Cet article sur les questions d'introduction à l'épître aux Galates traite de son auteur, de son but, des destinataires, de la date et du lieu de sa composition, des circonstances, de ses particularités, de son message et de l'analyse de son contenu.

Source: Introduction au Nouveau Testament. 10 pages.

Introduction à l'épître aux Galates

  1. Auteur et but de la lettre
  2. Destinataires
  3. Date et lieu de composition
  4. Circonstances de composition
  5. Particularités
  6. Message
  7. Analyse du contenu
  8. Questions

1. Auteur et but de la lettre🔗

L’authenticité de cette lettre ne soulève aucun problème. Sa rédaction est motivée par la défense du pur Évangile, prêché par Paul. Aussi, chacun des paragraphes porte le sceau de la plume et de la personnalité du grand apôtre. C’est un esprit puissant, un cœur tendre et une volonté indomptable qui soutiennent la forte conviction théologique que nous trouvons dans ces pages comptant parmi les plus profondes du Nouveau Testament. L’ensemble des qualités dont il fait habituellement preuve a placé sur notre lettre un cachet particulier, tout à fait exceptionnel. Nulle part ailleurs, l’apôtre n’entreprend le combat spirituel avec autant de clarté et un esprit aussi incisif. Nulle part, son indignation, pleinement justifiée, n’atteint de telles hauteurs. Sa consécration à la seule cause de l’Évangile « selon l’Évangile », dirions-nous, est totale. Il possède une vive conscience de sa vocation céleste. Elle n’est pas reçue des mains des hommes! Aussi est-il déterminé à aller jusqu’au bout de la mission qui lui a été confiée d’une manière inhabituelle. Un style vigoureux, une ironie qui n’est jamais discourtoise, un pathos touchant — des emportements aussi — sont mis au service de la révélation qu’il a reçue; ils prouvent que l’apôtre, en la rédigeant, se trouve au sommet de sa puissance intellectuelle.

Le problème particulier dont s’occupe la lettre aux Galates est un autre argument en faveur de l’authenticité de la lettre. À la fin du premier siècle de notre ère, les rapports entre juifs et païens avaient cessé d’agiter l’Église, mais au moment où Paul exerce son ministère ces rapports sont encore au cœur de l’actualité chrétienne. Les débats se trouvent au centre de ses soucis apostoliques. C’était une affaire bien plus difficile qu’on ne pourrait le supposer. Aujourd’hui, nul ne penserait que, pour devenir membre de l’Église, il lui faille subir au préalable le ritualisme juif pour atteindre par la suite des degrés spirituels plus élevés. Ceci était justement devenu presque un article de foi chez nombre de convertis d’origine juive. Cette interprétation de la foi avait motivé non seulement la rédaction de notre lettre, mais encore d’autres écrits. Elle avait aussi été la cause de certaines activités de Paul.

À l’époque, judaïsme et christianisme étaient très étroitement associés. Israël, ou la nation juive, avait été le peuple élu de Dieu, désigné à véhiculer la révélation rédemptrice au milieu des « nations ». On a pu dire que, si le judaïsme fut la fleur, le christianisme en devint le fruit. L’apôtre qualifie Israël de tronc d’olivier dont les convertis païens sont les branches greffées. Les prophètes de l’Ancien Testament avaient prédit l’avènement du Messie. La loi cérémonielle n’était pourtant que l’ombre d’une réalité à venir. Celle-ci serait la rédemption en Christ, devant produire la véritable sainteté, la consécration que Dieu exigeait de tout fidèle. Ainsi, selon Paul comme selon l’ensemble du Nouveau Testament, lorsque la réalité apparut, l’ombre dut céder le pas. Christ accomplit les exigences de la loi et mit un terme à son « pouvoir » asservissant. Paul se rendait bien compte que, même dans l’ancienne dispensation, les fidèles ne parvenaient à la connaissance du salut qu’au moyen de la foi, et non au prix d’une obéissance servile et légaliste. En Christ, la loi qui séparait provisoirement le juif du païen avait été abolie; tel était le mystère révélé. Désormais, seule la foi en Christ unissait les juifs aux païens, les deux étant devenus un seul et unique peuple de Dieu.

