Introduction au livre de Jonas
Introduction au livre de Jonas
- Auteur
- Époque
- La nature de l’écrit
- Plan
-
Message
a. Vision universaliste du salut
b. Nationalisme étroit d’Israël
c. L’essence de la mission - Jésus et le livre de Jonas
1. Auteur⤒🔗
Qui nous a raconté l’histoire du héros de ce livre, le prophète Jonas? Nulle part l’auteur n’est mentionné, donc nous ne saurons rien de lui. Il est probable qu’un auteur au courant de la tradition vivante de ce fait, peut-être prophète lui-même, ait rédigé le livre à l’époque même où l’esprit prophétique agissait au milieu d’Israël, avant la captivité.
En hébreu, le mot Jona signifie colombe. Le titre de fils d’Amitthaï, donné dans le verset 1 au prophète ainsi nommé, ne permet pas de douter de son identité avec le prophète mentionné en ces termes dans le livre des Rois :
« Il [Jéroboam] rétablit la frontière d’Israël depuis l’entrée de Hamath jusqu’à la mer de la Araba, selon la parole que l’Éternel, le Dieu d’Israël, avait prononcée par l’intermédiaire de son serviteur le prophète Jonas, fils d’Amittaï, de Gath-Hépher » (2 R 14.25).
Nous apprenons par ce rapprochement que le prophète Jonas vivait sous le roi Jéroboam II (782-753), dont nous avons parlé à l’occasion des livres des d’Amos et d’Osée. Jonas était par conséquent contemporain du premier de ces deux prophètes, mais il était d’origine galiléenne; car le bourg de Gath-Hépher appartient à la tribu de Zabulon, qui se trouvait à près de 5 km au nord de Nazareth en Galilée inférieure, ce qui est une autre indication de l’appartenance de Jonas au royaume du Nord. Les pharisiens avaient tort en disant que rien de bon ne sortait de Nazareth (Jn 7.52), car Jonas était précisément un Galiléen!
On peut aisément supposer que Jonas était animé d’un zèle théocratique tout particulier, puisqu’il fut choisi par Dieu pour annoncer à Israël le relèvement glorieux, bien que temporaire, qui allait être accordé au royaume des dix tribus sous le règne de Jéroboam II.
2. Époque←⤒🔗
Nous opposant à l’opinion critique de la date tardive de la rédaction du livre, nous donnerons des arguments en faveur d’une date antérieure :
L’idée de Dieu d’inclure les païens dans son dessein de salut se trouve ailleurs dans l’Ancien Testament (Gn 9.27; 12.3; Lv 19.33-34; 1 S 2.10; És 2.2; Jl 2.28-32).
Les mots araméens qu’on trouve dans cet écrit et qui seraient la preuve de la rédaction tardive, post-exilique, se trouvent également dans d’autres écrits primitifs de l’Ancien Testament. L’Ancien Testament emploie aussi le style à la troisième personne, courant chez les auteurs bibliques.
Le texte de Jonas 3.3 signifie littéralement « était devenue ». Au moment de l’histoire de Jonas, Ninive était effectivement une très grande ville. Jonas est un personnage historique et le livre ne décèle pas la moindre trace d’éléments fictifs.
Contemporain de Jéroboam II, la période est celle d’une grande prospérité. Au temps de Jonas, l’Assyrie est une puissance en son déclin et le trône est occupé par des princes faibles, bien qu’elle reste toujours une grave menace; sa cruauté reste légendaire. La mémoire de celle-ci a été conservée dans des inscriptions archéologiques datant des 9e et 8e siècles avant J.-C. La repentance de Ninive a pu avoir lieu sous Assur-Dân III (773-755). Deux plaies la frapperont en 765 et 759; en outre, une éclipse solaire en 763 a pu préparer le peuple au message de Jonas.
Le fait de la mission du prophète à Ninive est conforme à ce que nous savons des relations entre Israël et l’Assyrie à ce moment-là.
