Cet article a pour sujet la visite du pasteur Christo Heiberg au Congo (RDC) auprès de quelques pasteurs et anciens des Églises réformées unies au Congo. Il nous donne un aperçu de la vie, de la croissance et des défis de ces Églises.

4 pages. Traduit par RC

Au coeur oublié de l'Afrique Les Églises réformées unies au Congo

Quand le comité inter-Églises des Églises réformées unies d’Amérique du Nord (URCNA) m’a demandé de visiter la République démocratique du Congo, j’ai accepté avec une certaine hésitation, ne sachant pas trop à quoi m’attendre. Depuis quelques années, notre fédération a des liens ecclésiastiques avec les Églises réformées unies au Congo (ÉRUC) et le comité voulait envoyer quelqu’un pour savoir comment se portaient nos frères et sœurs et comment nous pouvions nous aider mutuellement.

J’ai donc commencé à me préparer à partir pour Kinshasa, l’une des plus grandes villes d’Afrique (autrefois appelée Léopoldville, quand le pays était encore une colonie belge). Les préparatifs incluaient une série de vaccins obligatoires contre divers risques pour la santé qui prévalent dans une ville que le National Geographic a qualifiée de « merveille de dysfonctionnement ». Par exemple, la ville tire son eau de la même rivière où elle déverse ses eaux usées.

Mes doutes sur le voyage se sont intensifiés à mesure que je lisais sur l’histoire du pays. Un auteur célèbre, Martin Meredith, appelle le Congo « le cœur des ténèbres ». J’ai fini par me convaincre moi-même : « C’est l’œuvre du Seigneur. Il va s’occuper de moi. Son peuple est présent là-bas, alors c’est là que j’irai! »

Je suis arrivé par une journée étouffante du mois de mars à l’aéroport international de Kinshasa, où j’ai été accueilli par les pasteurs Kalala Kabongo et Abel Ntita. Ce dernier est implanteur d’Église dans la ville, alors que le premier vient de Mbuji-Mayi, à 600 km au sud-est de la capitale. Le pasteur Kabongo a servi d’interprète. Il a étudié en Afrique du Sud et connaît bien le monde ecclésiastique réformé.

Sur la route de l’hôtel, nous nous sommes arrêtés en passant à l’Église réformée unie Sion. J’ai immédiatement été frappé par la pauvreté et par les chemins de terre jonchés d’ordures dès la sortie de l’autoroute. Le contraste avec la convivialité et l’aspect soigné des gens que j’ai vus et rencontrés était frappant.

Dans une église toute simple et à demi-achevée, quelques anciens nous ont accueillis à la mode africaine typique en nous offrant une bouteille de Coca-Cola bien froide. Je les ai brièvement encouragés dans le Seigneur en commentant une parole d’Éphésiens 4.1-6. Nous sommes ensuite partis pour l’hôtel, quelque 20 km plus loin. Ma chambre était au premier étage juste au-dessus des néons du casino.

J’ai pu prendre une douche et me reposer, après quoi les deux pasteurs sont venus me chercher pour une réunion dans un restaurant à proximité. Nous avons parlé de leur fédération d’Églises et de sa brève histoire, de l’état de la République démocratique du Congo et du travail du Seigneur dans ce vaste pays. À un moment donné, le générateur a cessé de fonctionner et nous avons été plongés dans l’obscurité de cette ville de sept millions d’habitants.

Lorsque la lumière est revenue, ​​les pasteurs ont expliqué en détail comment la sécularisation, les sectes et l’islam font une percée dans la société congolaise (qui, théoriquement, est encore chrétienne à 80 %) et comment leur petit témoignage réformé a du mal à faire sa place au cœur d’un océan de pentecôtisme et de la folie émergente de l’évangile de la prospérité en provenance d’Amérique. Les musulmans s’infiltrent également, principalement par l’intermédiaire des entreprises en obligeant les employés à se soumettre à Allah. Bien que la société congolaise soit encore proaméricaine, l’Occident perd de sa crédibilité en raison de ses valeurs permissives, dont elle fait la promotion à travers sa culture de divertissement, et aussi tout particulièrement en raison du plaidoyer acharné de ses gouvernements en faveur de l’homosexualité en Afrique, venant ainsi affaiblir encore davantage le tissu moral fragile de sa société. Contrairement à l’Occident, la société congolaise est encore conservatrice, comme en témoigne l’habillement modeste des femmes, le respect pour les personnes âgées et l’absence de pornographie.