Malheureusement, tous les fidèles ne partageaient pas cette conviction. De nombreux judaïsants estimaient que, même après avoir été mis au bénéfice du salut par grâce, l’observation stricte de la loi était de rigueur. Les légalistes avaient de nombreux arguments pour étayer leur thèse. Certes, l’Écriture elle-même démontre un grand respect vis-à-vis de la loi. Christ en personne, durant son ministère, l’avait scrupuleusement observée. De leur côté, les apôtres n’avaient pas complètement rompu avec le Temple. Ils adoraient Dieu selon les coutumes juives et, tout en proclamant la liberté par rapport à la loi, Paul en personne observait des fêtes juives, se vantant même d’être de race juive; pourtant, nous ne nous étonnons pas que les légalistes le haïssaient, refusant de reconnaître son autorité apostolique et s’opposant à sa mission évangélisatrice. Car Paul ne s’en prend pas seulement aux adversaires judaïsants; il établit aussi une fois pour toutes la nature des rapports entre la loi et l’Évangile. La justification par la foi seule est le grand acte qui fait de l’Église non une nouvelle secte juive, mais la communauté universelle composée de ceux qui en Jésus reconnaissent le Messie promis aux juifs et le Seigneur universel. En lui, le désiré des nations, l’accomplissement des prophéties antiques se réalisait.

L’apôtre avait été admirablement préparé en vue d’une telle mission. Hébreu d’origine, il appartenait à la secte religieuse des pharisiens, la plus stricte entre toutes, avait étudié la loi sous Gamaliel, célèbre autorité, et il connaissait parfaitement le monde païen, du fait de son origine d’une des villes les plus cosmopolites de l’Empire et centre culturel célèbre, Tarse en Cilicie. Il avait obtenu la citoyenneté romaine; il était bien placé pour observer les différences entre le judaïsme et le paganisme contemporain; et il aimait passionnément son peuple et s’attachait pratiquement à sa religion; preuve en soit la persécution qu’il déclencha avant sa conversion contre l’Église. Mais lorsqu’il fut saisi par la vision céleste le terrassant sur le chemin de Damas, il comprit enfin que la mort sacrificielle du Christ et sa résurrection étaient les preuves incontestables de sa messianité et l’assurance de sa victoire. Dès lors, tout ce qui touchait aux cérémonies rituelles et légalistes juives le laissait indifférent. S’il lui arrivait de les observer, c’était dans l’intention de ne pas inutilement choquer ses compatriotes. Mais quant aux païens, il assure qu’ils n’ont pas l’obligation de les observer. Observer la loi comme condition du salut reviendrait à nier catégoriquement l’œuvre médiatrice du Christ.

Durant son premier voyage missionnaire, l’apôtre avait compté de très nombreux convertis parmi les païens originaires de l’Asie Mineure, sans les obliger à se conformer aux exigences de la loi mosaïque. Revenu à Antioche, la ville qui servait de quartier général aux missionnaires, il avait été violemment pris à partie par des judaïsants lui reprochant de n’avoir pas imposé aux convertis du paganisme les règles de la religion de l’Ancien Testament. Cette contestation donna lieu à la convocation du premier concile ecclésiastique, qui se tint à Jérusalem et auquel prirent part — outre les missionnaires Barnabas et Paul — tous les coryphées de l’Église de la capitale. Des mesures furent prises en faveur des convertis païens. Il leur fut recommandé de ne pas consommer de la chair sacrifiée aux idoles et surtout de s’abstenir de la fornication. Cependant, ils étaient libres à l’égard de la loi mosaïque.

Mais le Concile de Jérusalem n’a pas réussi à mettre fin aux troubles et à apaiser les esprits. Peu après, Pierre rendait visite à l’Église d’Antioche. Sans tenir compte des anciennes habitudes juives, il prit part aux tables des païens convertis. Mais lorsque des émissaires judaïsants de Jérusalem arrivèrent à leur tour à Antioche, Pierre jugea opportun de modérer sa conduite et de s’abstenir de manger avec les chrétiens d’origine païenne. Ainsi, fit-il preuve d’une duplicité qui n’a pas eu l’heur de plaire à l’apôtre des gentils. Non seulement Pierre, mais encore le compagnon de service de Paul, Barnabas en personne, avait succombé au même esprit de timidité. Paul ne jugea pas inutile de reprendre en public ses compagnons et des apôtres.