3. La nature de l’écrit←⤒🔗
La narration est entièrement subordonnée à une préoccupation dominante, celle de rendre un certain témoignage.
Il existe trois principales manières d’envisager la nature de ce livre. Les uns y voient un récit entièrement fictif, une espèce de parabole destinée à donner un enseignement au peuple juif. D’autres estiment qu’il y aurait, à la base du récit, un fait réel que l’auteur aurait librement amplifié en vue de faire ressortir l’instruction qu’il aurait désiré inculquer à Israël. Les troisièmes l’envisagent comme le récit d’une histoire réelle rapportant des faits entièrement véritables sur lesquels repose l’enseignement théologique du livre. Nous ne saurions pas nous ranger à l’idée d’une simple parabole ni d’une amplification des faits.
Rappelons que le miracle du grand poisson a constitué le grand débat autour à la fois de l’historicité du livre et de la crédibilité des miracles bibliques. Il est essentiel de savoir à ce sujet que, contrairement à l’opinion d’anciens critiques, le « grand poisson » n’est pas une baleine, mais éventuellement un grand cachalot, qui peut effectivement avaler un corps humain et le rendre intact.
Le caractère historique de ce livre avait été accepté par les Juifs, qui étaient parfaitement capables de distinguer entre l’histoire et l’allégorie, et les paroles de notre Seigneur impliquent la réalité des événements auxquels il s’est référé.
Nous pouvons donc conclure avec raison que le livre est inclus dans les livres prophétiques parce que son message est entièrement prophétique; et nous ne pouvons pas nous empêcher d’admettre la réalité de l’histoire de Jonas, telle qu’elle est racontée, parce que le Christ lui-même a reconnu l’historicité du récit et du passage (Mt 12.39-41; 16.4).
D’autres raisons justifieront encore le caractère entièrement historique du livre. Son style est celui de la simple histoire, les noms des places et des gens ne sont pas symboliques, et le thème de la puissance de la repentance sincère, qui court d’un bout à l’autre du livre, rend témoignage à son unité.
La grandeur de Ninive, jadis niée par les critiques, a été démontrée par des fouilles archéologiques. Celles-ci en ont mis en évidence la grandeur de sa circonférence, qui a pu mesurer plus de 12 km et abriter une population de près de 175 000 personnes. Vers 879 avant notre ère, une ville voisine, Nimrod, comptait près de 70 000 personnes. Quant à la référence « trois jours de marche », elle ne s’applique pas seulement au pourtour de la ville au sens étroit, mais à toute sa périphérie. L’expression « roi de Ninive » ne désigne pas un souverain local, mais le monarque assyrien qui régna effectivement à partir de la ville de Ninive, sa capitale.
4. Plan←⤒🔗
1. Désobéissance de Jonas - 1.1-16
a. Appel - 1.1-2
b. Fuite - 1.3
c. Châtiment - 1.4-16
2. Prière de Jonas - 2.1-11
3. Obéissance de Jonas - 3.1-10
a. Prédication de la repentance - 3.1-4
b. Effet de la prédication, repentance - 3.5-10
4. Mécontentement de Jonas - 4.1-8
5. Remontrance du Seigneur - 4.9-11
5. Message←⤒🔗
Il n’est peut-être pas dans l’Ancien Testament un seul livre qui présente une énigme plus difficile à résoudre que celui qui porte le nom de Jonas.
Ninive se trouve au nord-est, Tarsis à l’ouest. Quand Dieu appelle Jonas à prêcher la repentance à l’inique capitale assyrienne, le prophète sait que la compassion de Dieu ne manquera pas de s’y manifester. Il refuse la mission et se dirige vers Tarsis. Mais une fois que Dieu a dompté l’esprit de son messager en le jetant hors du navire, et démontré sa discipline et sa protection en le faisant engloutir, puis le rendre vivant, par un grand poisson, Jonas se rend compte que Dieu est sérieux quand il adresse son ordre missionnaire. Ninive doit entendre la parole du Seigneur. Alors Jonas s’y dirigera. Bien que la prédication remporte un succès éclatant, le prédicateur, lui, sort de sa mission en colère et découragé, il doit apprendre de première main les compassions de Dieu envers les pécheurs.
