9. L’alliance avec Noé
9. L’alliance avec Noé
- Le profil d’un enfant de l’alliance
- Sauvés dans l’arche à travers l’eau
- Une assurance spéciale exigée
- Une alliance avec la nature?
- Le signe de l’arc-en-ciel
Nous avons mentionné de quelle façon le premier monde se retrouva sous l’empire de la terreur et était « plein de violence » (Gn 6.11). Sur terre, la violence et l’effusion de sang atteignirent de tels sommets que l’Éternel décida de prendre des mesures drastiques : « Et l’Éternel dit : J’exterminerai de la face de la terre l’homme que j’ai créé, depuis l’homme jusqu’au bétail, aux reptiles et aux oiseaux du ciel; car je me repens de les avoir faits » (Gn 6.7). L’Éternel s’était montré extrêmement patient et avait attendu un changement de cœur chez les hommes, mais le jugement était désormais imminent. Il devait être radical : l’humanité serait balayée de la surface de la terre. Ce fut le puissant jugement historique par l’eau du grand déluge.
Ce jugement toucherait les hommes et les animaux. Bien que les animaux soient moralement innocents des fautes de l’homme, ils furent malgré tout touchés par le jugement qui s’abattit sur la terre, puisqu’ils vivaient sous la domination de l’homme.
Il est aussi possible que la nature des animaux fût devenue si violente qu’aucun d’eux ne pouvait être dompté et ils constituaient une menace croissante pour les hommes; et que les hommes, tout comme les animaux, étaient devenus des prédateurs. Dans ce cas, l’Éternel opérait un nouveau commencement.
1. Le profil d’un enfant de l’alliance⤒🔗
L’Éternel ne détruira cependant pas complètement l’humanité et les animaux. Il demeure fidèle à son alliance d’amour et démontre sa grâce envers Noé, avec qui il persévérera dans l’avenir. Genèse 6.9 nous donne une caractéristique importante d’un enfant de l’alliance fidèle : « Noé était un homme juste et intègre parmi les générations de son temps; Noé marchait avec Dieu » (NBS).
Le mot « juste » implique ici la même chose que lorsque la Bible, plus loin, parle de la justice qui s’obtient par la foi. L’élément de justice par la foi ne fait jamais défaut dans la relation d’alliance. Noé crut en Dieu et plaça sa confiance dans sa promesse et — comme avec Abraham plus tard — cela lui fut imputé comme justice. Voir Hébreux 11.7 : « c’est par elle [la foi] qu’il [Noé] condamna le monde, et devint héritier de la justice qui s’obtient par la foi ». L’alliance a toujours été fondée sur la justification qui vient par la foi.
Si le mot « juste » désigne le statut que Noé avait devant Dieu, le mot « intègre » nous parle de sa réputation parmi les hommes. Il est précisé dans Genèse 6.9 : « intègre parmi les générations de son temps ». Il n’y avait rien à redire contre lui. Être intègre (et juste) ne signifie pas être sans péché. Cela signifie que Noé mit en pratique ce que Dieu voulait; il vécut une vie remplie des fruits de la foi. Cela aussi avait été, dès le commencement, une exigence de l’alliance de Dieu.
Puis nous trouvons l’expression : « Noé marchait avec Dieu » (comme cela est aussi attesté à propos d’Hénoc, Gn 5.24). « Marcher » renvoie ici à la totalité de la vie quotidienne. Noé vécut près de l’Éternel Dieu, dans un amour profond. Dans l’alliance nous vivons par la foi seule, nous démontrons publiquement les fruits de la foi et tout cela résulte d’une communion intime, profonde et personnelle avec l’Éternel lui-même. Cela constitue, de tout temps, le profil d’un véritable enfant de l’alliance.
