Cet article a pour sujet la résurrection des morts comparée à l'idée de l'immortalité de l'âme, ainsi que l'heure de la résurrection au dernier jour.

Source: Espérer contre toute espérance. 5 pages.

La résurrection des morts

  1. Immortalité de l’âme ou résurrection des morts?
  2. La résurrection des morts
  3. L’heure de la résurrection

1. Immortalité de l’âme ou résurrection des morts?🔗

Immortalité de l’âme ou résurrection des morts? La question est essentielle pour bien saisir, ici encore, la nature de l’espérance chrétienne.

Un malentendu répandu même chez des chrétiens confond ces deux conceptions au sujet de la survie de la personne après la mort. Elles sont cependant diamétralement opposées. La première vient des croyances religieuses ou des idées philosophiques étrangères à la révélation biblique.

Il est vrai que le terme d’immortalité de l’âme apparaît assez souvent sur les pages du Nouveau Testament. Mais l’idée comme telle est païenne. Babyloniens comme Égyptiens croyaient fermement en l’immortalité de l’âme. Platon, notamment dans le Phédon, la formulera concrètement. Ce sont ces idées platoniciennes qui contamineront assez tôt déjà la théologie chrétienne. Pour le penseur grec, le corps et l’âme sont deux substances différentes et bien distinctes. La première est matérielle et de ce fait inférieure à la seconde, qui est céleste et a préexisté au ciel dans une totale félicité. Mais ayant perdu ses ailes, elle pénètre dans le corps pour y occuper le cerveau : c’est le nous rationnel. À la mort de l’homme, le corps se désintègre tandis que le nous ou l’âme rationnelle retourne au ciel. La métempsychose ou réincarnation permet à l’âme de revenir sur terre soit sous la forme d’un animal, soit sous celle d’un homme. Toutefois, en elle-même l’âme demeure indestructible.

La théorie platonicienne de l’immortalité de l’âme est une idée rationaliste. Selon le philosophe, n’est réel que ce qui appartient à la raison. Là où celle-ci est absente, là domine la substance inférieure. Indestructible en soi, l’âme demeure immortelle. Le corps ne lui sert que de simple tombeau; pourtant, l’âme se porte bien même en dehors du corps. Platon est ainsi à mille lieues de soupçonner la possibilité d’une résurrection des corps. Le siècle des Lumières et le déisme auquel il donna naissance empruntèrent cette théorie platonicienne de l’âme. Rationalistes par excellence, les Lumières situèrent la source de toute vérité dans la seule raison. Ce siècle inspira aussi la nouvelle théologie naturelle d’après laquelle les grandes vérités chrétiennes, à savoir l’existence de Dieu, l’importance de la vertu, l’immortalité de l’âme, etc., pourraient être atteintes à l’aide de la seule raison. En dépit de ses attaques dévastatrices contre le rationalisme, Emmanuel Kant admit à son tour l’idée de l’immortalité de l’âme.

Quel est l’enseignement biblique sur ce sujet et quel est le rapport entre l’immortalité et la résurrection?

Deux termes grecs du Nouveau Testament sont traduits en français par immortalité : athanasia (Jn 5.26; 1 Co 15.53-54; 1 Tm 6.16); aphtharsia et l’adjectif qui en est dérivé (Rm 1.23; 2.7; 1 Co 9.25; 15.42,50,53,54; Ép 6.24; 1 Tm 1.17; 2 Tm 1.10; 1 Pi 1.4).

Dieu seul possède l’immortalité; mais une telle immortalité est bien plus qu’une existence infinie et illimitée; on pourrait la concevoir comme une vie originale. Elle contraste ainsi avec l’immortalité dérivée. Dieu est la source de la vie; par conséquent, il est aussi la source de l’immortalité. Il la possède en lui-même (Jn 5.26).

Dans 1 Corinthiens 15, l’apôtre développe l’idée de ce qui se produira lors du retour du Christ. Le fait s’appliquera aussi bien aux croyants qui seront encore vivants qu’aux morts. Ce qui est périssable sera revêtu de ce qui ne périt pas. Paul n’annonce pas une vérité générale au sujet d’une possible immortalité de l’âme, mais parle uniquement de celle des croyants et du don qui leur sera accordé. Notons également qu’il ne s’agit pas de l’immortalité d’une substance détachée du corps, mais de toute la personne du fidèle.