a. Vision universaliste du salut←↰⤒🔗
Les desseins gracieux de Dieu englobent plus qu’Israël, et la leçon est donnée par l’exemple du prophète. Ninive devait servir d’épreuve, et le nationalisme égoïste de Jonas le poussa à échapper à sa mission de proclamation. La repentance de Ninive déplut au prophète, qui devint lui-même une parabole de la grâce divine surabondante. La miséricorde de Dieu s’étendant à tous les peuples et à tous les êtres de la création, voilà l’idée première qui est énergiquement accentuée dans cette extraordinaire histoire.
« Dieu fait avertir les païens par son prophète afin de pouvoir les épargner; puis obtient d’eux la repentance qu’il leur demande et détourne le châtiment qui les menace. Cette grâce extraordinaire est accordée non à des païens ordinaires, mais à la capitale du monde des Gentils, à la représentante de toutes les abominations païennes, et en particulier à la plus violente inimitié contre Israël et le règne de Dieu. Enfin, la sollicitude de Dieu s’étend jusqu’aux petits enfants de ce peuple et jusqu’aux animaux eux-mêmes. Assurément, il n’y a là rien de contraire à la vraie notion de Dieu telle qu’elle est présentée dans tout l’Ancien Testament; mais il faut avouer que cet aspect de la vérité divine s’exprime ici avec une force sans égale » (Bible Annotée, Introduction à Jonas).
Dieu ne se laisse jamais sans témoins, même dans les périodes les plus sombres de l’histoire. Un passage tel qu’Ésaïe 19.25 atteste que même au temps du chauvinisme patriotique et religieux, il y avait en Israël des âmes qui voyaient plus haut et plus loin, et pour lesquelles l’Égypte et l’Assyrie elles-mêmes étaient des « peuples de l’Éternel » à qui le salut devait être annoncé.
« L’auteur du livre de Jonas n’est donc pas le seul qui ait travaillé dans ce sens. Lorsqu’à la fin du chapitre 19 d’Ésaïe, l’Égypte, l’Assyrie et Israël nous sont représentés comme trois peuples formant ensemble un seul et même peuple de Dieu, […] n’est-ce pas là la protestation la plus éclatante contre le particularisme national d’Israël, l’affirmation la plus magnifique qui se puisse concevoir de l’universalisme qui, quelles que soient parfois les apparences, forme le vrai fond de la pensée divine révélée dans l’Ancien Testament? » (Bible Annotée, Introduction à Jonas).
Le livre de Jonas, sous une forme concrète, nous apporte une révélation décisive à cet égard.
Parmi les écrits prophétiques, il est le seul qui ne se réfère pas à la pensée de l’alliance. Et pourtant le Dieu qu’il proclame est identique au Seigneur de l’alliance. C’est le Créateur, à la fois inconfortable et exigeant, capable s’il le juge nécessaire de dresser ses envoyés contre tout un royaume. Le récit démasque la vraie nature de l’homme qui, même en sa qualité de prophète, essaie toujours d’échapper à Dieu. Mais on n’échappe pas à Dieu (Jon 1.3-16 et Ps 139). Il s’agit de croire en ce Dieu capable de délivrer les siens même de la mort (Jon 2.3-10). Il veut faire entendre également sa parole aux peuples étrangers à son alliance. Mais comme en témoigne notre récit, cette intention divine ne signifie pas que Jonas, le prophète des païens, puisse, pour les besoins de la cause, altérer le contenu du message dont il est chargé. Il ne nous est pas dit que les païens possèdent en eux une étincelle de foi qu’il s’agit simplement de ranimer, mais il est déclaré sans ambages que le chemin qui mène à Dieu passe par la repentance (Jon 3.1-10).
