Cet article a pour sujet la nature de l'Évangile qui est la proclamation de la Bonne Nouvelle de Jésus-Christ. Les quatre évangiles ont été rédigés pour que le témoignage des apôtres soit préservé pour les générations futures.

Source: La vie de Jésus. 4 pages.

Qu'est-ce que l'Évangile?

Que sont les Évangiles? Des biographies de Jésus, au sens où l’entendent les historiens modernes? Des comptes-rendus, des procès-verbaux des faits et gestes du Maître, analogues à des reportages ou à des actes administratifs? S’agit-il de livres de piété, d’un enseignement de Jésus sur la vie mystique? Ou bien encore des codes de lois propres à l’Église ou à l’État chrétien? À quel genre littéraire, en somme, rattacher ces écrits?

Le mot Évangile est la forme française du mot grec euangellion, un mot composé de « eu » qui signifie bon, et de « aggelein », proclamer. L’Évangile est une bonne proclamation ou une Bonne Nouvelle.

Dans le Nouveau Testament grec (le texte original), ce terme apparaît près de 75 fois. Il désigne toujours sans exception un message, jamais un écrit. Le message est celui qui concerne la bonne proclamation du salut en Jésus Christ. Il s’agit d’une Bonne Nouvelle, d’une révélation même qui est accordée par Dieu, et comme tel il est le sujet d’une prédication et d’un enseignement (catéchèse). Il nous faut garder ce sens premier du terme à l’esprit lorsque nous cherchons à communiquer notre foi à des non-croyants, qu’il s’agisse de non-croyants ou de croyants de religions telles que l’islam, l’hindouisme, etc.

Il s’agit de bien garder à l’esprit ce sens premier du terme lorsque nous parlons de l’Évangile selon Marc, selon Jean ou selon Luc. Certes, il n’est pas faux de désigner ces écrits comme des Évangiles, mais n’oublions pas que le sens premier du mot est un message ainsi que sa communication. La première génération de chrétiens a toujours utilisé ce terme dans ce sens-là.

Ainsi, lorsque Marc commence son écrit par les mots familiers : « Commencement de l’Évangile de Jésus-Christ » (Mc 1.1), il ne désigne pas par cette phrase l’introduction à son livre, mais il se réfère au début, à l’origine du message qui concerne Jésus-Christ, le Fils de Dieu. De son côté, Luc a entrepris d’écrire « le récit » des choses qui ont trait à Jésus-Christ et il écrit à Théophile pour lui présenter un rapport dans l’ordre (Lc 1.1-3).

Ainsi, loin de tenir ce terme comme le titre d’un livre ou de plusieurs livres, l’Église primitive l’a appliqué à l’ensemble du message qui rendait témoignage à Jésus-Christ, même si elle a donné ce mot pour titre aux quatre écrits appelés « Évangiles ». Il y a eu quatre écrits par quatre auteurs différents, mais tous n’ont eu, comme unique souci, que de présenter un seul message, un seul Évangile, la Bonne Nouvelle.

Ce sont des témoignages, voilà tout. Des hommes y rapportent fidèlement ce qu’ils ont eux-mêmes vu et entendu, ou ce qui leur a été rapporté des actes et des paroles de Jésus. Ils n’écrivent pas pour faire un beau livre, ni pour nous élever ou pour nous intéresser, mais « afin que vous croyiez que Jésus est le Christ, le Fils de Dieu, et qu’en croyant vous ayez la vie en son nom » (Jn 20.31).

Celui qui ouvre les Évangiles pour y rencontrer Jésus, celui qui veut l’entendre et le suivre, celui-là ne sera pas déçu, car Jésus-Christ vivant y demeure. Sous le récit grandiose ou paradoxal, à travers les paroles claires et lumineuses ou sous la parole « dure » et dépouillée, soudain c’est sa voix même qui nous saisit. Il vient. Il chemine avec nous et comme pour les disciples au soir de la résurrection, notre cœur se met à brûler au dedans de nous tandis qu’il nous explique les Écritures, et nous révèle qu’il fallait bien que le Christ souffrît ces choses et qu’il entrât dans sa gloire (Lc 24.26-27,32).

Lorsque nous discutons de notre foi en Jésus-Christ avec des non-chrétiens, athées, agnostiques ou adeptes d’autres religions — islam, hindouisme, judaïsme —, nous ferons attention de souligner la nature première de l’Évangile. Nous ferons bien de rappeler à nos interlocuteurs qu’il existe d’autres sources encore pour connaître Jésus-Christ, et qu’elles concernent un seul et même message. Par exemple, nous comptons 21 épîtres dont 13 sont dues à la plume de l’apôtre Paul; un livre appelé l’Apocalypse, livre éminemment prophétique, qui dans un langage symbolique ou apocalyptique, décrit la situation passée, présente et à venir de l’Église. Le livre des Actes est une transition entre les quatre Évangiles et le reste du Nouveau Testament et il rapporte la continuation de « tout ce que Jésus a commencé de faire et d’enseigner » (Ac 1.1) dans les Évangiles. Il décrit la naissance et le développement de l’Église, dont les épîtres et l’Apocalypse cherchent à nourrir, à édifier et à réconforter la foi, à allumer l’espérance et à activer la charité.