Les mêmes difficultés apparurent partout où naissait une nouvelle Église formée de convertis païens. Là où Paul mettait les pieds, les judaïsants le suivaient, pour ne pas dire le poursuivaient, dans l’intention de défaire son œuvre. Après Antioche, ce fut Corinthe. Les attaques qu’il subit ne furent nulle part aussi violentes que dans les Églises de la région de la Galatie. Les judaïsants réussirent à semer le trouble dans des Églises nouvellement établies. Presque tous les chrétiens se virent placés sous l’influence des négateurs du salut par la seule grâce, au moyen de la foi. La situation exigeait des mesures énergiques. Paul entreprend donc de rédiger la lettre que nous étudions. Il met au grand jour, comme jamais ni avant ni après, les graves dangers que le légalisme juif présente pour la seule gloire du Christ Sauveur et Seigneur, ainsi que pour la liberté chèrement acquise sur la croix.

Cette lettre a été appelée, avec raison, la grande charte de la liberté chrétienne, car elle établit le grand principe de la justification par la foi seule. Aucun rite de l’Ancien Testament ni aucun culte — quelle qu’en soit l’origine — ne peuvent fonder ni procurer le salut. L’homme pécheur n’a besoin que de la foi au Christ, le Médiateur. Or, la foi réelle implique la soumission à la volonté du Sauveur. Elle manifestera aussi sa vitalité par les vertus chrétiennes et suivra la règle d’amour.

En ce qui concerne l’authenticité de la lettre aux Galates, elle n’a jamais été mise en doute. Dès la première ligne de la lettre, Paul se présente comme son auteur, de même qu’au chapitre 6.11, où il prend soin d’écrire de sa propre main « en gros caractères ». La tradition ecclésiastique confirme l’authenticité paulienne. Des témoignages abondent dans les écrits de Polycarpe, d’Irénée, de Clément d’Alexandrie, de Justin Martyr. Le premier cite les passages de 4.26 et 6.7; les autres affirment que la lettre est de la plume de Paul.

2. Destinataires🔗

La grande question soulevée à propos de cette lettre concerne les destinataires. Quelles sont les Églises de la Galatie qui l’ont reçue? S’agit-il de celles situées en Galatie propre ou bien de celles fondées dans la province romaine portant ce même nom? Ceux qui soutiennent la première hypothèse pensent qu’il s’agissait des Églises se trouvant dans les villes d’Ancyra, de Pessine, de Tavium, fondées lors du second voyage missionnaire de Paul. Les tenants de la seconde hypothèse estiment qu’il s’agit, au contraire, des Églises fondées à Antioche de Pisidie, Iconium, Lystre, Derbes, Églises organisées lors du premier voyage missionnaire de Paul.

Mais qu’est-ce que la Galatie?

On se souvient, en général, que l’ancienne Gaule était divisée en trois parties; mais on se rappelle moins bien que des tribus gauloises quittèrent l’Europe aux environs de 278-277 avant notre ère et que, traversant l’Hellespont, elles pillèrent et saccagèrent l’Asie Mineure pour finalement s’installer sur les plateaux nordiques de la région qui, par la suite, prit le nom de Galatie, mot dérivé de « Gaulois »… Le secteur dans lequel les Gaulois se cantonnèrent finalement a une configuration géographique de forme ovale et d’environ 300 km de long sur 150 de large du nord au sud. À l’époque où Paul visite cette région, elle est habitée par une population mixte, parmi laquelle on distingue les descendants des Gaulois, formant une minorité, la majorité étant composée du reste des anciens occupants, auxquels viennent s’ajouter des Grecs, des Romains et des juifs. À cette même époque, la région est placée sous l’autorité romaine et forme la province qui comprend des villes visitées par Paul lors de son premier voyage missionnaire. La province portant ce nom comprend la Paphlagonie, une partie du Pont, la Phrygie, la Lycaonie et la Pisidie. La lettre est-elle adressée à la Galatie du Nord ou à celle du Sud? En faveur de la Galatie du Sud, on peut avancer les arguments suivants :