C’est dans cette perspective que nous devons considérer les diverses odes de cette histoire familière : le navire dans la tempête, le gros poisson, la conversion foudroyante des Ninivites, le mécontentement de Jonas, la poussée et le dessèchement du ricin. À tel ou tel de ces épisodes on peut trouver, chemin faisant, une signification particulière. Mais l’ensemble des éléments du récit est destiné à illustrer, à soutenir, à faire accepter au lecteur la grande pensée de l’amour universel de Dieu pour ses créatures.
b. Nationalisme étroit d’Israël←↰⤒🔗
« Sur ce fond lumineux de la miséricorde qui embrasse tous les êtres se détache, comme une figure sombre, celle du personnage qui est le héros du livre, l’Israélite Jonas. Il accepte volontiers pour lui-même les soins délicats de la bonté divine, mais il s’indigne d’avance à la pensée que les païens puissent aussi devenir l’objet de cette grâce, et, dans cette prévision irritante, il se soustrait à la mission dont Dieu le charge. Lorsqu’il voit son pressentiment se réaliser, il ose tenir tête à l’Éternel et repousse hardiment la leçon pleine de douceur qui lui est donnée par son Dieu.
Ce qu’il y a de plus étonnant, c’est que ce violent conflit entre la pensée nationale juive et la pensée divine est mis sur le compte, non d’un simple membre du peuple israélite, mais d’un serviteur de Dieu, de l’un de ces hommes extraordinaires qui formaient l’ordre des prophètes, de l’un de ceux qui dans l’Ancien Testament sont les interprètes des desseins de Dieu » (Bible Annotée, Introduction à Jonas).
Le livre d’Esther montre dans quelles extrémités tomba la communauté israélite dans la période qui suivit l’Exil. Il y avait à la base de ces excès un sentiment juste : celui de la nécessité pour un petit peuple, dont l’existence spirituelle et nationale était continuellement et gravement menacée par les grandes puissances païennes, ses voisines, de défendre énergiquement son intégrité, en opposant aux influences de l’extérieur des barrages infranchissables et en se raidissant dans une attitude défensive. De là la résistance aux invités des Samaritains lors de la reconstruction du temple; de là les efforts de Néhémie et d’Esdras contre les mariages avec des femmes étrangères; de là la volonté bien arrêtée des membres de la communauté du second temple de n’avoir rien de commun avec les païens et leur paganisme.
Mais entre cette attitude légitime de protectionnisme spirituel à l’égard des étrangers païens et la haine de ces mêmes étrangers, entre la résolution de ne pas se laisser dévorer par les infidèles et le souhait de voir ces infidèles irrémédiablement condamnés et détruits, il y avait un grand pas à franchir. Ce pas, la masse des croyants juifs l’a franchi au temps d’Esdras et de ses successeurs. Et toute cette époque est caractérisée par un particularisme national et religieux qui nous étonne chez ces héritiers du grand prophétisme.
Mais en même temps, Ésaïe nous représente Israël comme le serviteur de l’Éternel sourd et aveugle qui se refuse à comprendre la pensée de son Dieu et à s’y associer, et qui par sa résistance au plan divin finira par se ruiner définitivement. « Qui est aveugle et sourd? » Cette parole pourrait servir d’épigraphe au livre de Jonas. Ce sentiment d’amer mécontentement, qu’Israël éprouve à l’égard des plans de la miséricorde divine envers le monde païen, ne fait que s’accentuer parmi le peuple à mesure que progresse son histoire; il éclate de la manière la plus repoussante dans les audacieuses répliques que le prophète Malachie (Ml 2.17; 3.13-15) met dans la bouche des Juifs de son époque. Ce sera cet esprit qui crucifiera Jésus, le Christ promis, qui lapidera Étienne, qui persécutera Paul, qui séparera l’Église de la Synagogue et qui entraînera fatalement la ruine d’Israël. C’est un écueil fatal pour l’ancien peuple élu. Le livre de Jonas est là pour le lui signaler comme ne le fait aucun autre écrit de l’Ancienne Alliance.