L’aptharsia décrit l’incorruptibilité du corps, ce corps nouveau qu’il revêtira lors de l’apparition du Seigneur au moment de la résurrection des morts. Ainsi, aucun des passages cités n’emploie l’expression immortalité de l’âme.

Jean Calvin pense qu’on peut accepter la doctrine de l’immortalité. Mais avec son sens aigu d’exégète et son génie de théologien, il prend soin d’expliquer que l’immortalité n’appartient pas à l’homme en propre, mais qu’elle est le don de Dieu.

Herman Bavinck est encore plus explicite; la doctrine, dit-il, est un article mixte. Sa vérité sera démontrée davantage par un argument philosophique qu’à l’aide des passages bibliques. Lorsque l’Écriture a recours à ce terme, elle le fait avec son autorité de révélation et non comme s’il s’agissait d’une autre théorie, semblable à celle de Platon.

De son côté, G.C. Berkouwer prend soin de préciser le sens biblique de l’immortalité. Selon le grand théologien d’Amsterdam, jamais l’Écriture ne s’intéresse de manière indépendante à l’immortalité de l’âme comme telle ou à une partie immortelle de l’homme, sur laquelle nous pourrions méditer ou spéculer, mais elle la met constamment en rapport avec le Dieu vivant.

Sans examiner d’autres positions, citons notamment le nom d’Oscar Cullmann. Son opuscule, Immortalité de l’âme ou résurrection des corps?, opte, à la suite d’autres théologiens réformés, pour la position biblique de la résurrection.

Ainsi, l’Écriture n’enseigne rien au sujet de l’indestructibilité de l’âme. Elle ne fait que souligner une existence après la mort qui se déroulera en compagnie et dans la communion intime du fidèle avec le Dieu vivant. En revanche, elle proclame sans ambiguïté aucune la résurrection des morts. C’est fondé sur cette proclamation biblique que l’Église universelle a confessé sa foi depuis ses origines : Je crois à la résurrection de la chair.

Une brève explication s’impose quant au sens du terme chair. Dans l’original grec du Symbole, sarx désigne non pas ce qu’en général la Bible entend par chair, à savoir le principe opposé à Dieu, mais ce qui, en langage philosophique, pouvait et devait nécessairement s’opposer à l’idée de l’immortalité de l’âme. Les chrétiens qui ont retenu le terme — et nous admettons que celui-ci en soi n’est pas propre — voulaient simplement affirmer leur solide conviction en la résurrection des morts, contre l’idée païenne de l’immortalité de l’âme.

2. La résurrection des morts🔗

La doctrine biblique de la résurrection ne devrait pas davantage nous intéresser comme une autre idée sur la survie après la mort, comme si elle était indépendante de l’acte rédempteur de Dieu et de la résurrection du Christ. Or ce n’est qu’à la lumière de cette dernière que nous pourrons saisir la réalité et la portée de notre propre résurrection. Dans la première lettre aux Corinthiens, au chapitre 15, l’apôtre Paul s’attache à démontrer la corrélation entre les deux. « Mais maintenant, Christ est ressuscité d’entre les morts, il est les prémices de ceux qui sont décédés » (1 Co 15.20). De son côté, saint Jean, exilé dans l’île de Patmos, entend le Ressuscité lui déclarer : « J’étais mort, et voici je suis vivant; j’ai les clés de la mort et du séjour des morts » (Ap 1.18). Christ est notre tête; sa résurrection constitue à la fois le fondement de notre résurrection corporelle et l’assurance de notre justification devant Dieu. L’aiguillon de la mort a été brisé. Son angoisse peut être à jamais bannie.

« Ni la mort, ni la vie, ni les anges, ni les dominations, ni les choses présentes, ni les choses à venir […], ni aucune créature ne peuvent nous séparer de l’amour de Dieu, manifesté en notre Seigneur Jésus-Christ » (Rm 8.38-39).

