Cet article a pour sujet le thème de la bénédiction dans la Bible, des thèmes dans le christianisme en Afrique (pauvreté, pentecôtisme, richesse) et une réflexion sur le vrai sens de la bénédiction dans la vie chrétienne.

8 pages.

La bénédiction dans la vie chrétienne

  1. Le thème de la bénédiction dans la Bible
    a. Ancien Testament
    b. Nouveau Testament
  2. Des thèmes dans le christianisme africain (sud du Sahara)
  3. Pistes de réflexion sur le vrai sens de la bénédiction dans la vie chrétienne

Nous voulons avant toute chose remercier les organisateurs de cette conférence1 sur le choix qui a été porté envers notre personne pour la présentation de ce thème sur la bénédiction dans la vie chrétienne. N’est-ce pas là déjà un élément de bénédiction? Nous présentons toutes nos excuses pour notre absence physique à cette présentation malgré notre engagement pris dès le jour où nous avions reçu l’invitation.

La lecture du thème de notre présentation tel qu’élaboré par les organisateurs indique non seulement la pertinence du sujet, mais ce thème véhicule également un soupçon certain, celui d’un malaise dans le christianisme africain contemporain. En effet, si Walls a su bien remarquer le déplacement du centre de gravité du christianisme du Nord vers le Sud (Asie, Amérique latine et Afrique), ce déplacement de centre de gravité porté surtout par la mouvance pentecôtiste ou charismatique est doublé d’un autre centre de déplacement, celui des thèmes de prédication désormais construits quasi exclusivement autour des sujets liés à la bénédiction comme preuve manifeste d’une vie chrétienne authentique. Notre présentation sera une quête à travers la relecture des textes bibliques et une revue de l’histoire afin de proposer quelques pistes susceptibles d’éclairer la marche chrétienne. Nous traiterons ce sujet en trois phases distinctes. La première consistera en une approche biblique du sujet. Il s’agira d’interroger la Bible sur la compréhension de la bénédiction. Dans une deuxième phase, nous lirons l’histoire du christianisme en Afrique pour déceler la prépondérance de certains thèmes à des moments précis de l’histoire du continent. Enfin, la troisième phase comportera quelques pistes de réflexion sur le vrai sens de la bénédiction dans la vie chrétienne. Nous voulons aussi préciser que la vie chrétienne dont nous faisons allusion dans cette présentation vise surtout la vie chrétienne en Afrique subsaharienne aujourd’hui.

1. Le thème de la bénédiction dans la Bible🔗

Dans cette première partie, nous enquêterons sur ce que la Bible, Ancien et Nouveau Testaments, nous communique sur le thème de la bénédiction. Le substantif « bénédiction » tel que nous l’utilisons dérive du latin bene (= bien) et dicere (= dire) c’est-à-dire « dire du bien ».

a. Ancien Testament🔗

Dans l’Ancien Testament, la racine barak, comme substantif berakah (bénédiction), comme verbe barak (bénir) ou comme participe passé baruk (béni), apparaît plus de 400 fois. Elle est surtout utilisée dans la relation entre Yahvé et son peuple, entre Yahvé et certains individus (par exemple les patriarches), mais aussi entre les individus. Le concept de bénédiction apparaît très tôt dans l’Ancien Testament. Il est intimement lié à l’œuvre créatrice de Dieu. Dans Genèse 1.22, à la fin du cinquième jour, Dieu bénit les oiseaux : « Soyez féconds, multipliez-vous et remplissez les eaux des mers; et que les oiseaux se multiplient sur la terre. » De même, après la création de l’homme, Dieu le bénit en des termes plus ou moins semblables à ceux des animaux, mais avec une addition, une bénédiction à l’impératif : « … Remplissez la terre et soumettez-la. Dominez sur les poissons de la mer, sur les oiseaux du ciel et sur tout animal qui rampe sur la terre » (Gn 1.28). Il est évident que cette bénédiction créatrice est l’expression parfaite de l’intention originelle de Dieu pour la prospérité, la paix et le bien-être de ses créatures. Dieu bénit l’homme afin que ce dernier soit doté de la capacité d’assurer la perpétuité de la race humaine ainsi que la préservation de la création. Nowell a su bien résumer la portée de ces deux bénédictions :

