Daniel 6 - Le Royaume de Dieu et sa justice
Daniel 6 - Le Royaume de Dieu et sa justice
Daniel 6
Le chapitre six du livre de Daniel achève la partie historique du livre, et à partir du chapitre suivant et jusqu’à la fin, c’est un message prophétique dans un style littéraire appelé apocalyptique qui conclut ce livre de l’Ancien Testament.
Au début, nous disions comment le livre de Daniel est l’un des plus extraordinaires de toute l’Écriture et, incontestablement, de toute la littérature mondiale. Manifeste politique du Dieu tout-puissant, ce livre affirme, chapitre après chapitre et récit par récit, le règne éternel de Dieu ainsi que sa justice.
Un certain moralisme chrétien a malheureusement ignoré son caractère particulier. Or, comprendre la révélation de Dieu, connaître sa nature et celle de son action, voici ce qui constitue pour nous la toute première et salutaire leçon de ces pages. Il faut laisser de côté tout système au centre duquel se placent l’homme et ses prétentions, pour faire apparaître le règne de Dieu et sa toute-puissance sur l’histoire et dans la destinée des hommes.
Quelques points vont à présent retenir notre attention. Il est vivement recommandé de lire le livre de Daniel dans sa totalité pour bien en saisir le message si particulier, ou de le relire attentivement si on l’a déjà lu dans le passé.
Ministre d’État pour la troisième fois consécutive, Daniel accède à ses fonctions grâce à ses dons remarquables, à son intégrité et à l’excellence de son caractère. Placé à la tête de 120 satrapes-gouverneurs, il n’allait pas manquer d’exciter la jalousie de ses pairs, qui vont aussitôt se mettre à conspirer pour le faire tomber de sa position élevée. Dans toutes les sociétés, il semble qu’il faille toujours payer un prix très élevé pour l’excellence et la prééminence! Les médiocres, les jaloux, les méchants exigent toujours le nivellement de toutes choses par le bas, dans une médiocrité partagée. Dans cette conception de la démocratie, ne doit pas seulement disparaître la distinction de classes et de positions sociales, mais il faut niveler encore la personne humaine et, pour finir, nier son identité.
L’homme pécheur cherche à réduire, par pure mesquinerie, toutes choses à son niveau de médiocrité; rendre mauvais tout ce qui existe. Il détruira toute action digne de mention et toute qualité supérieure; la médiocratie pour tous, voilà l’objectif et la mission à laquelle il s’attelle avec acharnement. Il cherchera à faire échouer toute entreprise noble et belle, à rabaisser ce qui est élevé, faire sombrer toutes choses dans l’insignifiance.
Quiconque est incapable de s’élever au-dessus du niveau du sol, volant bien bas et ne surmontant pas ses échecs, voudra niveler celui qui le dépasse. Appelez cela envie, jalousie, mesquinerie et médiocrité… Vous aurez raison.
En un certain sens, l’égalité de tous, classes et particuliers, que prônent certaines idéologies modernes, n’est qu’une autre version de la poursuite de l’échec et la haine, à peine dissimulée, de la vie et du monde créé. Très souvent, l’élite (l’élite véritable, il s’entend) est bannie et rejetée d’une société donnée sous prétexte d’établir une égalité absolue et de faire disparaître toute discrimination.
Au double niveau social et religieux, Daniel refuse de se plier aux mesures prises par ses adversaires. Ceux-ci visent particulièrement comme cible sa foi religieuse. Ils savent que c’est là son point vulnérable et que, s’ils arrivent à le piéger sur ce point précis, ils réussiront à l’abattre. Aussi s’empressent-ils de persuader le roi Darius d’interdire, pendant trente jours, toute prière et toute requête adressée à qui que ce soit excepté à lui, le roi des Mèdes et des Perses. Et ce, sous peine de jeter les contrevenants dans la fosse aux lions. On se rappellera qu’un décret des Mèdes et des Perses était irrévocable. Cela révèle parfaitement la notion religieuse de la fonction sacerdotale du roi, qui assume la fonction de prêtre. Il se présente comme le médiateur entre Dieu et les hommes, le point d’intersection entre le ciel et la terre. Une vie réussie, heureuse ou même vivable ne semble possible que grâce à ses faveurs. Pierre angulaire de la vie publique, il est le fondement de toute existence humaine.