Paul regroupe les Églises auxquelles il adresse sa lettre d’après la province administrative romaine dont elles font partie. Il agit toujours de la sorte, par exemple en ce qui concerne la Macédoine et l’Achaïe; sans doute le fait-il aussi dans le cas de la Galatie. Les villes importantes ici sont Antioche en Pisidie, Lystre et Derbes, au long de l’axe routier, qui jouissent d’une plus grande importance que celles de la Galatie proprement dite, celle de la région du Nord. Il est probable que l’apôtre s’adresse à des Églises situées à l’intérieur de villes importantes plutôt qu’à des Églises de villes obscures. En outre, le livre des Actes consacre de nombreux détails à la fondation des Églises que nous mentionnons, tandis que la visite effectuée par Paul à la région du Nord n’est mentionnée qu’incidemment. Enfin, il semble que la question théologique débattue ici appartienne à la première période du ministère apostolique, celle de son premier voyage missionnaire, lors duquel il fonda ces mêmes Églises.

Les objections à ces arguments sont les suivantes :

Luc, qui est le compagnon de Paul et celui qui rapporte le récit des événements, emploie le terme de « région de Galatie » pour désigner, non la province romaine, mais la partie Nord de la province (Ac 16.6; 18.23). Pierre aussi semble se référer à la Galatie du Nord plutôt qu’à la province romaine (1 Pi 1.1).

Paul a pu écrire de nombreuses lettres à la Galatie du Sud. Nous ne possédons qu’une fraction de cette correspondance. Les lettres qui ont été préservées ont trouvé leur place dans le Nouveau Testament. Paul n’écrit pas des lettres selon l’importance d’une Église, mais d’après les besoins, les préoccupations et le bien-être des fidèles. Quant à l’établissement des Églises au Nord, Luc fait référence à une visite que l’apôtre leur avait rendue. La description qu’en fait Paul est quasiment concluante en faveur de l’hypothèse des Églises de la région du Nord. Il déclare qu’à l’origine, sa mission ne faisait pas partie de son projet. Sa présence fut occasionnée par une maladie qui le détourna de son chemin pour le retenir en Galatie. Ce fut dans de telles circonstances qu’il y prêcha l’Évangile. Ces circonstances semblent incompatibles avec le récit fait par Luc du premier itinéraire très actif, mais rapide, dans les régions du Sud. Plus on lit avec attention la description de cet itinéraire fait par Luc dans Actes 13 et 14 et moins on y trouve d’arguments en faveur du voyage pénible dont l’apôtre fait part dans Galates 4.13-15.

Quant aux questions doctrinales relatives à la loi et à la grâce, elles furent abordées avant le troisième voyage; par conséquent, la lettre fut composée à une date antérieure, et alors on objecte que des conclusions contraires puissent en être tirées. En effet, certains aspects de la lettre aux Galates sont tellement similaires à ceux qu’on trouve dans la lettre aux Romains qu’il est probable que ces deux lettres furent écrites durant la même période.

Il est évident qu’il existe des arguments en faveur de l’une ou l’autre de ces deux hypothèses. Il n’existe pas de raison sérieuse pour abandonner l’opinion traditionnelle selon laquelle la lettre fut adressée à la Galatie du Nord. Si tel est le cas, voici la suite des événements et la chronologie que nous citons comme simple hypothèse de travail.

Lors de son premier voyage missionnaire, Paul fonde les Églises d’Antioche, de Pisidie, d’Iconium, de Lystre et de Derbes. Durant son second voyage, il traverse ces villes et, retenu par la maladie, il prêche dans l’ancienne Galatie et il y fonde les Églises de la Galatie. À partir d’ici, il poursuit son voyage vers Troas et vers l’Europe. Durant son troisième voyage, il retourne en Galatie, visite les Églises fondées et suivant l’ancienne route royale qui traversait la région; il se dirige vers l’ouest, la Phrygie, et se rend finalement à Éphèse. Ç’aurait donc été depuis Éphèse ou éventuellement, quelques mois plus tard, depuis Corinthe qu’il aurait composé sa lettre au cours de l’année 57 ou 58.