« Les deux bénédictions incluent dans l’acte créateur même la capacité de participer à la création, de partager la vie donnée par Dieu dans la création. […] Les deux impératifs supplémentaires en Genèse 1.28 donnent aux humains pouvoir et responsabilité, spécialement sur les autres créatures qui ont été bénies en 1.23.2 »

Les créatures sont bénies, mais aussi le septième jour, le sabbat (Gn 2.3). Cette bénédiction renforce celle de la puissance créatrice dévolue à l’homme. En sanctifiant le sabbat, l’homme imite Dieu dans son œuvre créatrice.

Malheureusement, ce plan originel de Dieu sera défiguré par l’intrusion du péché et la malédiction. Le péché n’a pas amené la malédiction sur l’homme per se. Dans Genèse 3.17, Dieu n’a pas modifié sa bénédiction. Ce n’est pas l’homme qui est maudit, mais ce sont les conditions de vie et d’existence qui sont rendues difficiles. Caïn sera le premier humain qui a été maudit par Dieu après le meurtre de son frère (Gn 4.11), mais là encore la malédiction est liée au sol. « Quand tu cultiveras le sol, il ne te donnera plus sa richesse. Tu seras errant et tremblant sur la terre » (Gn 4.12). L’errance de Caïn n’est pas directement liée à la malédiction, mais plutôt à la recherche effrénée de terre arable (Gn 4.14). Il y a ici un renforcement de la malédiction du sol prononcée à Adam. Pour Adam, le sol produira des chardons, mais pour Caïn, le sol ne donnera plus sa richesse. Dieu va inverser la situation avec Noé et sa famille. La bénédiction prononcée sur Noé et ses fils s’aligne sur celle de la création en Genèse 1.28 : fécondité, multiplication et domination sur les autres créatures (Gn 9.1-3).

L’appel d’Abram/Abraham dans Genèse 12 marque une nouvelle étape dans le dessein de Dieu de bénir l’humanité. Dans les trois premiers versets, la racine barak apparaît cinq fois. Bien que la promesse de bénédiction soit exprimée dans ces trois versets d’une manière concentrée, elle deviendra plus claire dans Genèse 17.15-19 et 22.15-18. Ces deux autres formules de bénédiction rappellent les bénédictions créatrices : fécondité, multiplication et domination. Un aspect nouveau s’ajoute, malgré la discussion des spécialistes sur le sens du verbe hébreu. Abraham sera une source de bénédiction pour les autres. Avec Abraham s’ouvre un chapitre de la transmission de la bénédiction d’un patriarche à un autre. Les patriarches ont reçu de Dieu le pouvoir de perpétuer la bénédiction à leur progéniture. Un élément important à retenir ici dans la bénédiction dans la Genèse : la bénédiction est avant tout participation à la vie de Dieu.

Dans le cadre de l’alliance, le peuple de Dieu est placé devant un choix vital : bénédiction ou malédiction? (Dt 28). Les bénédictions énumérées dans ce chapitre correspondent à plusieurs égards à la bénédiction créatrice, elles sont liées à la vie. Dans Nombres 6.23-27, les fils d’Aaron avaient reçu l’ordre de bénir les enfants d’Israël. C’est peut-être dans ce sens que l’on peut interpréter les promesses de bénédiction de Malachie 3.10. En effet, puisque les enfants d’Israël avaient négligé l’approvisionnement du Temple pour l’entretien des prêtres, ces derniers ont abandonné leurs fonctions. Ainsi, Israël s’était soustrait de la source permanente de bénédiction par l’absence des prêtres.