« Il ne nous semble pas possible que l’homme, quel qu’il soit, qui a composé cet écrit, ait pu se proposer un autre but que celui de combattre de la manière la plus énergique la tendance de son peuple à s’envisager, en raison de l’alliance divine, comme le seul objet de la miséricorde de Dieu et, après s’être approprié le monopole de la grâce, à vouer les Gentils aux horreurs du jugement. Un prophète viendrait-il se faire lui-même l’organe d’un pareil sentiment d’orgueil et d’intolérance, Israël ne devrait pas l’écouter, mais devrait l’envisager comme un faux interprète de la pensée de Dieu; voilà la grande leçon que ce récit était destiné à donner au peuple de Dieu. Si elle avait été comprise, l’avenir d’Israël en aurait été changé. L’esprit pharisaïque qui a perdu ce peuple aurait reçu dans son sein un coup mortel » (Bible Annotée, Introduction à Jonas).
Quant à l’homme libéré, forcé à l’obéissance et sanctifié par la grâce toute-puissante, il ne devient pas pour autant un ange, et c’est ce que nous montre Jonas. L’auteur connaît les contradictions de la nature humaine : il montre Jonas en contestation avec Dieu qui, contre les secrets désirs et les trop sages prévisions de son prophète, s’est montré miséricordieux. À cet homme divisé contre lui-même, Dieu révèle sa puissance et son amour, son jugement et sa grâce, et c’est ainsi qu’il triomphe des doutes de son serviteur (Jon 4.1-11).
c. L’essence de la mission←↰⤒🔗
Ce livre est une histoire destinée à défendre une idée, à promouvoir un changement d’attitude dans l’âme du lecteur. L’auteur entend opposer à la mentalité courante, qui souhaite le malheur des païens, la hauteur, la largeur et la profondeur de l’amour de Dieu qui souhaite leur conversion et leur vie. Dieu veut le salut de tous. La parole la plus profonde concernant l’attitude de Dieu en face de l’humanité perdue se trouve à la fin du livre. « Et moi n’aurais-je pas pitié de Ninive? » (Jon 4.11). Si le prophète Amos nous présente la souveraineté de Dieu, Abdias son jugement, Jonas nous donne la révélation suprême de sa grâce. Le mot « pitié » employé ici vient d’un terme hébreu qui signifie couvrir. L’Éternel ne couvrirait-il pas cette ville païenne pour la protéger contre le jugement? Voilà l’origine de toute entreprise missionnaire.
Pour exprimer son amour-pitié, Dieu se sert de messagers humains. « Comment croiront-ils en celui dont ils n’ont pas entendu parler? » (Rm 10.14). Voilà ce qui explique la persistance avec laquelle la Parole de l’Éternel fut adressée à Jonas une seconde fois (Jon 3.1). Dieu s’y prit à trois fois pour mettre son messager en harmonie avec ses plans gracieux. « Fais-tu bien de te fâcher? » (Jon 4.4). La responsabilité qui incombe au messager est de vraiment présenter celui qui l’envoie auprès des hommes. Dieu n’envoie pas uniquement des anges ni seulement une parole prophétique, mais des hommes qui incarnent la vérité.
Pourquoi Jonas a-t-il désobéi? Non par ignorance de Dieu, « Je savais que tu es un Dieu qui fais grâce et qui es compatissant » (Jon 4.2), mais par manque d’amour pour Ninive, la ville ennemie et cruelle. Que de Jonas modernes! Nous sommes incapables de créer nous-mêmes cet amour des perdus. Il jaillit cependant spontanément de l’obéissance à Dieu. Cette obéissance nous guérira du péché de sectarisme, de l’exclusivisme qui consiste à croire que la lumière reçue est à garder égoïstement pour soi, et elle nous poussera à abandonner nos aises pour sauver ceux que l’amour de Dieu cherche. Ainsi, nous connaîtrons la parfaite communion avec Dieu et avec les hommes qui hâtera la venue du jour de la victoire définitive.
