Cet article a pour sujet le refus d'employer les "pronoms préférés" du transgenrisme, car la guerre des mots et de la langue est nécessaire pour maintenir la vérité sur la réalité de l'homme et de la femme.

3 pages. Traduit par Paulin Bédard

Les mots employés comme des armes Pourquoi nous devons rester fermes sur les pronoms

La langue est le premier domino dans la guerre pour la réalité, et les pronoms n’ont rien à voir avec la politesse et tout à voir avec la soumission idéologique.

À l’automne 2016, des activistes transgenres ont pris pour cible le Dr Jordan B. Peterson, à l’époque un psychologue relativement obscur basé à l’université de Toronto. Peterson avait publié une vidéo1 expliquant pourquoi il s’opposait à la législation canadienne proposée, le projet de loi C-16, un amendement à la loi canadienne sur les droits de l’homme réglementant le discours concernant l’identité de genre. Après avoir étudié le totalitarisme pendant des décennies, M. Peterson a déclaré sans ambages que, dans la lutte pour la civilisation, la langue était toujours l’un des premiers champs de bataille — et donc la colline sur laquelle il fallait mourir. Nous savons tous comment ce combat s’est déroulé. Au lieu d’être annulé, Peterson est devenu riche et célèbre.

Après coup, beaucoup se sont demandé pourquoi Peterson était si disposé à sacrifier sa carrière sur la question des pronoms transgenres. Il est aujourd’hui l’un des intellectuels les plus connus au monde, mais à l’époque, il y avait toutes les chances pour que son histoire se termine comme la plupart de ces incidents : par un licenciement discret, un reportage de 24 heures et une nouvelle victoire pour les travestis. J’ai entendu un étudiant poser cette question à Peterson lors de l’une de ses premières conférences en 2017, avant qu’il n’entame ses tournées mondiales marquées par la présence de la sécurité et des honoraires de conférencier prohibitifs.

Sa réponse était simple : pourquoi pas? Habituellement, a-t-il souligné, il y a peu de raisons impérieuses de mourir pour une parcelle de terre donnée. Mais pour se battre, il faut tracer une ligne. Pour Peterson, cette limite était la langue. Il ne voulait pas dire ce que les activistes transgenres et leurs exécutants gouvernementaux lui demandaient de dire, parce qu’il a refusé de céder à l’État le droit de choisir ses mots.

C’est un cliché de mentionner George Orwell de nos jours — tout le monde le fait. Cependant, lorsqu’il s’agit d’expliquer comment les totalitaires de tous bords manipulent la langue à des fins idéologiques, il est difficile de faire mieux que 1984.

« Ne voyez-vous pas que le but de la novlangue est de réduire le champ de la pensée? », déclare Syme, du ministère de la Vérité, à Winston Smith. « À la fin, nous rendrons le crime de pensée littéralement impossible, parce qu’il n’y aura pas de mots pour l’exprimer. »

Lorsque l’éventail de la terminologie disponible est réduit, les limites du débat le sont également. Lorsque nous acceptons les limites imposées à la langue — ou, dans le cas des « pronoms préférés », que nous utilisons les paroles imposées — nous acceptons le terrain choisi par nos adversaires idéologiques et nous acceptons de mettre de côté les armes les plus puissantes dont nous disposons pour faire valoir notre point de vue : les mots.

Nombreux sont ceux qui, à droite, estiment que le débat sur les pronoms est une perte de temps. Avec toutes les batailles culturelles à mener, c’est compréhensible. Sentant cela, de nombreux activistes transgenres et leurs alliés sont empressés de présenter leurs demandes comme une simple question de courtoisie.

Cessez simplement d’être un tel imbécile, disent-ils. En quoi cela vous fait-il mal d’appeler quelqu’un par le nom qu’il souhaite? Nous ne vous demandons pas d’y croire au fond de votre cœur. Nous vous demandons simplement de jouer le jeu en public.

Même s’ils ne le disent pas à haute voix, ceux d’entre nous qui écoutent attentivement peuvent entendre leur conclusion silencieuse : pour l’instant.