Un autre épisode important à mentionner est celui de Balak et Balaam. Ce récit démontre clairement que la puissance de la bénédiction ne réside pas dans la parole prononcée de manière magique, mais plutôt en Dieu lui-même. Balaam n’a pas pu maudire Israël (Nb 22).

Le thème de la bénédiction n’est pas très prépondérant dans la prédication prophétique, bien que l’appel prophétique au respect de l’alliance avait pour but ultime la réalisation des bénédictions liées à l’alliance, notamment celles énumérées dans Deutéronome 28.

Le livre des Proverbes insiste surtout sur la relation entre la sagesse, une vie juste devant Dieu et le succès dans la vie. Bien que le mot bénédiction ne soit pas souvent utilisé, la sagesse dont il est question est celle qui est liée à Dieu, celle qui vient de Dieu. Une vie stable, réussie et prospère n’est pas simplement le fruit d’une existence correcte, elle vient de Dieu, en d’autres mots elle est une bénédiction de Dieu. Cette assertion est comprimée dans Proverbes 10.22 : « C’est la bénédiction de l’Éternel qui enrichit… »

Nous signalons que, si Dieu est la seule source de bénédiction, l’emploi de baruk, « béni soit l’Éternel » (surtout dans les Psaumes) prend plus le sens de louange et d’adoration comme réponse aux bénédictions reçues de Dieu. L’homme ne peut en aucun cas bénir Dieu.

Nous achevons ce bref parcours de l’Ancien Testament en affirmant que la bénédiction de Dieu telle que formulée premièrement dans la création et déployée dans la vie des patriarches et du peuple d’Israël est avant tout une participation à la vie de Dieu.

b. Nouveau Testament🔗

Le Nouveau Testament n’offre pas un enseignement systématique semblable aux différents passages de l’Ancien Testament. Cependant, son message est la clé pour comprendre le plan de Dieu dans la restauration de sa bénédiction créatrice édulcorée par le péché. Toute l’œuvre du salut accomplie par Jésus-Christ est ce retour de l’homme, sa participation à la vie de Dieu. Jésus lui-même est la bénédiction par excellence. Il est béni dès le sein de sa mère (Lc 1.42). Sa vie entière, ses paroles et ses actes sont tous porteurs de la bénédiction de Dieu. Pour ne citer qu’un seul exemple, Jean 10.10 : « Je suis venu afin que les brebis aient la vie et qu’elles l’aient en abondance. » Cette promesse de la vie abondante est comme un miroir qui reflète les bénédictions créatrices. Il s’agit avant tout de la vie avec Dieu. Cette vie avec Dieu est rendue possible par la puissance du Saint-Esprit, gage de notre bénédiction et de notre participation à la vie de Dieu (Éph 1.1-14). La bénédiction dans la marche chrétienne est surtout une vie dans l’Esprit qui cherche à atteindre la stature du Christ.

Toutefois, plusieurs passages du Nouveau Testament indiquent clairement que la bénédiction dans la vie chrétienne n’est pas toujours synonyme de prospérité, fécondité, paix, domination, etc., comme il est mentionné dans les clauses de l’alliance. La réalité du péché fait que la bénédiction se réalise parfois au milieu de la tribulation, de la faim, de la maladie, voire de la mort. Jacques nous avertit sur les épreuves inhérentes à notre marche avec le Seigneur (Jc 1.1-15).

Ce bref et incomplet parcours biblique nous conduit dans la deuxième phase de notre présentation, les différents thèmes dans la rencontre du christianisme avec le continent.

2. Des thèmes dans le christianisme africain (sud du Sahara)🔗

Comme nous l’avons indiqué dans notre introduction, le déplacement du centre de gravité du christianisme du Nord vers le Sud est aussi accompagné d’un déplacement du thème central dans la prédication chrétienne. Toutefois, avant d’analyser le thème actuel, nous voulons tracer brièvement (de manière caricaturale)3 les différentes migrations de thèmes dans la prédication en suivant les étapes historiques du développement du christianisme en Afrique subsaharienne.

