Cet article a pour sujet l'oeuvre de l'Esprit Créateur qui a formé la création. Il est aussi Recréateur qui renverse les effets du péché dans nos vies et dans le monde. Il produit en nous le fruit de l'Esprit et prépare une nouvelle création.

Source: Jésus-Christ lumière du monde. 4 pages.

Esprit Créateur ou Recréateur

Avez-vous déjà songé que l’Évangile, la Bonne Nouvelle de Dieu, ne commence pas avec les quatre Évangiles et que le Saint-Esprit, l’Esprit créateur divin, n’apparaît pas pour la première fois au seuil du livre des Actes?

La toute première page de la Bible, dans le livre des origines, nous annonce déjà cette Bonne Nouvelle lorsqu’elle nous met en rapport avec la majestueuse action créatrice du Saint-Esprit. « La terre était informe et vide; il y avait des ténèbres à la surface de l’abîme, mais l’Esprit de Dieu planait au-dessus des eaux » (Gn 1.2).

Il est fort possible que la personne et l’œuvre du Saint-Esprit vous aient intriguées comme elles intriguent bon nombre de croyants. Je suis persuadé qu’un grand effort de clarification devrait être entrepris, notamment à notre époque qui voit tant de confusion dans les idées et surtout dans les manifestations concrètes à ce sujet. Commençons alors par cette page, à vrai dire éblouissante, du livre de la Genèse.

Derrière l’univers en gestation, une main de maître en dessine magistralement la forme, y met le contenu, lui donne une expression vivante et l’achève dans un ordre parfait et une harmonie admirable. Ce cosmos si parfaitement ordonné n’est pas le produit d’un extraordinaire concours de circonstances. Ce n’est ni le « hasard » ni la « nécessité » qui ont présidé à la création de l’univers. En revanche, l’Esprit de Dieu, Esprit créateur, y imprime ses desseins, y révèle sa pensée et entraîne le monde naissant vers la lumière. Dès le premier jour, il y fait régner la cohérence, règle les articulations complexes des éléments qui le composent et aboutit, finalement, à ce cri de jubilation de la part du Créateur lui-même que nous rapporte le texte biblique. « Dieu vit alors tout ce qu’il avait fait, et voici : c’était très bon » (Gn 1.31). Il prit plaisir à ce qu’il avait achevé.

Ce passage que nous lisons sur les premières pages de la Bible serait-il la description d’un rêve, une expression poétique exaltée qu’avec nostalgie, ou peut-être avec une certaine amertume, nous reprendrions à notre compte pour nous consoler de nos malheurs à peu de frais? Le prédicateur de l’Évangile que je suis, chrétien parmi tant d’autres chrétiens, n’oublie pas que la réalité quotidienne terre à terre, la situation de notre monde et la condition humaine contredisent apparemment ces pages bibliques et jettent un défi redoutable à notre foi en l’Esprit créateur.

Pour quelle raison le chaos surgit-il constamment sur notre passage et dément-il non seulement nos rêves, mais démolit-il encore nos œuvres? Pourquoi la nature est-elle saccagée? Pourquoi l’homme malade physiquement et moralement et la déchéance et la mort finissent-elles par engloutir sur leur passage tout ce qui vit? Pourquoi les guerres, les famines, le feu dévastateur qui consume et réduit tout en cendres, la tempête qui engloutit les vivants, l’avalanche qui emporte les innocents? Oui, pourquoi? Nous entendons ces constatations désabusées non seulement de la part des incroyants, mais encore de la part de bien des chrétiens. Combien de murmures désapprobateurs et combien assourdissant est le vacarme des révoltes de l’âme!

Des littérateurs, dont nous ne mettrons pas en doute ni le talent ni la sincérité ont parfois réussi à ébranler la foi de chrétiens apparemment solides. À moins que leurs certitudes ne fussent déjà branlantes sous les apparences d’une foi robuste. Faudrait-il conclure de tout cela que la matière première dont nous sommes faits, ainsi que celle des éléments de la nature et de l’ordre des choses, renferme déjà des germes inhérents de destruction?