Croire au Christ ressuscité c’est autre chose qu’attendre une vague survie dans un au-delà imprécis. L’idée en est déjà présente, quoique faiblement, dans l’Ancien Testament. Nous n’en examinerons pas ici la théologie, mais il suffira de mentionner quelques textes principaux, parmi lesquels Ésaïe 26.19 et surtout Daniel 12.2. Ce dernier annonce une résurrection générale, celle des fidèles, mais aussi celle des incroyants.

Nous nous limiterons aux données les plus claires du Nouveau Testament. Si la résurrection corporelle du Christ est présentée comme le modèle de celle qu’attend son disciple, les impies, eux, ne ressusciteront pas en tant que les bénéficiaires de celle du Sauveur. Toutefois, eux aussi ressusciteront corporellement et seront adaptés à un nouveau mode d’existence. Leurs rapports avec le Christ seront le contraire de ceux, privilégiés, des chrétiens. Leurs corps ressuscités ne seront pas semblables ou conformes au corps transformé du Christ.

Le fidèle, lui, sera en tous points semblable à son Seigneur. La présence de l’Esprit Saint est pour lui une assurance supplémentaire en plus des déclarations explicites de Romains 8.11 : « Celui qui a ressuscité le Christ rendra vos corps mortels semblables au sien. » « Christ est devenu un esprit vivifiant » (1 Co 15.45).

De même que la mort expiatoire de Jésus n’aurait pas de sens si elle n’avait pas de rapport avec les fidèles, de même sa résurrection d’entre les morts serait dépourvue de tout sens si elle n’entraînait pas à sa suite ses disciples, devenus membres de son corps. Ces derniers possèdent une parfaite assurance : « Aucun de ceux que le Père m’a donnés ne sera perdu » (Jn 6.39), déclarait Jésus.

Le corps ressuscité sera semblable à celui du Christ (Ph 3.21). Il aura été placé dans la tombe, mais il acquerra une nouvelle qualité spirituelle. Entre le corps ancien et le corps nouveau subsistera, certes, une continuité. Mais la transformation sera totale. La personne ressuscitée pourra être aisément identifiée. Le fait qu’on ne puisse pas exactement imaginer à quoi ressemblera ce corps nouveau ne devrait pas décourager notre conviction. Saint Paul l’illustre à l’aide d’une parabole, celle du grain qui, jeté à terre, meurt, mais pour porter des fruits jusque parfois au centuple. En déclarant que la chair et le sang n’hériteront pas le Royaume, l’apôtre ne fait pas allusion au corps, mais à la chair, au principe spirituel qui représente la personnalité du pécheur déchu.

Mais il ne faut pas en déduire que le corps ressuscité ne sera pas physique. L’expression corps spirituel souligne plus simplement la nouvelle thèse dressée contre l’antithèse ancienne qu’était la chair et le sang, c’est-à-dire l’homme naturel, pécheur et mortel. Or, à partir de la régénération, le corps spirituel est devenu une nouvelle réalité. Elle est l’œuvre du Saint-Esprit. La continuité entre l’ancien et le nouveau n’interfère ni ne compromet les mutations radicales qui seront effectuées lors de la résurrection et par elle. Tous les défauts dus au péché disparaîtront sans laisser de vestiges. La corruption et la mortalité n’existeront plus. L’incorruptibilité fera place à l’honneur, à la gloire et à la puissance. Le nouveau corps resplendira plein de gloire, selon le modèle du Christ. Il sera parfaitement adapté à l’état de félicité qui sera instauré avec la restauration cosmique. Christ a sauvé la personne tout entière. Son avènement entraînera le renouvellement de notre corps. C’est dans l’intégralité du corps de la vie personnelle reconstituée par la résurrection que les saints entreront dans la vie éternelle afin de prendre possession de l’héritage incorruptible, qui est réservé dans les cieux. Alors se jouera l’acte final du règne du Christ. Notre salut sera total. Celui qui actuellement soupire et attend la délivrance par l’adoption le fait dans la reconnaissance et la louange qui s’élèvent vers Dieu en anticipant la gloire future.