Durant l’époque coloniale, le maintien du statu quo dans les colonies obligeait la plupart des missionnaires à adopter un message « adoucissant », celui de la récompense au ciel malgré les souffrances endurées sur la terre4. Il s’agissait de réconforter ceux qui ployaient sous les coups de leurs bourreaux. « Heureux les pauvres… » La pauvreté et la résignation étaient souvent exaltées comme des vertus caractéristiques de ceux qui ont reçu Jésus comme leur Seigneur. Ces thèmes confortaient le pouvoir colonial dans sa domination et son exploitation des peuples colonisés. Peu à peu, ce message ne passait plus facilement. Avec la traduction de la Bible dans certaines langues africaines et son appropriation herméneutique par certains catéchistes autochtones, la semence de l’indépendance et de la liberté commençait à germer dans la foi de plusieurs chrétiens. L’identification avec les prophètes de l’Ancien Testament par certains Africains est à placer dans ce registre. Il n’est pas étonnant de constater que la plupart des pères des indépendances africaines ont été nourris de la sève de l’Évangile.

Après les indépendances, le thème du développement social était placé au centre des préoccupations. Les évangéliques ont dû en leur sein passer beaucoup de temps à chercher à déterminer la relation entre l’évangélisation et l’action sociale. Cette période est surtout marquée par la création des départements de développement au sein de plusieurs confessions traditionnelles. La fin des colonies avec leur politique protectrice a aussi ouvert la voie à la percée de certains mouvements pentecôtistes ou charismatiques venus surtout des États-Unis d’Amérique en Afrique. Alors que certaines communautés chrétiennes mettaient l’accent sur le développement comme signe visible de la présence et de la bénédiction de Dieu, les nouveaux mouvements prônaient le parler en langues comme signe indicateur du baptême de l’Esprit ainsi que la guérison miraculeuse de toute maladie par la foi. Dans plusieurs pays africains, des croisades ont été organisées, on y a amené les possédés, les paralytiques, les sourds, les muets, etc. La conversion devait être accompagnée de signes et de miracles.

Depuis environ deux décennies, on assiste en Afrique subsaharienne à une sorte de globalisation du mouvement pentecôtiste. Les frontières entre les différentes confessions traditionnelles sont presque inexistantes. Dans plusieurs Églises réformées, presbytériennes, voire baptistes, on y danse et on y prie à haute voix comme dans les assemblées charismatiques. Du fait de l’exode rural massif des chrétiens vers les Églises néo-pentecôtistes, les Églises traditionnelles sont tentées et attirées par les thèmes et les gestes de ces nouvelles Églises. Le thème fétiche de ces nouvelles Églises est la bénédiction. Pour ces Églises, une vie chrétienne réussie est celle qui démontre les fruits de la bénédiction : argent, absence de maladie, voyages à l’étranger, voitures de luxe, grande maison, habits luxueux, bijoux en or, etc. Puisque ces messages de bénédictions électrisent et attirent les foules, la plupart des prédicateurs tentent chaque dimanche de relancer l’espoir de certaines personnes dans la congrégation en promettant mariages, enfants, guérisons, « déblocages ». Lorsque la bénédiction ne porte pas ses fruits en termes de possessions matérielles et de santé physique, cela est dû soit au péché de la personne ou à celui de ses parents ou de ses aïeux qui ont contracté des alliances avec les sorciers. Le thème de « péché générationnel » actuellement en vogue est corollaire au thème de la bénédiction matérielle.