Selon la deuxième théorie, celle de la Galatie du Sud, Paul se dirige vers Troas, à l’ouest, d’où il se rend en Europe, et c’est depuis Philippes, voire depuis Corinthe, qu’il écrit la lettre. Dans ce cas, elle est l’une des plus anciennes de Paul. La situation géographique supposée de ces Églises, qu’il s’agisse de la région du Nord ou de celle du Sud, a son incidence sur l’idée qu’on se fait de la date de composition ainsi que de la place qu’elles occupent dans le ministère de l’apôtre. Néanmoins, cela n’a aucune importance décisive pour l’interprétation du message de la lettre. Il ne s’agit là que de questions purement géographiques et biographiques. C’est son contenu qui revêt une importance capitale pour notre foi. Où qu’ils se soient trouvés, les premiers destinataires de la lettre avaient reçu des mains de l’apôtre un document d’une valeur inestimable. Paul y abordait la question de l’essence même de la foi chrétienne. Christ était-il suffisant pour le salut? Allait-il ajouter un complément à son œuvre rédemptrice? Que faut-il faire pour être sauvé? En effet, pour celui qui la lit, encore de nos jours, cette lettre a une importance décisive.

3. Date et lieu de composition🔗

« La critique a placé la rédaction de cette lettre successivement à tous les moments de la carrière de Paul, en faisant de cet écrit le premier ou même le dernier des écrits pauliniens! Toutes les hypothèses plaçant la composition avant le séjour à Éphèse devront être rejetées. Une pareille lettre ne peut avoir été rédigée qu’après le Concile de Jérusalem; après Galates 1.13, Paul a visité deux fois les Églises avant de s’adresser à elles par écrit (Ac 16.6 et 18.23). Enfin, selon Galates 1.5, c’est promptement après son dernier passage que les difficultés ont éclaté. C’est probablement à Éphèse en l’an 55 que la lettre fut composée. Il est probable aussi que la rédaction ait été un peu tardive et qu’elle doive se placer pendant le séjour de trois mois de Paul à Corinthe (Ac 20.3). Alors nous serions dans l’hypothèse de l’an 57. »

4. Circonstances de composition🔗

Au début de son troisième voyage, Paul visita de nouveau les récents convertis de la Galatie afin de fortifier leur foi. Ses adversaires avaient probablement déjà commencé leur œuvre de sape. Certains passages de l’épître laissent entrevoir la sévérité dont Paul fait preuve lors de sa deuxième visite. Il partit sans doute rassuré, car il écrit : « Vous couriez bien » (Ga 5.7). Mais à Éphèse où il vint s’établir, il reçut de mauvaises nouvelles : les judaïsants, et plus particulièrement l’un d’entre eux, avaient marqué une avance en Galatie, semant le trouble dans les Églises un peu partout, en très peu de temps, ce qui explique l’étonnement de l’apôtre. Entre autres, l’individu en question dénonçait comme immorales les conséquences de la doctrine de la grâce. Inquiet pour la cause de l’Évangile et ému par le danger que couraient ces jeunes convertis, l’apôtre écrivit une lettre sévère, véritable cri d’angoisse échappé de son cœur vibrant de tendresse pour ses enfants (Ga 4.19-20). Les faux docteurs attaquaient la liberté chrétienne. Ils enseignaient que l’observance de certains jours, notamment celle du sabbat, était indispensable à l’obtention du salut. Ils semblaient y avoir remporté un succès considérable. Puisque Paul enseignait la doctrine cruciale de la justification par la foi seule, les faux docteurs avaient commencé par miner son apostolat et le mettre en doute. Ils pressaient les Galates de le rejeter comme hérétique. Paul fut attristé et même scandalisé, d’autant plus que le Concile de Jérusalem avait précisément condamné toute pratique ou exigence légaliste.

5. Particularités🔗

D’ordinaire, lorsque Paul écrivait une lettre, il se servait d’un secrétaire, et il en écrivait soit la conclusion soit simplement les salutations. La lettre aux Galates est écrite de sa propre main. Elle est écrite avec une grande émotion, voire véhémence. Sa colère contre les séducteurs et les séduits éclate à chaque phrase. C’est l’une de ses lettres qui comporte le plus de renseignements autobiographiques. Les accusations portées contre sa personne mettent en cause son ministère proprement dit, de même que ses rapports avec les autres apôtres. Au point de vue doctrinal, la lettre s’apparente à celle aux Romains. Dans les deux écrits, sa théologie est fortement charpentée. La justification par la foi seule est la pierre angulaire de sa proclamation chrétienne, de même que l’adoption par Dieu des rachetés et la marche de ces derniers selon l’Esprit.