Jonas, et avec lui le peuple de Dieu tout entier, sont appelés comme Abraham à proclamer le nom du Dieu vivant aux nations étrangères. La délivrance du prophète doit rappeler le salut que Dieu a accordé à son peuple et qu’il manifestera un jour dans sa plénitude. La victoire de Dieu sur les doutes de son envoyé signifie que Dieu lui-même est l’auteur de notre sanctification. Ce petit livre, en apparence si différent des écrits prophétiques, proclame à l’adresse d’un peuple devenu singulièrement bigot et sur le point de tomber dans l’idolâtrie de la race, l’inquiétante réalité du Dieu vivant, juste et miséricordieux.
Nous devons constamment nous rappeler les leçons permanentes de ce livre. Non seulement nous apprenons les vraies implications de la repentance personnelle et nationale dans une histoire qui prouve abondamment le soin que Dieu prend des Gentils, mais aussi pour l’œuvre missionnaire en général, nous avons dans la délivrance de Jonas un type merveilleux de la résurrection du Christ.
6. Jésus et le livre de Jonas←⤒🔗
« Mais il y a plus que cela dans ce livre extraordinaire. Si, d’un côté, Jonas désobéissant à l’ordre divin est le représentant d’Israël appelé à proclamer aux païens le salut de Dieu et se refusant, par manque de charité, à remplir cette bienfaisante mission, d’autre part il ne faut pas oublier que la crise par laquelle passe le prophète fait de lui, pour un moment, un nouvel homme et le rend capable d’être l’instrument du salut de Ninive. Par là, Jonas devient l’image d’un Israël répondant à sa mission et procurant le salut au monde. Il devient en particulier le représentant anticipé de l’Israélite parfait qui, après avoir traversé aussi une crise de mort et de résurrection, reparaît à la lumière de la vie pour prêcher au monde païen tout entier, par la bouche de ses apôtres, la repentance et la rémission des péchés (Lc 24.44-47; voir Mt 12.39-41; Lc 11.29-30). Voilà les mystérieuses perspectives prophétiques dans le livre de Jonas. L’avenir d’Israël, du Messie, du règne de Dieu est là tout entier, comme l’arbre dans son germe. N’avons-nous pas raison de dire que le plus grand miracle de ce livre, c’est le livre lui-même? » (Bible Annotée, Introduction à Jonas).
Pourtant le but fondamental du livre de Jonas ne se trouve pas dans son message missionnaire ou universaliste de salut. Il veut montrer, avant tout autre chose, que Jonas, englouti dans les profondeurs du shéol et qui en est retiré vivant est une illustration de la mort du Messie pour les péchés des siens, ainsi que de sa résurrection. Le Messie est le vrai Israélite et le fidèle serviteur du Seigneur, dont la mort a été causée par le péché du monde. L’expérience de Jonas a son fondement dans la démonstration qu’il y a quelqu’un de plus grand que Jonas.
L’Évangile évoque le livre de Jonas dans la parole célèbre où Jésus dit : « Il y a ici plus que Jonas » (Lc 11.29-32; voir Mt 12.39-41). Oui, certes, la révélation du Fils de Dieu dépasse toutes les autres. Mais dans le livre de Jonas brille magnifiquement une clarté annonciatrice de la lumière de l’Évangile.
Jésus, parlant de Jonas, interprète ainsi le récit. Face aux incrédules qui lui demandent des miracles et des prodiges, Jésus répond par un refus et renvoie au « signe de Jonas ». Il veut dire que la signification de ces miracles est, tout d’abord, de réaliser la parole qui les accompagne (Mt 16.4; Lc 11.29-30) et qui invite à la conversion. Après la résurrection, la portée du signe de Jonas a été encore mieux comprise, comme en témoigne le développement propre au premier Évangile (Mt 12.40). Il est possible également que l’expression du symbole de foi le plus ancien, « le troisième jour il est ressuscité des morts selon les Écritures » (1 Co 15.4), se réfère aussi à ce signe. Jésus indique, enfin, que Jonas est signe de la portée universelle de son Évangile.