De Lagos à Nairobi, d’Abidjan à Kinshasa, la musique religieuse populaire est porteuse de ce thème de bénédiction matérielle. Un chant particulièrement affectionné dans certaines communautés chrétiennes est celui d’Uche :

Eeeh My God is good oh (Eeeh My God is good oh)
Eeeh My God is good oh (Eeeh My God is good oh)
Everything na double oh (Na double double)
Everything na double oh (Na double double)
Promotion double oh (Na double double)
Your money double oh (Na double double)
Your house double oh (Na double double)
Your cars double oh (Na double double)

Puisque Dieu est bon, chaque chose dans ma vie double en vertu de la bénédiction : promotion dans le travail, l’argent, la maison, la voiture, etc. J’ai personnellement assisté à un culte à Addis-Abeba durant lequel ce chant a été exécuté. Mon étonnement était grand devant l’effervescence de la foule. Je pouvais discerner dans la foule certains hommes, certaines femmes, de conditions vraiment malheureuses, mais qui chantaient comme des perroquets alors qu’ils n’avaient ni voitures, ni travail, ni maison. Ce qui allait doubler c’est peut-être leur pauvre condition.

Il me semble apparent maintenant que le but recherché par la conférence à travers ce thème est une sorte de correction sur la place et le rôle de la bénédiction dans la vie chrétienne. La bénédiction dans la vie chrétienne ne saurait être réduite aux choses périssables. Certains prophètes ou apôtres à travers le continent sont devenus des dispensateurs de bénédictions. Au sein de leurs assemblées, ils vendent de l’eau ou de l’huile d’olive porteuse de bénédiction dans de petits flocons dispensateurs. J’en ai reçu un comme un don. Il était écrit : « Morning water, anointed by Christ to heal, bless and save. Morning water renew you » (L’eau du matin, ointe par le Christ pour guérir, bénir et sauver. L’eau du matin vous renouvelle). La bénédiction est devenue un produit commerçable. Certains prédicateurs vont plus loin en affirmant qu’une vie chrétienne bénie est celle qui est exempte de toute souffrance ou de tout manque.

3. Pistes de réflexion sur le vrai sens de la bénédiction dans la vie chrétienne🔗

À la lumière de la révélation biblique dans l’Ancien Testament et à la lumière des enseignements et des actes de Jésus-Christ, mais aussi à la suite des apôtres, nous voulons tracer dans cette troisième phase quelques pistes pour baliser la compréhension de la bénédiction dans la vie chrétienne.

Affirmation 1 : Le dessein de Dieu manifesté lors de la création reste le même. Dieu est celui qui bénit son peuple. L’intrusion du péché dans le monde n’a pas changé le dessein de Dieu. Il veut que l’homme puisse vivre la vie de Dieu, la vie en communion avec Dieu, le seul dispensateur de la bénédiction. L’œuvre de Jésus-Christ étant considérée comme la recréation de toute chose place l’homme réconcilié avec Dieu à nouveau sous le signe de la bénédiction de Dieu.

Affirmation 2 : La bénédiction de Dieu dans la vie chrétienne ne saurait être comptabilisée en termes de biens de consommation ou de jouissance. La bénédiction de Dieu dans la vie chrétienne est avant tout une transformation intérieure de l’homme sous la puissance du Saint-Esprit.

Affirmation 3 : La bénédiction dans la vie chrétienne n’est pas une immunisation contre la souffrance, la maladie ou l’échec. La bénédiction ne veut pas dire une victoire acquise une fois pour toutes sur la souffrance et sur tous les défis de la vie. La foi chrétienne authentique est la capacité que le chrétien dispose d’affronter ces défis par la puissance de la Parole et de l’Esprit.

Affirmation 4 : Ayant dit que la bénédiction n’est pas une immunisation, précisons aussi que le dessein de Dieu n’est pas la maladie, la souffrance, la pauvreté. La bénédiction créatrice est plénitude de vie. La vie abondante que Jésus apporte pousse le chrétien béni par Dieu à lutter contre toute situation qui diminue l’homme et qui défigure l’image de Dieu.