6. Message🔗

« La lettre aux Galates a joué un rôle de premier plan dans l’histoire de l’Église. C’est la déclaration de l’émancipation de l’humanité croyante à l’égard de la loi, la proclamation de l’ère nouvelle de la liberté spirituelle » (F. Godet).

Luther aimait cette épître plus qu’aucune autre. Il l’appelait « sa fiancée ». Elle joua un rôle décisif dans le grand drame de la Réforme. Paul a un triple but en la rédigeant :

  • Défendre son apostolat en montrant qu’il a reçu directement de Jésus-Christ son enseignement et son autorité.
  • Prouver avec force arguments et illustrations la suffisance de la foi en Christ.
  • Mettre en garde contre l’abus de la liberté chrétienne en démontrant que les fruits de la justification par la foi sont ceux de la sainteté.

Le sujet traité dans cette lettre au ton si sévère, et d’où tout éloge est absent, est d’une extrême importance. Il s’agit de la relation entre la loi et l’Évangile de la grâce et de la proclamation de la liberté en Christ, acquise par la seule foi. Résumons-le brièvement.

Le salut ne s’obtient que par la foi seule. Les Galates étaient en danger de se remettre sous le joug de la loi, les judéo-chrétiens voulant imposer aux nouveaux convertis les rites de l’Ancienne Alliance. Suivant leur exemple, beaucoup de gens aujourd’hui s’appuyant sur l’efficacité intrinsèque de leur baptême, annulent la valeur de l’œuvre rédemptrice de Jésus-Christ. Paul n’hésite pas à déclarer séparés de Christ et déchus de la grâce ceux qui ne croient pas en son œuvre suffisante. Puis, s’appuyant sur l’expérience des chrétiens d’origine juive et païenne, comme aussi sur l’Écriture de l’Ancien Testament, il prouve que l’unique moyen d’être justifié est la foi seule en Christ. L’Alliance de grâce n’annule pas l’Alliance de la loi, mais la remplace et n’a pas besoin d’être complétée par elle. Christ est tout ou bien il n’est rien. Ou bien nous sommes sauvés uniquement par la foi ou bien nous sommes tenus d’accomplir toute la loi. La promesse a été faite à Abraham avant la promulgation de la loi. Et la loi, sorte de parenthèse entre le don de la promesse et son accomplissement, avait pour but de conduire à Christ, en qui tous, juifs et païens, sont devenus un seul corps.

Désormais, ou bien nous sommes des esclaves de la loi, donc des enfants mineurs, ou bien des enfants de l’héritage, engendrés à la liberté par Jésus-Christ. La liberté en Christ engendre la sainteté. En nous affranchissant de la servitude de la loi, la grâce fait de nous des esclaves de l’amour. Par la foi, le croyant reçoit le Saint-Esprit, dont le fruit par excellence est l’amour. Désormais, il n’a pas le droit d’user de sa liberté pour vivre selon la chair. Il est appelé à vivre selon l’Esprit. Il pourra accomplir la loi qui se résume dans le double commandement d’amour envers Dieu et envers son prochain. Le chrétien doit veiller à ne pas se laisser ravir cette liberté, si chèrement acquise. Pour lui, vivre dans la liberté signifie devenir l’esclave de la volonté divine. L’esclave de l’amour marchera dans la sainteté et jouira de tous les privilèges du fils devenu héritier.