Les jours suivants ont été occupés à effectuer plusieurs visites. À l’Église réformée unie Don de Dieu, une douzaine de dames participaient à une étude biblique quand nous sommes arrivés. La présidente dirigeait une étude sur 1 Corinthiens 13. Lorsque l’étude a été terminée, le pasteur Ntita m’a dit que, bien que le divorce soit devenu bien trop commun dans le pays depuis quelque temps, les Églises réformées ont en général été épargnées de ce fléau jusqu’à présent.

Nous nous sommes ensuite rendus à un point de mission à une vingtaine de minutes de là, où nous avons rencontré un ancien, sa femme, ses enfants ainsi que d’autres croyants. L’ancien est un professeur d’anglais. Il étudiait pour devenir pasteur à Lubumbashi, dans le sud du pays, quand sa formation a soudainement été interrompue à la suite d’un désaccord survenu entre les dirigeants de l’ÉRCC et les missionnaires néerlandais, ce qui a conduit à la scission de la fédération et à la formation de l’ÉRUC. Cet ancien cherche maintenant des moyens de mener à bien ses études.

Le bâtiment de l’église était aussi modeste que le premier que nous avons visité. Une quarantaine de personnes s’y rassemblaient pour le culte, sous un toit en tôle ondulée, des morceaux de tissus servant de murs. Cet îlot réformé se retrouve au milieu d’un océan de catholicisme à moitié sécularisé, de pentecôtisme et de paganisme. Un autre défi auquel ils sont confrontés est la réticence des gens de la communauté à se joindre à une Église où le prédicateur n’est pas un pasteur ordonné.

Nous avons quitté ce point de mission pour nous retrouver au beau milieu du labyrinthe trépidant de la circulation du vendredi en fin d’après-midi à Kinshasa. À un certain moment, les rues ont été inondées de soldats de l’armée revenant de funérailles militaires. La cacophonie sonore était assourdissante : les klaxons, les chiens qui aboyaient, les hommes qui criaient, la musique qui jouait et un flot de motos et de voitures qui circulaient dans tous les sens.

Notre avons ensuite assisté à une réunion d’anciens dans une Église où les conditions sont extrêmement pauvres. La réunion a duré deux heures, au cours de laquelle leur pasteur Jean Philippe a développé l’explication de Jean 10.1-6. Il a parlé de notre Seigneur Jésus qui est le bon Berger et de ce que son exemple signifie pour les anciens et les pasteurs du troupeau. Ils ont ensuite discuté de ​​la fréquentation fluctuante de l’Église. Ils en sont venus au consensus qu’ils avaient besoin de faire des visites pastorales à domicile plus régulièrement, étant donné que beaucoup de ces familles étaient relativement nouvelles dans la foi réformée.

On m’a demandé de donner des conseils sur le culte et d’expliquer les orientations générales de nos Églises réformées à ce sujet, tout en reconnaissant que l’Évangile doit être contextualisé selon les façons de faire de chaque culture (toutefois, sans jamais faire de compromis).

Cette nuit-là, un puissant orage tropical a éclaté, comme je n’en avais jamais connu. Le tonnerre et la foudre étaient beaucoup plus forts et puissants que ce que j’avais vu et entendu au cours des pires orages que j’ai vécus en Ontario.

Le lendemain, nous avons visité l’Église du pasteur Abel Ntita à Limete. Ici aussi, les dames étaient réunies pour étudier la Bible; leur pasteur leur donnait un enseignement sur l’alliance de Dieu avec Abraham et sur le fait que le salut ne concerne pas seulement des individus, mais des familles entières. Je me suis également adressé aux dames en leur parlant, à partir de Matthieu 5, de la façon dont le Christ est venu libérer les femmes de la servitude des vues et des traitements dégradants infligés par l’homme pécheur. Je l’ai fait dans le contexte du terrible fléau de viols qui sévit dans l’est du pays ravagé par la guerre. J’ai appris plus tard que c’était la Journée internationale de la femme lorsque je me suis adressé à elles.