Néanmoins, cette conception des fonctions humaines constitue une telle aberration qu’inévitablement la personne qui les assume s’enfermera et s’enlisera jusqu’à se perdre là où elle s’imagine détenir la prééminence absolue. Cette notion de la prééminence de l’homme joue un tel rôle dans notre monde actuel que nous ne pouvons pas passer sur cet épisode et sous-estimer son actualité. Tout au long de ces chapitres consacrés au livre de Daniel, nous avons dénoncé le mal profond causé par l’orgueil de l’homme. Selon ses pages, ce mal revêtait la forme particulière de la politique de l’État.
La notion de médiation est présente dans toutes les théories politiques et dans tous les systèmes philosophiques qui s’arrogent le droit de gouverner les hommes. Le Dieu transcendant est remplacé par l’ordre temporel des choses; la foi est substituée par le pragmatisme de ceux qui ont identifié la voix du peuple avec celle de Dieu. Les gouvernements, les systèmes d’éducation, parfois même les Églises chrétiennes offrent une conception de la vie telle que l’éternité est réduite au temps. Le temps est absolutisé et les systèmes, doctrines, institutions et jusqu’à l’histoire des hommes deviennent la réalité ultime et décisive.
Adorez votre Dieu, mais courbez-vous surtout devant mon système, devant ma théorie, devant mon action et devant l’ordre que moi, je représente, telle est en résumé l’essence de tout diktat, que ce soit sous les régimes à la poigne de fer ou que ce soit sous les cieux apparemment plus cléments d’une démocratie de façade. Chacun proclame à sa manière « c’est moi la porte ».
Or, Jésus-Christ, le Fils incarné de Dieu, est précisément venu annoncer le contraire. « Je suis la porte » (Jn 10.9). « Je suis le chemin, la vérité et la vie » (Jn 14.6). Il est le seul Médiateur entre Dieu et les hommes; en sa personne, Dieu et l’homme ne se confondent pas. « Sans mélange ni confusion, sans séparation ni division », selon la formulation des Pères du Concile de Chalcédoine, en l’an 451 de notre ère, qui définirent admirablement, une fois pour toutes, les rapports entre la nature divine et la nature humaine du Christ en la personne unique du Fils incarné de Dieu.
Ceux qui n’entrent pas par cette porte et ne marchent pas sur ce chemin ne sont que des voleurs cherchant la ruine des brebis. Au demeurant, la tentation originelle, qui est restée d’ailleurs la tentation permanente, consiste à vouloir devenir comme Dieu. Cette idée de devenir comme Dieu a toujours hanté l’homme. Mais elle est surtout le blasphème suprême proféré contre le Dieu souverain. Elle explique aussi la tragédie profonde de l’homme athée. Daniel ne consentira à aucun compromis. Ayant appris le décret royal, il continuera néanmoins à prier Dieu selon ses habitudes, sa face tournée vers Jérusalem, là où six siècles plus tard le Médiateur divin s’offrira comme sacrifice. C’est dans cette position d’adoration que Daniel sera pris en flagrant délit.