Le grand sujet de la lettre est la supériorité de l’Évangile par rapport à la loi. Les judaïsants qui cherchaient à pervertir les Galates avaient embrassé le christianisme sans pour autant lâcher leur joug juif avant de pouvoir se convertir. Paul avait enseigné le contraire de cette hérésie. Il démontre à nouveau comment la loi avait échoué à produire l’effet qu’on attendait d’elle. Elle n’offre ni ne garantit le principe de vie, mais paralyse le cœur de l’homme. Pourtant, elle devait remplir une fonction temporaire, éduquer en vue de la révélation à venir et ainsi rendre compte de l’état de péché de l’homme. À présent, l’Évangile du Christ offre un nouveau principe de vie régénérée, celui de la foi. Celle-ci unit le Christ à l’homme dont la justice le recouvre. Christ vit en lui et lui est en Christ. Il est justifié en Christ comme il n’aurait pu l’être par la loi. Vivre par la loi affaiblit la vie spirituelle. L’Évangile procure un principe de vie morale et spirituelle. La présence du Christ en un disciple le pousse à aimer son prochain, à renoncer aux œuvres de la chair et à porter des fruits de l’Esprit.

La valeur pratique de la lettre consiste à condamner fortement ceux qui proclament et propagent un faux Évangile; ceci s’applique non seulement aux judaïsants de l’époque de Paul, mais encore à tous les hérétiques anciens et modernes.

« La perversité innée de l’homme est constamment mise à jour dans le fait que génération après génération il désire et cherche à multiplier les voies du salut, inventer des routes faciles, alternative de la grâce et de la foi. Paul insiste pour dire qu’il n’y a qu’une seule voie dont on ne doit à aucun prix varier ou dévier.1 »

7. Analyse du contenu🔗

1. Introduction (1.1-10)

La lettre débute différemment des autres écrits de Paul; on n’y trouve pas de sujet de reconnaissance ou de louange. Apparemment, l’apôtre semble si abasourdi par les nouvelles reçues des Églises de Galatie et de leur apostasie qu’aussitôt, et sans préambule, il entre dans le vif du sujet. Il emploie un langage « fort ». « Mais si nous-mêmes ou si un ange du ciel vous annonçait un évangile différent de celui que nous vous avons annoncé, qu’il soit anathème » (Ga 1.8). Son sentiment au sujet de l’apostasie des Galates est violent. On le comprend.

2. L’Évangile de la liberté chrétienne est reçu de Dieu (1.11 à 2.21)

Parce que l’apôtre avait été discrédité par les prédicateurs judaïsants, il entreprend sa défense et celle de son apostolat. Ses adversaires prétendaient qu’il avait reçu l’Évangile de la part d’hommes (tradition humaine et non révélation directe). Paul affirme que cela est impossible. Il n’aurait pas pu l’acquérir dès son enfance par son éducation. Car la religion judaïque dans laquelle il avait été élevé s’oppose radicalement à l’Évangile. Il ne pouvait pas davantage l’avoir reçu de la part du reste du collège apostolique, car aussitôt après sa conversion, il s’était éloigné et isolé. Lorsqu’il les rencontra enfin, pour faire leur connaissance, ils reconnurent l’authenticité de son expérience et de son apostolat ainsi que de sa vocation, reçus directement de Dieu. Ils avaient même permis que Tite ne soit pas circoncis pour satisfaire à l’exigence de la coutume judaïque, donnant de la sorte un signe clair et vigoureux de la liberté chrétienne. Même lorsque Pierre succomba à l’erreur ancienne du légalisme, il accepta d’être repris et corrigé par le nouvel apôtre. Il ne l’aurait jamais fait s’il n’avait pas reconnu l’authenticité de son apostolat. L’Évangile que Paul prêche est authentique.

3. L’Évangile de la liberté chrétienne est défendu (3.1 à 4.31)

Après avoir montré qu’il avait reçu l’Évangile par une révélation directe, Paul poursuit la défense de celui-ci. La liberté chrétienne est intimement liée à la justification par la foi seule.

Si l’on est justifié par la seule foi, on peut user de la liberté chrétienne. Mais si on attend cette justification des œuvres qu’on accomplit, on devient l’esclave de la loi. Paul cite un grand exemple de la justification par la foi de l’Ancien Testament, celui d’Abraham, le père des croyants. Si le patriarche a été justifié par sa foi, ses enfants spirituels le seront aussi (c’est-à-dire ceux qui comme lui croient en Dieu sans pour autant être ses descendants physiques). La loi nous révèle notre péché et nous condamne parce que nous sommes incapables de l’observer; mais Christ nous a délivrés de la condamnation et nous a affranchis du joug de la loi.