Après une visite matinale au domicile du pasteur Ntita, nous sommes retournés à l’Église réformée unie Sion où le pasteur Ntita a enseigné des principes d’implantation d’Église à un petit groupe d’anciens. Il a traduit en français et adapté au contexte congolais un livre sur l’implantation d’Église écrit par plusieurs de nos pasteurs (des Églises United Reformed churches of North America). Comme nous sommes arrivés en retard, un jeune homme enseignait déjà les frères. J’ai été frappé par la foi joyeuse de ce jeune homme qui leur expliquait les dix principes d’implantation d’Église. Il vit tout près de l’église et, comme tant d’autres, il est au chômage et prie pour du travail. Le pasteur Ntita a ensuite pris la relève et a complété le cours de l’après-midi, lequel a duré trois heures, sans pause, alors qu’il faisait très chaud ce samedi après-midi. J’ai été impressionné par la façon dont il a mis au défi ses frères congolais d’apporter l’Évangile aux pygmées qui vivent dans la jungle et de ne pas les mépriser du fait qu’ils sont d’une race différente.

Le dimanche matin, nous avons adoré Dieu avec la même Église que nous avions visitée auparavant. Le culte d’adoration a duré environ trois heures. Bien que le style du culte ait été différent à certains égards, l’ordre du culte était basé sur le modèle réformé continental. Les paroles des chants étaient d’un contenu solide et les chants avaient été choisis de manière à bien convenir à l’ordre du culte; le chant était émouvant et passionné, accompagné de quelques musiciens; la loi a été lue dans Jérémie 7; le Symbole des apôtres a été récité par l’ensemble de l’Église, et le baptême a été administré après que trois questions ont été posées au couple et que la signification du sacrement ait été brièvement expliquée. J’ai prêché la Parole de Dieu à partir d’Éphésiens 2.1-10, en introduisant mon message par l’histoire du négrier John Newton, sauvé par la grâce.

Jamais je n’oublierai la foi, la joie et l’amour dont sont animés ces chrétiens d’humble condition. En me rendant à l’église ce matin-là, j’avais vu en passant deux magnifiques « temples » mormons. C’est pourtant dans cette humble église où je me suis rendu que le Dieu vivant a bien voulu rassembler son peuple par sa Parole et son Esprit, uni dans la seule vraie foi, à la gloire de son nom.

Lorsque j’ai rencontré pour la dernière fois mes deux collègues congolais, ils m’ont demandé mes impressions. À leur tour, ils m’ont fait part de leur désir de développer des relations œcuméniques plus étroites avec les Églises réformées unies en Amérique du Nord, estimant que nous pourrions leur venir en aide pour combler certains de leurs besoins les plus élémentaires et les plus urgents.

C’est avec une grande chaleur chrétienne que nous avons échangé nos adieux le lundi matin. Alors que j’attendais de monter à bord de mon avion, j’étais conscient que c’était le Seigneur qui m’avait amené dans ce pays. Il appelle ses brebis du Congo à l’aimer et à le suivre, afin que nous formions tous un seul troupeau, sous un seul Berger, en route vers un avenir glorieux.

Aux yeux du monde, la République démocratique du Congo est juste un État défaillant de plus. Pourtant, aux yeux de Dieu, ce vaste pays — un quart de la superficie des États-Unis, habité par 70 millions de personnes — est l’objet de sa miséricorde. Alors que des puissances étrangères et diverses factions tribales combattent pour obtenir ses riches minéraux depuis des siècles et que l’espérance de vie de ses habitants est courte — 47 ans pour les hommes et 51 ans pour les femmes —, rappelons-nous que nous avons plus de 14 000 frères et sœurs là-bas, répartis dans 198 Églises, avec seulement 23 pasteurs ordonnés pour prendre soin d’eux. Il ne faut pas les oublier.

À un moment donné, le pasteur Kabongo a déclaré avoir remarqué que la nouvelle génération de Nord-Américains ne semble pas partager le même souci pour l’Afrique que leurs pères. J’ai répondu qu’il avait probablement raison et nous avons discuté des raisons possibles de cet état de fait. Plus tard, une autre chose est devenue claire pour moi : les Congolais ne sont pas amers à cause du colonialisme, un sentiment de culpabilité que beaucoup en Occident continuent d’avoir. De ce que je vois, ces Congolais comprennent mieux que nous les desseins de Dieu dans l’histoire, nous qui sommes pourtant riches et bénéficions de nombreuses ressources. Tout ce qu’ils nous demandent maintenant, c’est de ne pas les oublier.