À cette caractéristique d’un enfant de l’alliance, il nous faut ajouter un élément important. Le texte ajoute immédiatement, dans Genèse 6.10 : « Noé engendra trois fils : Sem, Cham et Japhet. » Il ne s’agit pas d’une simple note biographique, mais cela a un rapport avec la nature même et l’étendue de l’alliance de Dieu. Elle est conclue et poursuivie avec les croyants et leurs enfants. Ces fils étaient déjà adultes et même mariés (Gn 7.13) du temps du déluge, mais ils appartiennent, avec Noé et sa femme, à la lignée de l’alliance.
Il n’est pas fait mention de leur justice ni de leur condition spirituelle, non pas parce que ce n’est pas important, mais parce que leur statut à ce moment-là est déterminé par la position de Noé comme chef de famille. Dieu dit à Noé : « Entre dans l’arche, toi et toute ta maison; car je t’ai [singulier, pas toi et eux] vu juste devant moi parmi cette génération » (Gn 7.1). Dans l’alliance, Dieu ne traite pas qu’avec des individus; il est aussi gracieux envers leurs familles.
Je mentionne cela pour montrer comment l’Écriture peut parler de manière très simple de la façon dont Dieu applique son alliance d’amour aux croyants et à leur descendance. L’attitude des fils est exposée plus loin, après le déluge, et est décrite en détail dans Genèse 9.18-27. Nous découvrons alors que tous les fils ne nourrissaient pas un réel amour pour Dieu et son service; et cela a d’importantes conséquences.
2. Sauvés dans l’arche à travers l’eau←⤒🔗
Ce premier grand jugement intervint par l’eau, par un grand déluge. L’eau nettoie et purifie, tout comme elle détruit. La seule façon d’échapper à ce jugement est d’utiliser une arche. Ce n’est que dans l’arche que Noé, sa famille et les animaux peuvent être en sécurité et en mesure d’entrer dans un nouveau monde. Nous devons garder à l’esprit que les éléments ne sont pas, comme lors du jugement dernier, fondus et renouvelés. Mais le grand déluge préfigure le jugement certain qui viendra à la fin des temps. « … le monde d’alors périt, submergé par l’eau; mais, par la même parole, les cieux et la terre d’à présent sont gardés et réservés pour le feu, pour le jour du jugement et de la ruine des hommes impies » (2 Pi 3.6-7). Dans les deux cas, l’alliance de Dieu est la seule issue.
L’eau et l’arche revêtent dans l’Écriture une signification particulière et illustrent la voie du salut. L’apôtre Pierre écrit :
« … l’arche, dans laquelle un petit nombre de personnes, c’est-à-dire huit, furent sauvées à travers l’eau. Cette eau était une figure du baptême, qui n’est pas la purification des souillures du corps, mais l’engagement d’une bonne conscience envers Dieu, et qui maintenant vous sauve, vous aussi, par la résurrection de Jésus-Christ; il est à la droite de Dieu, depuis qu’il est allé au ciel, et que les anges, les autorités et les puissances lui ont été soumis » (1 Pi 3.20-22).
Tout comme Noé et sa famille durent passer par l’eau (pour être purifiés, en quelque sorte, par le déluge), nous devons aussi passer à travers l’eau, à savoir l’eau du baptême, qui est désormais le signe et le sceau de l’alliance de Dieu. Noé fut « baptisé », et nous aussi. L’eau représente à la fois la mort et la vie, le jugement et le salut, et nous dirige, comme l’écrit Pierre, vers l’œuvre de salut du Christ, qui est mort, mais ensuite est ressuscité et s’est élevé dans la gloire. Nous ne sommes pas sauvés par des rituels ou des signes, mais uniquement par Jésus-Christ.
Tout comme le déluge signifiait tirer un trait sur un ancien monde et entrer dans un nouveau, le baptême marque une transition décisive : nous sommes morts avec le Christ, avons été ensevelis avec lui par le baptême en sa mort, afin que, tout comme le Christ est ressuscité des morts par la gloire du Père, nous puissions vivre une vie nouvelle (voir Rm 6.3,4). Le déluge préfigure le baptême, et le baptême nous dirige vers notre purification et notre renouvellement par le sang et l’Esprit du Christ. Dans l’histoire de la rédemption, il y a unité et progression.