Deux illustrations sont ensuite données pour montrer la différence entre la manière de vivre sous la loi et celle de vivre par la grâce. D’abord, le peuple est appelé mineur — vivant dans sa minorité spirituelle — tandis que les chrétiens du Nouveau Testament ont atteint leur majorité. « Pourquoi retourner vers les années de votre enfance? », demande-t-il. C’est exactement ce que vous êtes en train de faire. Ensuite, il compare les judaïsants aux enfants d’Agar, la servante et concubine d’Abraham, et les chrétiens à ceux de Sara, l’épouse légitime du patriarche. Et, comme Ismaël a causé du mal à Isaac, de même les prédicateurs juifs qui troublent les chrétiens de la Galatie causent du mal à ces derniers.

4. L’Évangile de la liberté chrétienne est appliqué à la vie pratique (5.1 à 6.16)

La liberté est le don du Christ et elle devra être employée d’une manière qui honore le Seigneur. On n’en abusera pas. Il faudra prendre garde à ne pas la faire dégénérer en licence. Le fait de jouir de la liberté chrétienne ne signifie pas que nous soyons autorisés à faire n’importe quoi. Notre liberté est une liberté vis-à-vis du péché, celle de ne plus pécher, celle qui nous attelle au service de Dieu. En accord avec ce qu’il écrira aux Corinthiens, le principe de liberté est régi par la pratique de l’amour. Il faut marcher selon l’Esprit et non selon la chair. Il existe deux sortes de gens dans le monde : ceux qui sont conduits et dominés par le principe charnel et ceux qui se laissent conduire par l’Esprit et vivent une vie nouvelle en Christ. Ces derniers n’useront jamais de leur liberté pour nuire à leur prochain. Certains voient une contradiction entre le fait de disposer de la liberté des enfants de Dieu et simultanément servir Christ. Paul n’y voit aucune contradiction. Car si l’amour envers le prochain comme envers le Seigneur est le principe et la pratique qui nous dirige, la contradiction disparaîtra. L’amour est effectivement le sommaire de la loi.

À la fin de la partie éthique de sa lettre, Paul devient plus explicite encore. Il rappelle la manière dont ils devraient traiter ceux qui s’éloignent de la voie de l’Évangile. Il faut faire preuve de patience et de longanimité, être bon envers les faibles; les secourir autant que cela dépend de soi; finalement, il souligne la nécessité de veiller sur la vie morale; car « ce qu’un homme aura semé c’est ce qu’il moissonnera » (Ga 6.8).

5. Conclusion (6.11-18)

Une fois de plus, Paul lance une mise en garde contre les faux prédicateurs judaïsants. Ils ne sont pas honnêtes; ils n’observent même pas la loi, ils se glorifient et ils mettent en avant leur propre personne. Quant à Paul, il se glorifie dans la croix du Christ, par le moyen de laquelle les fidèles sont devenus des nouvelles créatures, prêts pour le Royaume. Finalement, que personne ne mette en question l’Évangile. Lui-même possède sur son propre corps « les marques du Christ »; sans doute s’agissait-il des stigmates ou des séquelles de mauvais traitements subis de la part des juifs adversaires du Christ; ce qui était une preuve supplémentaire qu’il était véritablement envoyé par le Christ. Une bénédiction conclut la lettre.

8. Questions🔗

  1. Pourquoi Paul traite-t-il avec autant de sévérité les judaïsants? (1.6-9).
  2. Pourquoi a-t-il publiquement repris Pierre? (2.11-16).
  3. Qui a ensorcelé les Galates? (3.2-3).
  4. Quelle avait été la fonction de la loi? (2.19-24).
  5. Quels sont les arguments de Paul en faveur de l’authenticité de son apostolat? (1.11 et 2.21).
  6. Quelles sont les deux « semences » dans le monde? (6.8).
  7. Comparer la gloire de Paul à celle des judaïsants.
  8. Quelles sont les marques du Christ sur son corps?
  9. Contraster les œuvres de la chair au fruit de l’Esprit. (5.19-23)
  10. Souligner dans votre Nouveau Testament les passages suivants : 5.1 (la liberté); 5.16 (la marche chrétienne); 1.3-5 (l’expiation).

Note

1. Philip E. Hughes.