Cet article sur Éphésiens 2.21-22 a pour sujet l'effusion de l'Esprit accordé à l'Église à la Pentecôte, qui a fait de l'Église et de chaque croyant le temple du Saint-Esprit, pour que Dieu habite en permanence avec nous.

Source: Méditations sur les fêtes chrétiennes. 4 pages.

Éphésiens 2 - Esprit de Dieu, Esprit d'Église Message de la Pentecôte

« En lui, tout l’édifice bien coordonné s’élève pour être un temple saint dans le Seigneur. En lui, vous aussi, vous êtes édifiés ensemble pour être une habitation de Dieu en Esprit. »

Éphésiens 2.21-22

Tant que les chrétiens liront l’Écriture comme la Parole révélée et vivante de Dieu, ils ne cesseront de s’émerveiller devant le récit de la Pentecôte. Cette page du livre des Actes des apôtres ne relate rien de moins que l’histoire de l’un des plus grands miracles de l’histoire de la rédemption. Nous ne rencontrerons plus jamais, dans la suite des temps, quelque chose de pareil, mais son actualité restera permanente à travers les siècles. Chacun des détails dramatiques de cet événement extraordinaire s’accorde avec le tout. L’effusion du Saint-Esprit ne concerne pas exclusivement les témoins immédiats. Nous en sommes les bénéficiaires au même titre à l’heure actuelle. Ses effets rappelleront, d’âge en âge, qu’un peuple nouveau a été constitué, qu’une Église a vu le jour, fondée par l’Esprit et par la Parole, formée de tous ceux qui croient en Jésus-Christ de Nazareth comme leur Sauveur et qui le proclament Seigneur de l’univers.

Or, affirmer l’importance décisive de la Pentecôte et constater en même temps la confusion qui règne à son sujet est une bien triste contradiction, hélas! Car des excès ont été commis de part et d’autre. Bien entendu, je ne tiens pas à fustiger les responsables, parfois fort irresponsables, de ces errances. Il suffit de signaler qu’une erreur doctrinale, quelle qu’en soit la nature, naît de l’exagération d’un point isolé au détriment de l’ensemble de la révélation. Pourtant, je voudrais tellement qu’aujourd’hui notre joie pentecostale reste intacte, car nous avons le témoignage intérieur du Saint-Esprit nous affirmant que nous sommes enfants de Dieu. Je dis bien témoignage intérieur du Saint-Esprit, que confirme le témoignage extérieur de la Parole écrite. Nul n’a donc besoin d’une illumination extraordinaire ni d’une expérience chargée d’émotivité pour attester en lui la présence de Dieu le Saint-Esprit. Mais je tiens à préciser, avant toute chose, que le Saint-Esprit devrait faire le sujet d’une expérience chrétienne vivante et concrète, plutôt qu’être l’objet d’une doctrine froide et impersonnelle.

Cela dit, considérons l’Esprit de Dieu à la lumière non pas d’un seul texte biblique, mais de tout ce que l’Écriture sainte affirme à son sujet. Ces données sont claires : le jour de la Pentecôte a retenti le oui positif et catégorique de Dieu à la quête et aux interrogations de l’homme. Cette question, que vous vous posez peut-être vous-mêmes, a été formulée par un ancien : le roi Salomon, lors de l’inauguration du célèbre Temple de Jérusalem. Le récit s’en trouve dans le deuxième livre des Chroniques, au chapitre 6. La voici : « Dieu habitera-t-il avec l’homme? »

Vous m’objecterez peut-être qu’une telle question n’intéresse pas les foules modernes. Je vous le concède. S’il existe des personnes qui croient encore à un être suprême, bien peu nombreuses sont celles qui en affirment aussi la présence au milieu des hommes.

Depuis longtemps, on a identifié Dieu à la création. Pour beaucoup de penseurs, anciens ou modernes, l’univers n’est que l’émanation de Dieu, une génération de sa substance. Même des théologiens prétendument chrétiens, dont le célèbre Paul Tillich, ont prétendu que Dieu constitue effectivement « le fondement de l’être », mais ceci dit, ils ont purement et simplement supprimé toute idée et toute réalité de la transcendance divine. Dans une telle théologie, Dieu finit toujours par se perdre en l’homme, et nous nous retrouvons en face de la vieille religion panthéiste : « tout est Dieu, Dieu est en tous »!

Une telle confusion est étrangère à l’Écriture. D’après elle, Dieu est à la fois transcendant et immanent. Il est le Tout Autre, mais aussi le Tout Proche. L’Écriture affirme d’une part l’altérité de Dieu, d’autre part elle nous console par l’annonce de sa proximité. Le roi Salomon, le jour de l’inauguration du Temple, s’écriait : « Voici, le ciel et les cieux des cieux ne peuvent te contenir » (1 R 8.27). Son immensité, sa gloire, sa toute-puissance s’exaltent au-dessus de tous et personne ne saurait entrer en contact avec lui. Ni l’exaltation mystique ni les contemplations méditatives n’ouvrent l’accès vers le Dieu tout autre. C’est ainsi parce que Dieu ne constitue pas une partie de la création.