3. Une assurance spéciale exigée←⤒🔗
En Noé et ses fils, Dieu opère un nouveau commencement. Mais il le fait à travers la même alliance qu’il avait établie à l’origine. Dieu dit à Noé que tout ce qui est sur terre périra, « mais j’établis mon alliance avec toi… toi et tes fils, ta femme et les femmes de tes fils avec toi » (Gn 6.18-19). Le déluge ne signifie pas que Dieu en a fini de traiter avec les hommes dans le cadre de son alliance; il indique un nouveau commencement qui est en même temps une continuation. Dieu est toujours à l’œuvre dans la lignée d’Adam et de Seth, dans les générations fidèles, selon son ancienne promesse.
C’est la première fois dans la Bible que nous rencontrons le mot alliance. Comme je l’ai montré, cela ne signifie pas qu’il n’y avait pas d’alliance avant. L’Éternel Dieu utilise désormais ce mot et parle en termes forts (« J’établirai mon alliance avec toi… ») parce que jamais auparavant un tel jugement, ayant une telle portée, n’avait été annoncé contre la race humaine. Tous les autres gens seront détruits par la juste colère de Dieu. Noé doit avoir une certitude absolue concernant le dessein divin, afin de pouvoir placer sa confiance dans l’œuvre de salut de Dieu. Avec cette certitude, il doit construire l’arche et parler à tous comme « prédicateur de la justice » (2 Pi 2.5). Noé s’enfonce dans cette nuit ténébreuse en ayant l’assurance des promesses de l’alliance de Dieu.
Car le moment où l’assurance fut plus que jamais nécessaire, ce fut pendant la construction de l’arche. Mais aussi : tout comme Dieu demeura fidèle à sa parole à ce moment-là, il demeurera fidèle à son peuple de l’alliance lorsque viendra le temps où le monde sera dissout par le feu.
4. Une alliance avec la nature?←⤒🔗
Nous lisons dans Genèse 9.9-11, après que les eaux se sont retirées, que Dieu dit à Noé et ses fils :
« Voici, j’établis mon alliance avec vous et avec votre postérité après vous; avec tous les êtres vivants qui sont avec vous, tant les oiseaux que le bétail et tous les animaux de la terre, soit avec tous ceux qui sont sortis de l’arche, soit avec tous les animaux de la terre. J’établis mon alliance avec vous : aucune chair ne sera plus exterminée par les eaux du déluge, et il n’y aura plus de déluge pour détruire la terre. »
Puisque cette alliance semble inclure plus que le simple genre humain et qu’elle est conclue sans équivoque avec « toute chair qui est sur la terre » (Gn 9.17), on lui a souvent donné le nom d’alliance avec la nature, et certains ont vu en elle une alliance différente de celle conclue antérieurement avec Adam et Seth.
H. Bavinck1 voit dans cette alliance avec Noé une forme unique de grâce commune. Par le déluge Dieu purifie l’ancien monde, qui était devenu violent, et inaugure une période de grâce étendue. Pour Bavinck, cette « nouvelle » alliance, qu’il croit liée à l’alliance de grâce, mais non identique à cette dernière, entraîne les importantes conséquences suivantes : la grâce est désormais plus puissante pour restreindre le mal, la malédiction est limitée, les animaux craignent l’homme au lieu de l’attaquer et (la puissance de) la nature est dans l’ensemble sous contrôle. Comparés à ceux du « premier monde », le monde d’avant le déluge, les gens ont un caractère plus doux, ils sont moins forts et moins violents, et ils ne vivent pas aussi longtemps que leurs ancêtres. La vie humaine — de si peu de valeur avant le déluge — est désormais protégée par la peine capitale, afin de mettre un frein aux continuels bains de sang que l’on voit avant le déluge (Gn 9.6), la vie étant par ailleurs plus encadrée. Bavinck croit aussi que des changements climatiques et de paysages sont intervenus, et pour lui, la disparition des grands animaux préhistoriques (les dinosaures) fait partie de cette alliance. Dieu prit toutes ces mesures afin d’assurer la continuation de la vie et d’empêcher la poursuite de la destruction (ou l’autodestruction) de l’humanité.