C’est là la réponse qu’ont apportée tous les dualismes philosophiques et religieux. D’après eux, le monde serait le théâtre de deux forces hostiles d’égale puissance et s’entre-déchirant constamment : le bien et le mal. Dès lors, il ne resterait d’autre recours que l’émancipation, soit par l’anéantissement, soit par la force du caractère et de la pensée humaine ici et maintenant.

Nous avons parlé de l’Esprit créateur de Dieu. Nous maintenons notre conviction. De la première à la dernière page, la Bible reste la Bonne Nouvelle. Si elle souligne avec force le thème de la création, elle ne dissimule pas pour autant un autre thème fondamental : celui de la chute. Elle affirme que c’est parce qu’il y a eu une chute originelle qu’il y a eu aussi péché, déchéance, infirmités, iniquités de toute sorte et finalement la mort. Mais elle nous dit aussi comment Dieu le Créateur est, dès l’apparition du mal, à l’œuvre contre toutes les manifestations de celui-ci. Il les combat et les anéantit, selon sa bienveillance et sa toute-puissance.

Mais sa transcendance souveraine veille aussi sur tous ceux qui s’imaginent déjouer son plan rédempteur ou lui jouer de mauvais tours, et qui sans cesse et de façon insensée conspirent contre sa divine autorité. Ceux-là auront à affronter son jugement.

Il intervient sans cesse pour arracher le monde à la perdition et, avec lui, nos frêles et fragiles existences. Il dissipe le désordre et instaure l’ordre.

Dans l’une de ses pages les plus admirables, saint Paul écrivait :

« La création a été soumise à la vanité — non de son gré, mais à cause de celui qui l’y a soumise — avec une espérance : cette même création sera libérée de la servitude de la corruption, pour avoir part à la liberté glorieuse des enfants de Dieu. Or, nous savons que, jusqu’à ce jour, la création tout entière soupire et souffre les douleurs de l’enfantement » (Rm 8.20-22).

Oui, elle attend et a bien raison de le faire, car le plan initial de Dieu ne sera pas déjoué. Dieu agit au milieu des ténèbres et en dépit d’elles, comme au premier jour de la création, lorsqu’il préparait le jour suivant, au sein de l’obscurité de la nuit. Les pages de la Bible chrétienne, Ancien et Nouveau Testament, clament que toutes choses seront récapitulées en Christ. Voilà toute la force et toute l’actualité de cette Bonne Nouvelle.

Car la Bonne Nouvelle n’est pas l’image poétique d’un paradis utopique, mais la proclamation de notre foi, dans l’obscurité la plus opaque et à l’heure où le mal semble avoir raison de nos fragilités.

Ce mal s’agite aussi à un autre niveau et sur un autre plan, ce qui n’est pas de nature à nous rassurer. En disant cela, je pense à l’Église chrétienne, car elle non plus n’échappe pas aux effets corrosifs et universels du mal. Je dis bien l’Église, car je ne songe pas ici à telle ou à telle chapelle. Si la vôtre fait exception à cette règle, veuillez m’en donner le nom et l’adresse… Je me ferai un devoir de la visiter et d’examiner ce phénomène extraordinaire! Car pour le moment, et jusqu’à preuve du contraire, je persiste à voir dans l’Église chrétienne dans son ensemble un champ où les forces négatives sont à l’œuvre. Elle à qui la vocation de la réconciliation a été adressée; elle qui devrait rester la messagère unique et exclusive de la Bonne Nouvelle, elle à qui a été confié le pouvoir des clés du Royaume; elle qui aurait dû être ce corps universel, ne laisse apparaître son universalité que dans la fragmentation de ses clochers et la prolifération de ses sectoles.