Le roi est consterné en apprenant le fait. Mais comment briser à présent le carcan de légalisme dans lequel il est enfermé, par le fait qu’il représente la loi de son empire et qu’il en est le garant? Il est trop tard pour intervenir en faveur de son ministre, pourtant si apprécié. Il est incapable de le sauver, malgré son désir et malgré toute son autorité royale, voire en dépit de la fonction sacerdotale qu’il assume en tant que prêtre-roi. Darius le Mède nous offre sur cette page la parfaite illustration du conflit universel qui oppose la loi à l’amour. Conflit qui apparaît partout là où le Dieu Législateur n’est pas, en même temps, un Dieu d’amour et de justice. La loi absolutisée sans amour dégénère nécessairement en une injustice inhumaine. L’amour divorcé de la loi conduit fatalement à l’immoralisme le plus aberrant.
Ces conflits existent partout, dans la vie publique de tous les jours aussi bien que dans les vies privées. Ils ne sont ôtés qu’en Christ, car sa justice parfaite et sa mort expiatoire ont accompli pleinement les exigences de sa loi et exprimé la solidité de l’amour de Dieu.
Après avoir découvert que les bêtes féroces avaient épargné son ministre, Darius reconnaît que le Dieu de Daniel est le Dieu véritable. À première vue, il est réjouissant d’entendre une telle déclaration. Mais il manque à celle-ci l’élément vital. Autrement dit, la relation personnelle dans la foi, de même que le repentir et la confession des fautes. Darius ne décide point de renoncer à sa religion polythéiste. Car son empire est fondé sur un principe de pluralisme culturel et religieux. Dans ce cas, quelle place peut-on accorder, au milieu de ce panthéon païen, au Dieu véritable?
Avec ses synthèses, ses amalgames et ses syncrétismes religieux, l’empire de Darius est le modèle même du monde dans lequel nous vivons. Parfois, les chrétiens se réjouissent à l’écho des déclarations du même genre. (Dans tel pays démocratique par exemple, le Président du gouvernement se fait inaugurer avec un culte solennel avec force chants et prières, grâce à la servilité des fonctionnaires d’une religion abâtardie…).
La religion universelle des uns, le syncrétisme religieux des autres, l’union de tous les croyants pour certaines formes d’œcuménisme panreligieux, très en vogue de nos jours, veulent inaugurer officiellement une religion universelle, dont tous pourront devenir les adeptes aussi zélés qu’aveugles. Car cette espèce de monothéisme, fabriqué de toutes pièces, n’est en réalité que du polythéisme déguisé! Ceci peut étonner certains de nos contemporains, mais que l’on veuille bien examiner la nature du monothéisme et celle du polythéisme. Car ce dernier n’est pas uniquement la simple foi en plusieurs dieux, mais aussi la croyance que Dieu est multiple et qu’il y aurait aussi de multiples vérités en ce qui le concerne. Alors polythéisme et monothéisme deviennent de très proches parents.
Ne dit-on pas, si souvent et sottement, en parlant de l’hindouisme ou de l’islam, des divinités polynésiennes ou extrême-orientales, que nous adorons tous un même dieu, mais que celui-ci a des visages multiples? La foi biblique en un Dieu unique n’a rien de commun avec cette caricature religieuse. Elle est la foi au Dieu trinitaire, à la fois un et multiple, à savoir Père, Fils et Saint-Esprit. Aucune des formes d’union de toutes les croyances et de tous les croyants ne peut converger vers le Dieu unique, révélé dans l’Ancien Testament, nous ayant visité en Jésus-Christ, ayant parlé une fois pour toutes et définitivement, sur les pages de la Bible, Ancien et Nouveau Testament.
Nous savons que croire en un Dieu trinitaire est l’offense suprême pour la religion naturelle des hommes. Néanmoins, c’est lui le vrai Créateur, l’unique Rédempteur, le Tout-Puissant Rénovateur de notre vie et de l’univers tout entier. Nous le connaissons parce que Jésus-Christ est la porte unique et ouvre le seul accès possible vers lui. L’Écriture tout entière, et le livre de Daniel en particulier, rend témoignage à ce Dieu-là. Il n’y a aucun autre nom sous le ciel et sur la terre par lequel nous puissions être sauvés.