Lorsque j’essaie de discerner si une personnalité politique ou un commentateur est prêt à lutter contre les marées du temps présent, je trouve que la question des pronoms est un bon indicateur. S’ils sont prêts à utiliser des pronoms masculins pour désigner une femme qui prétend être un homme, ou des pronoms féminins pour désigner un homme qui prétend être une femme, alors ils nous ont dit tout ce que nous avions besoin de savoir sur eux-mêmes. Céder sur les pronoms, c’est céder sur les principes, car si l’on est prêt à jouer le jeu par courtoisie, où cela s’arrêtera-t-il? Comment pouvez-vous exiger que la personne que vous venez d’appeler « elle » soit empêchée d’entrer dans les vestiaires des femmes ou de s’exposer « elle-même » aux filles et aux femmes au spa?2

Le langage est le premier domino dans la guerre pour la réalité, et les pronoms n’ont rien à voir avec la politesse et tout à voir avec la soumission idéologique. J’ai trouvé encourageant de voir tant de libéraux rejoindre la guerre contre le wokisme ces derniers temps — Bari Weiss, Andrew Sullivan, Caitlin Flanagan et d’autres personnes impliquées dans la nouvelle université d’Austin, par exemple —, mais je me demande où ils se situeraient par rapport à cette question. De nombreux libéraux sont plus préoccupés par le décorum que par le bon sens, et je soupçonne que beaucoup d’entre eux appelleraient la première « femme » amirale d’Amérique — un homme costaud qui s’appelait auparavant Richard Levine — « madame », s’il fallait en venir aux mains.

Que cédons-nous en réalité si nous jouons le jeu des « pronoms préférés »? Nous admettons que la personne qui exige qu’on l’appelle « elle » est en fait une femme. Une fois que cela est établi, quels motifs avons-nous pour l’empêcher d’accéder aux toilettes des femmes, à l’équipe de natation des filles ou à un centre d’aide aux victimes de viols pour les femmes traumatisées par les hommes? La réponse est simple : il n’y en a pas. Il a exigé que nous l’appelions « femme » et nous avons accepté de le faire par courtoisie. Cette courtoisie sera ensuite utilisée comme une matraque.

Une fois le premier domino tombé, les autres suivront en peu de temps. Nous ne savons pas quel sera le dernier domino, mais nous en sommes déjà au stade où des publications autrefois prestigieuses utilisent des expressions telles que « son pénis à elle », de sorte que nous pourrions être encore loin de nous approcher de la limite.

Comme l’a compris Peterson, il y a peu d’affirmations plus ridicules que « ce ne sont que des mots! ». Les mots sont tout. Les mots façonnent la façon dont nous comprenons et percevons la réalité. Les militants transgenres qui tentent de transformer notre société le comprennent, et nous devrions le comprendre aussi. La « courtoisie des pronoms » n’est rien d’autre qu’une reddition publique à une idéologie empoisonnée — et c’est précisément le but poursuivi par ceux qui exigent notre soumission verbale. L’apaisement, comme l’a fait remarquer un jour Sir Winston Churchill, est l’art de nourrir un crocodile affamé en espérant qu’il vous mangera en dernier.

La saga de Jordan Peterson devrait toutefois nous inciter à l’optimisme. Lorsque les activistes transgenres l’ont attaqué pour la première fois parce qu’il refusait de leur céder la langue, à eux et à leurs agents responsables de l’application de la loi, il semblait probable que sa carrière serait annulée. Au lieu de cela, sa prise de position a inspiré des millions de personnes, ses idées sont devenues des ouvrages à succès mondiaux et sa manière mesurée et méticuleuse de parler et d’articuler ses idées est devenue si omniprésente qu’elle a inspiré des dizaines de parodies. Peterson a prouvé qu’il ne faut pas craindre d’être courageux et de tenir ferme. Son statut de grande vedette est plutôt la preuve que nous avons tous soif de courage depuis très longtemps.

Notes

1. « Professor against political correctness : Part 1 » [Le professeur contre le politiquement correct : Première partie], Jordan B. Peterson., 27 septembre 2016.

2. Jonathon Van Maren, « “Trans woman” in Wi Spa controversy turns out to be serial sexual predator wanted by police » [La « femme trans » qui fait l’objet d’une controverse à Wi Spa s’avère être un prédateur sexuel en série recherché par la police], The Bridgehead, 7 septembre 2021.