Affirmation 5 : La bénédiction dans la vie chrétienne relève de la souveraineté de Dieu. Aucun être humain, prophète ou apôtres, ne saurait apporter la bénédiction. Le pouvoir de bénédiction est exclusivement réservé à Dieu.

Affirmation 6 : La bénédiction dans la vie chrétienne est offerte au bénéfice de tout le corps du Christ, et non pas pour un usage personnel et égoïste.

Affirmation 7 : Les richesses matérielles ne sont pas le signe de la vie chrétienne bénie. Les voitures luxueuses, les maisons, la bonne santé, la richesse, etc., ne sont pas exclusivement réservées aux chrétiens. Même les païens en disposent également. La vraie richesse, exclusive aux chrétiens, c’est le fruit de l’Esprit (Ga 5.22).

La croissance actuelle de l’Église en Afrique est fulgurante. Les Églises sont implantées partout, parfois plusieurs Églises cohabitent et parfois elles se gênent mutuellement dans une même rue à Kinshasa ou à Lagos. Malheureusement, la présence massive des chrétiens n’apporte pas la plénitude de la vie telle que Jésus l’avait enseignée et vécue. Un des mérites de la mouvance pentecôtiste dans son insistance sur la bénédiction comme signe de la vie chrétienne est l’espoir qu’elle fait naître. Devant la pauvreté extrême, la misère, le chômage massif, la maladie, etc., ce thème offre certaines raisons d’espérer. Toutefois, le modus operandi prôné par les fabricants de bénédictions offre un espoir utopique. La formule est la suivante : Donne et tu seras béni. La mesure de la bénédiction sera proportionnelle à la semence.

Ici, la bénédiction créatrice « soumettez la terre, dominez sur les poissons… » serait une solution. L’Afrique est le continent le plus riche en ressources naturelles et humaines. Cependant, il est le continent le plus pauvre. Les raisons de cette pauvreté sont nombreuses. Certaines sont d’ordre historique (colonisation par exemple). D’autres sont le fruit d’un ordre économique mondial injuste (mondialisation néolibérale). Mais la pauvreté en Afrique est aussi le fruit d’une mauvaise gouvernance, de la corruption, du manque d’intégrité, de l’égoïsme, etc. Ces choses relèvent d’abord et avant tout d’un renouvellement intérieur que seule une vie chrétienne authentique peut offrir. Les ressources de l’Afrique, si elles sont bien réparties et distribuées, sont en mesure d’offrir une vie décente à chaque Africain. Le dessein de Dieu est aussi vrai pour les Africains. Ils doivent vivre la plénitude de la vie, la vie de communion avec Dieu et avec le prochain. Les vendeurs de bénédiction tentent par exemple d’attribuer la pauvreté non pas aux circonstances et à certaines contingences, mais plutôt à l’esprit de pauvreté que l’on essaie de chasser par des prières de délivrance. Cette approche ne fera que retarder le bien-être de l’Africain.

Ma propre compréhension du dessein de Dieu à propos de la bénédiction me pousse à conclure que la pauvreté et la maladie doivent être des exceptions et non la règle. La pauvreté et la maladie ne sauraient être vaincues par des flacons remplis d’huile d’olive, mais bien par l’engagement de tous ceux qui sont bénis par Dieu à travers son Esprit à lutter contre tout ce qui empêche l’homme de vivre la plénitude de la vie offerte par Dieu en Jésus-Christ.

Notes

1. Conférence internationale organisée par Verre Naasten (DVN) et L’Institut universitaire de développement international (UIDI), qui s’est tenue à Yaoundé au Cameroun du 19 au 30 juin 2017. La présente allocution a été donnée le 27 juin.

2. Irène Nowell, « Le contexte narratif de la bénédiction dans l’Ancien Testament », Concilium 198, 1985, p. 17.

3. Une telle étude exigerait une enquête profonde.

4. Nous faisons ici une généralisation, car tous les missionnaires n’entraient pas dans ce schéma.