choses à un des plus petits de mes frères, c’est à moi que vous l’avez fait » (Mt 25.40). Qui sont les frères de Jésus? Les textes parallèles le montrent sans ambiguïté : « Donner un verre d’eau à un de ces petits parce qu’il est mon disciple » (Mt 10.42). « Donner un verre d’eau en mon nom parce que vous appartenez à Christ » (Mc 9.41). Le mot « frère », dans la Bible, désigne toujours les membres du peuple de Dieu : Israël, l’Église. Ces textes démontrent la permanence de cette réalité révélée : ce que l’on fait à un membre du corps de Christ, on le fait à Christ. L’apôtre Paul dit : « En péchant de la sorte contre les frères et en blessant leur conscience faible, vous péchez contre Christ! » (1 Co 8.12). « On ne le savait pas… », comme Paul avant sa conversion.

Les références bibliques attestant ce principe sont innombrables, évoquant des gestes négatifs : « Lorsque quelqu’un [du peuple] péchera et commettra une infidélité envers l’Éternel en mentant à son prochain… » (Lv 5.21) ou positifs : « Dieu n’est pas injuste pour oublier votre travail et l’amour que vous avez montré pour son nom, ayant rendu et rendant encore des services aux saints » (Hé 6.10)8.

b. L’amour et l’entraide fraternels ont pour cadre l’Église🔗

En réalité, c’est le même principe, mais traduit autrement, l’objectif étant : « Que les membres aient également soin les uns des autres, de telle sorte qu’il n’y ait pas de division dans le corps » (1 Co 12.24-25). Nous notons qu’il ne s’agit pas ici de division doctrinale, mais d’une division due au fait que certains parmi les frères sont négligés et donc attristés. La communion est en jeu, comme avec les veuves du début d’Actes 6. « Pourvoyez aux besoins des saints », écrit Paul (Rm 12.13) qui parlera aussi de « l’assistance destinée aux saints » (2 Co 9.1). Ces expressions sont sans équivoque. Elles correspondent à la dimension de la diaconie et du diaconat.

Nous reconnaissons là le souci du Seigneur pour son Église. Par exemple, des chrétiens prennent la cène ensemble, puis certains vont se retrouver dans l’abondance (matérielle ou relationnelle), tandis que d’autres vont se retrouver démunis ou seuls. Si cela engendre de la souffrance, l’unité spirituelle de l’Église est en danger, ainsi que sa croissance et son témoignage.

C’est pourquoi nous voyons l’apôtre, qui est plutôt un enseignant, consacrer beaucoup de temps aux soins à apporter aux membres faibles des Églises.

« Les disciples résolurent d’envoyer, chacun selon ses moyens, un secours aux frères qui habitent la Judée. Ils le firent parvenir aux anciens par les mains de Barnabas et de Saul » (Ac 11.29-30; voir Rm 15.26; Ga 2.10).

Est-ce une vision étriquée? Est-ce que Jésus avait une vision étriquée? C’est au contraire une condition pour vivre le débordement de la grâce, la démonstration que le Seigneur est vraiment au milieu de nous.

Quand j’aime mon frère chrétien,
c’est Christ que j’aime à travers lui,
et c’est Christ qui l’aime à travers moi.

Notes

1. « Je crois la sainte Église universelle », dit le Symbole des apôtres, après avoir dit : « Je crois en Jésus-Christ ».

2. Paul parle ici de « divisions dans l’Église », pas pour des raisons doctrinales, mais parce que certains sont délaissés…

3. Je note au passage que le terme « prochain » (Rm 15.2), ici comme ailleurs, désigne le frère dans la foi (voir Ép 4.25).

4. La focalisation de l’amour du Seigneur pour (au sein de) son Église est simplement comparable à celle de l’amour qu’un homme porte à son épouse, d’une manière exclusive. Cela ne signifie pas que cet homme n’a pas aussi de la considération, du respect et des obligations envers les autres femmes, mais en aucune manière il ne leur devra ce qu’il doit à sa femme et à elle seulement. « C’est ainsi que les maris doivent aimer leur femme comme leur propre corps. Celui qui aime sa femme s’aime lui-même. Jamais personne n’a haï sa propre chair; mais il la nourrit et en prend soin, comme Christ le fait pour l’Église, parce que nous sommes membres de son corps. […] Ce mystère est grand; je dis cela par rapport à Christ et à l’Église » (Ép 5.25-30, 32; voir Os 2.18, 21-22).

5. Notons au passage que notre amour pour Dieu, c’est encore son amour en nous qui en est la source, qui le rend possible, selon 1 Jn 4.19. Rappeler cela, c’est simplement honorer le message de la grâce!

6. En Ac 10.1-2, nous voyons un autre officier romain, Corneille, démontrer sa piété et sa crainte de Dieu par ses prières et ses aumônes au peuple (de Dieu), deux indices révélateurs de la « crainte de Dieu » qui s’apparente à la foi.

7. En 1 Tm 5.4, le mot piété est employé pour parler des relations que les enfants doivent développer envers leurs parents. Notons l’affirmation surprenante de Mt 10.40 et Jn 13.20 : « Qui vous reçoit me reçoit… »

8. Nous savons que la tendance actuelle, présente dans tous les milieux ou presque, est d’appliquer ce principe à l’ensemble des hommes, faisant souvent de cette application universaliste le cœur même de l’Évangile. Je pense à l’opération récente de la Fédération protestante de France : Qu’as-tu fait de ton frère? Au sujet des migrants, ou au slogan du Défi Michée, le 10 novembre 2010 : Souvenez-vous des pauvres, appliquant cette injonction aux pauvres du monde, quand le texte biblique cité vise les pauvres au sein des communautés chrétiennes (Ga 2.10; Ac 11.29-30).