Pourtant, il y a une Bonne Nouvelle pour elle aussi, cette Église divisée et si souvent infidèle. L’Esprit, celui de la création, est l’Esprit de la Pentecôte. Il œuvre dans son sein, la purifie et la transforme à l’image de son Époux céleste. Parce que l’Esprit des origines est le même que celui de la Pentecôte, parce que la Parole créatrice n’est autre que le Sauveur crucifié, « les portes du séjour des morts ne prévaudront pas contre elle » (Mt 16.18). Jusqu’à la fin, c’est-à-dire jusqu’à l’heure où apparaîtra le Sauveur de nos vies et de l’univers, il y aura une Église sainte, apostolique, une et universelle, en dépit de toutes ses faiblesses et de toute sa misère.

Le mal qui a entamé l’univers et qui s’acharne à démanteler l’Église n’épargne pas non plus nos vies individuelles. Notre propre cœur, d’où devraient couler les sources de la vie, produit et fulmine la haine, est empoisonné par la jalousie, fomente des meurtres, brûle de convoitise… Le mal s’attaque à toutes les fibres de nos émotions, de nos pensées et de notre volonté. Le plus insignifiant de nos emportements, la plus inoffensive de nos colères révèle que nous ne jouissons pas d’une paix profonde. Oserais-je ajouter que les maladies que l’on appelle « psychosomatiques » sont les indices les plus sûrs de nos ressentiments et de nos amertumes?

Le prophète Jérémie, bon connaisseur des hommes, écrivait : « Le cœur est tortueux par-dessus tout et il est incurable; qui peut le connaître? » (Jr 17.9). Nous participons tous, à titre personnel, à ce gigantesque mal qui étend ses tentacules sur tout être vivant et cherche à le dévorer, sème le désordre et démantibule et décompose tout ce qui existe. Comme « la création tout entière », nous aussi, nous soupirons et nous gémissons. Mais ne nous décourageons pas. Ce mal omniprésent n’est pas inexorable, car l’Esprit Saint fait mûrir dans notre vie « le fruit de l’Esprit » (Ga 5.22). Remarquons que le texte biblique nous parle ici du « fruit » au singulier, par opposition aux « œuvres de la chair » qui sont mentionnées au pluriel.

La liste qu’établit la lettre de saint Paul aux Galates au chapitre 5, et que nous devrions nos remémorer chaque matin, mentionne « ces fruits » que sont « l’amour, la joie, la paix, la patience, la bonté, la bienveillance, la fidélité, la douceur, la maîtrise de soi ». Ce fruit n’est donc pas un produit exotique, mais une expérience concrète et quotidienne. Peu importent tous ces discours enflammés au sujet du Saint-Esprit qui nous rappellent des feux de paille; peu importe l’ostentation que font certains des dons (charismes) qu’ils attribuent, parfois à tort, à l’Esprit, et dont ils semblent si friands! Car si le fruit véritable est absent de nos vies, c’est que l’Esprit lui-même en est le grand absent; s’il est présent, alors l’humilité, la douceur, la persévérance, une foi solide et sereine seront les signes de la présence de Dieu dans notre vie et de notre soumission à son Esprit.

« Si quelqu’un est en Christ, il est une nouvelle création » (2 Co 5.17). Désormais, la langue débridée peut se discipliner; les passions déchaînées s’apaiser, les pensées iniques se purifier et les sentiments mesquins s’ennoblir. L’Esprit Créateur et Recréateur nous façonnera à l’image de notre divin Sauveur et Modèle. Car il opère toujours en conjonction avec le Christ, dont il ne reste pas indépendant un seul instant. Il n’est pas autonome de la sainte Trinité. Depuis l’aube de la création jusqu’à son renouvellement final avec le Père et le Fils, « un seul Dieu béni éternellement », il agit en notre faveur, en faveur de l’Église et en faveur même du monde, qu’il conduit, malgré les apparences, à sa perfection. Dès à présent et par la foi, nous participons à son œuvre gigantesque et cosmique de recréation.