Croire en la résurrection nous emplit sans cesse d’une espérance lumineuse. En dehors de la foi chrétienne, il est impensable d’affirmer quoi que ce soit à son sujet. Que Dieu donne la vie aux morts est une vérité que seule la foi peut saisir.

Aucune pensée naturelle ne pourra l’embrasser. Dieu est puissant et il veut ressusciter les morts. Il appelle à lui ce qui n’existe pas! Dès à présent, nous savons que nous sommes les bénéficiaires de la victoire de celui qui tient entre ses mains les clés du séjour des morts. La résurrection des impies impénitents les conduira à leur seconde mort, à la séparation définitive d’avec Dieu, mais les disciples du Christ, eux, seront amenés à la nouvelle qualité de vie, aussi réelle et aussi certaine au-delà de la tombe qu’en deçà : à savoir vers la vie éternelle. C’est pourquoi nous pouvons nous associer à la remarquable doxologie de Paul « Ô mort où est ta victoire? Ô mort où est ton aiguillon? » (1 Co 15.55).

« Frères, nous savons que l’ombre cède chaque jour le pas à la lumière et que le jour suivra la nuit. Cette certitude nous donne la force de continuer à avancer et elle demeure notre unique consolation tant dans la vie qu’en face de la mort » (Jacques de Senarclens).

« Aussi consolons-nous les uns les autres par ces paroles » (1 Th 4.18).

3. L’heure de la résurrection🔗

Quand aura-t-elle lieu? La question se posera en rapport avec l’interprétation que des dispensationalistes donnent aux mille ans ou à l’intervalle entre le retour du Christ et la résurrection des impies en vue du jugement. Nous pensons que la résurrection des impies et des croyants aura lieu simultanément. Les passages de Daniel 12.2 et de Jean 5.28-29 appuient cette interprétation.

Mais quelle est l’heure dont il est fait état dans le dernier passage? Selon les dispensationalistes, du fait que l’heure du verset 25 s’étend tout au long de l’âge présent, il n’y a pas de raison que l’heure du verset 28 ne puisse s’étendre au cours des mille ans. Selon A. Hoekema, le terme heure dans le quatrième Évangile possède plusieurs sens : celle du verset 25 désigne l’heure de l’Évangile, c’est-à-dire l’âge présent. Il en est ainsi dans Jean 4.23. Ailleurs, le même terme possède le sens d’un temps spécifique qui n’est pas encore arrivé (Jn 7.30; 8.20) ou bien qui est déjà là (Jn 12.23; 13.1; 16.21; 17.1). Est-il donc possible que dans le verset 28 l’évangéliste comprenne l’heure comme étant l’équivalent du millénium? Pour qu’elle soit parallèle au verset 25, il faudrait que la résurrection des croyants et des impies se déroule durant mille ans… Mais, même des dispensationalistes n’envisageraient pas une telle idée.

Notons également le « tous ceux qui sont dans les tombes ». Cette phrase se réfère à une résurrection générale. Tous entendront la voix du Fils de l’homme. Actes 24 va également dans ce sens-là; Apocalypse 20.11-15 surtout retient tout l’intérêt des dispensationalistes. Pourtant, ici il n’est pas question de résurrection, ni de celle des croyants ni de celle des impies. Ceux qui entrevoient à cet endroit la possibilité d’une double résurrection se permettent, écrit Hoekema, de lire littéralement un livre pourtant rempli de symbolisme et d’images tout à fait apocalyptiques.

Quant à Apocalypse 9.20 et 11.15, pourquoi faut-il voir les impies parmi les morts assemblés devant le trône ou bien limiter le sens de ce verset à eux seuls? Il n’existe aucun fondement pour limiter la résurrection finale aux seuls réprouvés. Selon l’Écriture, les croyants seront ressuscités lors du retour du Christ. De la lecture de 1 Corinthiens 15.22-24 et 1 Thessaloniciens 4.16, on ne peut conclure à deux résurrections distinctes devant avoir lieu à un certain intervalle. Paul ne mentionne pas celle des réprouvés, mais n’est-ce pas parce qu’il s’intéresse surtout à celle des fidèles afin de les affermir dans la foi et de les consoler par cette espérance?