Sa présence n’est pas un phénomène qui va de soi. Je ne le conçois guère cédant aux vitupérations des uns ni surtout aux caprices des autres, qui le convoitent tel un objet et veulent l’emprisonner dans leurs sens ou le palper avec leurs mains! Dieu est différent. Certains chrétiens, dans leur souci de rendre Dieu proche et accessible, affirment à la légère, peut-être par commodité de langage, « qu’ils ont rencontré Dieu ». Je crains parfois que cette sorte d’apologétique chrétienne n’affirme plus le prolongement de Dieu en l’homme que la réalité de sa personne en soi, sa Trinité ontologique.

Lorsque nous examinons la Bible, nous voyons une représentation symbolique de la présence de Dieu sous la forme du Tabernacle. La shékinah, la gloire de Dieu, se reflète en cet endroit précis. Plus tard, le Temple salomonique représentera la même présence. La question que le roi Salomon posa maintes et maintes fois, l’homme n’a cessé de la poser depuis : Dieu habitera-t-il avec l’homme?

Oui, répond Dieu en ce premier jour de la Pentecôte chrétienne. Ce jour-là, un autre Temple, fait non pas de main d’homme, a été édifié. Dieu vient habiter avec son peuple. L’épître aux Éphésiens confirme cette vérité. L’Église est le corps du Christ, et saint Pierre, s’adressant à ses auditeurs, souligne la même vérité. C’est un langage hors du commun, celui qui affirme que l’Église est le « Temple de Dieu » et que chaque fidèle en est la pierre vivante. Mais ce même langage ne devrait-il pas nous mettre en garde contre un certain individualisme étranger à la Bible? Car il existe, en effet, un individualisme étranger à la Bible; un individualisme qui veut accaparer l’Esprit sans tenir compte du fait qu’avant tout c’est l’Église dans son ensemble qui en est le Temple. « Votre corps est le Temple du Saint-Esprit », dit Paul (1 Co 6.19).

Les signes n’en sont ni l’exubérance personnelle ni même certains privilèges extraordinaires auxquels pourrait prétendre le croyant à titre individuel. Il n’y a que la grâce miséricordieuse de l’Esprit, et celle-ci est accordée à l’Église tout entière. Quel privilège pour l’Église dans son ensemble que de se savoir animée et habitée par l’Esprit de Dieu! Et quel contraste entre cet Esprit et l’esprit du siècle!

En effet, l’homme moderne se trouve dépourvu de l’Esprit. Il vit tourmenté par le sentiment poignant de sa solitude, écrasé sous le poids d’un espace sidéral inhospitalier et menaçant. Il reste aveugle à la présence divine. Peut-être même s’obstine-t-il à ne pas la reconnaître. Il ne sait pas que Dieu veut devenir son ami; il ne veut pas entendre parler de Jésus de Nazareth en tant que l’unique Libérateur; il refuse de penser que le jour de la Pentecôte Dieu est venu habiter la vie de l’homme par son Saint-Esprit.

Pourtant, il n’y a aucune raison pour que les hommes se morfondent et se lamentent dans leur mortelle solitude. Dieu habite avec son peuple. Il s’est lié à des hommes et à des femmes qui forment son Église. Pentecôte est la fête de celle-ci, et elle pourra devenir celle de tout homme.

À ce point, je voudrais rassurer, d’une manière toute pastorale, celles et ceux qui s’interrogent, peut-être anxieusement, au sujet du Saint-Esprit et qui m’écrivent pour demander mon avis. Ont-ils reçu ou non le Saint-Esprit? Je ne peux que leur répéter le oui affirmatif et consolant que Dieu a prononcé : Oui, à condition de croire de tout leur cœur et de confesser de leur bouche que Jésus-Christ est le seul Seigneur. Ceux qui ont fait de tout leur cœur cette confession peuvent être rassurés; ils ont, eux aussi, reçu le Saint-Esprit; ils sont, eux aussi, les pierres vivantes de l’édifice appelé corps du Christ. Que personne ne les décourage, que personne ne sème le doute dans leur esprit et ne détruise leur foi, peut-être chancelante, par des arguments qui n’ont rien de biblique.

Hors de l’Église de Jésus-Christ, point de Saint-Esprit. L’Esprit de Dieu est à présent l’Esprit de l’Église.

Bien entendu, la perfection de cette cohabitation n’apparaît pas encore dans toute sa splendeur. L’Esprit ne déborde pas la vie de nos Églises, parfois misérables, toujours pauvrettes, ainsi que les appelait Jean Calvin. L’Église a des défauts et des rides, à tel point qu’elle a parfois l’apparence d’une vieille personne défaillante. Elle me rappelle l’image que dépeint un auteur ancien dans le célèbre texte du Pasteur d’Hermas : l’Église est à la fois vieille, mais aussi jeune. Jeune, parce que l’Esprit la travaille et la renouvelle.

Le jour est proche où, telle une splendide cathédrale, elle s’élèvera vers le ciel dans toute sa beauté. Elle sera belle parce que parfaitement purifiée.

Dieu, qui condescend jusqu’à la plus humble chaumière, a décidé de transformer nos misérables existences d’hommes et de femmes en une création nouvelle.