S. G. de Graaf écrit :
« L’alliance noachique est communément appelée alliance avec la nature. Il n’y a rien à redire à cette caractérisation si l’on reconnaît que l’homme fait partie de la “nature”. Cette alliance fut établie non seulement avec la terre et les animaux, mais en premier lieu avec l’homme.2 »
De Graaf avance un argument important. L’alliance est établie avec l’homme. Elle entraîne bien évidemment des conséquences pour toutes les créatures et pour toute la terre, mais l’homme en est son premier bénéficiaire. Dieu dit clairement qu’il ne mettra plus en œuvre de jugement aussi important jusqu’au rassemblement complet de l’Église du Christ. Dans la création, toutes choses doivent servir ce dessein. Toutes les créatures bénéficieront de ce décret. Dans ce sens, nous ne devrions pas parler d’une alliance avec la nature, car la nature (ce monde) bénéficie de la relation de Dieu avec l’humanité. Le monde présent existe pour le rassemblement de l’Église du Christ, et une fois celui-ci accompli, il disparaîtra (voir 2 Pi 3.7 : « les cieux et la terre d’à présent sont gardés et réservés pour le feu… ») Toute la création sera renouvelée, non pas par l’eau, mais par le feu du jugement dernier.
En attendant, l’Éternel, à la faveur de son alliance avec les générations fidèles du genre humain, contiendra le mal et contrôlera et protégera la nature, pour que la terre puisse de nouveau être remplie d’hommes et de femmes (et d’autres créatures) et pour que l’Église puisse être rassemblée. Nous n’avons pas ici une alliance nouvelle ou différente, mais la même alliance d’amour qui, à ce moment précis, donna des garanties à Noé et à ses descendants. Il vaut par conséquent mieux ne pas parler d’une alliance de la nature, mais simplement voir cette déclaration alliancielle comme une application particulière de l’alliance d’amour existante et en cours.
5. Le signe de l’arc-en-ciel←⤒🔗
Nous lisons que Dieu établit à ce moment-là un signe bien particulier. « … j’ai placé mon arc dans la nue, et il servira de signe d’alliance entre moi et la terre » (Gn 9.13). Pourquoi ce signe? L’arc-en-ciel résulte de l’interaction du soleil et de l’eau. Il y aura encore de nombreux orages sur terre, voire des déluges localisés, mais l’arc-en-ciel indique que le soleil perce à travers les nuages.
L’on peut se poser la question de savoir à qui s’adresse ce signe. Les animaux ne peuvent évidemment pas comprendre rationnellement ce signe et faire le lien avec la bonté de Dieu. C’est par conséquent un signe qui s’adresse à l’humanité. Des nuages opaques peuvent se former et des orages peuvent éclater, mais l’éclat coloré de l’arc-en-ciel rappelle à tous que l’orage passera forcément. J’ai vu à quel point les gens sont fascinés et émerveillés lorsqu’un arc-en-ciel apparaît dans le ciel. Ceux qui connaissent la Parole de Dieu se souviennent de sa promesse.
Il est remarquable que l’Éternel dise aussi : « L’arc sera dans la nue; et je le regarderai, pour me souvenir de l’alliance perpétuelle entre Dieu et tous les êtres vivants, de toute chair qui est sur la terre » (Gn 9.16). L’Éternel a-t-il réellement besoin que quelque chose lui rappelle ses propres promesses? Bien sûr que non. Mais cela constitue la bonté de Dieu envers nous, son peuple. Il se lie par ce signe pour retarder le jugement final et complet jusqu’à ce que l’alliance ait atteint son but : appeler tous les enfants de Dieu pour les nouveaux cieux et la nouvelle terre.
Notes
1. Gereformeerde Dogmatik, tome III, p. 196-197.
2. Promise and Deliverance [Promesse et délivrance], trad. libre, tome I, p. 60.