Mais pourquoi alors « quatre Évangiles »? Chacun a quelque chose à dire que les trois autres ne disent pas ou ne rapportent pas de la même manière. Dès leur apparition, l’Église les accepta comme ayant autorité et jouissant d’une authenticité incontestée. Simultanément, elle rejeta tout effort de réduire leur message quadruple en un seul. Ainsi, l’Église rejeta la première tentative d’harmoniser le contenu des quatre Évangiles par le chrétien syriaque Tatien, de la seconde moitié du 2e siècle.

Voici un exemple de cette œuvre :

« Et les serviteurs et les soldats se levèrent, et allumèrent du feu au milieu de la cour afin de se réchauffer, car il faisait froid. Et Simon aussi vint et s’est assis au milieu d’eux pour se réchauffer, afin de voir ce qui se passerait à la fin » (Jn 18.8; Lc 22.55; Mt 26.58).

Ce Diatessaron (en grec : quadruple) fut d’abord accepté comme écrit canonique par l’Église syriaque. Mais lorsque l’Église définit officiellement le canon du Nouveau Testament (en 367 et de nouveau en 397), les Églises syriaques rejetèrent le Diatessaron qui peu après disparut totalement de l’usage de l’Église. Actuellement, on n’en connaît que quelques fragments seulement et un commentaire en langue arménienne.

Vus superficiellement, les Évangiles semblent être des biographies de Jésus. Nous avons déjà dit que ce serait une erreur que de considérer ces quatre écrits comme l’histoire de la vie de Jésus. Par exemple, Marc et Jean ne disent absolument rien sur la vie de Jésus antérieure à son ministère public. Matthieu et Luc sont les seuls à rapporter le récit de sa naissance et le second ajoute un incident intervenu au cours de l’adolescence de Jésus. Or, pour écrire une « biographie », il est absolument indispensable de connaître la vie d’un personnage durant les trente premières années de sa vie, déterminantes pour sa carrière et décisives pour connaître son caractère. Or, nous ne connaissons absolument rien sur ces années dites obscures de la vie du Christ, depuis ses douze ans jusqu’à son entrée dans le ministère actif.

Nous ne savons que le fait qu’il fut obéissant envers ses parents, qu’il grandit en sagesse et en stature et trouva grâce aux yeux de Dieu et des hommes (Lc 2.51-52).

Même ainsi, le ministère public du Christ n’est pas rapporté dans sa totalité, avec tous les détails. Un tiers des chapitres qui s’en occupent est consacré à une ou deux semaines précédant sa mort sur la croix.

Dans l’Évangile selon Jean, les chapitres 12 à 20 s’occupent des neuf ou dix derniers jours. Il est donc apparent que la mort du Christ ait eu autant de signification et d’importance pour les disciples que sa vie tout entière.

En outre, tous les Évangiles, excepté celui selon Marc, accordent une très grande place à la résurrection. Les premiers chapitres soulignent surtout le ministère de guérison de Jésus. Tout autre intérêt ou considération est passé sous silence ou demeure à l’arrière-plan.

Ainsi, les Évangiles ne sont pas des biographies de Jésus-Christ. Nous avons déjà donné leur intention première : annoncer la Bonne Nouvelle concernant Jésus et surtout la Bonne Nouvelle qu’est Jésus en personne, le Fils incarné de Dieu. Dans sa vie et son ministère, son arrestation et sa passion, sa mort et sa résurrection se trouve la Bonne Nouvelle, qu’ils tiennent à communiquer avec autant d’empressement que de véracité. La proclamation est fondée sur le témoignage et ce dernier, au lieu d’être un procès-verbal sec et aride, devient une prédication chaleureuse et communicative. Christ a vaincu l’ennemi de Dieu et des hommes, Satan, la mort et le péché. Il a établi son règne dans les cœurs des hommes et il viendra un jour le rétablir sur la face de la terre tout entière et dans l’univers créé par Dieu. Tel est le témoignage (« marturia ») et la proclamation (« kerugma ») des quatre Évangiles. Ce qui explique qu’ils aient laissé de côté tous les autres détails, importants, mais non absolument indispensables à la communication de ce message.

Pourquoi ont-ils été rédigés? Pour une raison toute pratique à usage interne, pour l’Église. Le moment où ils sont rédigés, probablement entre l’an 60-65 et l’an 95, est aussi le moment où les témoins oculaires de la vie de Jésus commencent à disparaître. En tant que message oral, l’Évangile avait été préservé durant une ou même deux générations. Il fallait absolument que le témoignage prît une forme écrite. Les apôtres avaient été les plus intimes du cercle entourant Jésus. Ils étaient les interprètes de sa vie et de son ministère. Il leur avait accordé l’autorité de parler en son nom. En outre, la direction spirituelle de l’Église leur était confiée. Il fallait par conséquent un témoignage, un compte-rendu aussi autorisé que véridique. L’Église estima que ce témoignage avait été donné par Matthieu et Jean, deux apôtres, par Marc collaborateur intime de Pierre et de Paul, et par Luc, collaborateur de Paul.

Ils représentaient les sources dignes de foi, puisqu’ils avaient permis la prédication de la foi et l’établissement d’Églises. Notre ère commence avec la date de la naissance de Jésus (quelques années de différence sont dues à une erreur de calcul).

Le premier tiers du premier siècle vit la naissance et la vie de Jésus. Le second tiers l’établissement de l’Église, le dernier tiers la rédaction des Évangiles. Bien que nous ne connaissions presque rien sur ce dernier tiers, moins que sur toutes les autres époques de la vie de l’Église, celui-ci vit la rédaction et la composition de nos documents. Il est donc remarquable que ce « vide » ait été comblé par l’apparition des quatre Évangiles.