Le vase et le potier
Le vase et le potier
- La responsabilité de l’homme créé à l’image de Dieu
- Dieu place l’homme devant un choix
- La souveraineté de Dieu nous appelle à la repentance
- La souveraineté de Dieu nous fait la grâce de nous restaurer
- Par sa grâce souveraine, Dieu rend la liberté à qui il veut
- La libération par la foi en Jésus-Christ
Nous allons regarder quelques passages de l’Ancien Testament, mais aussi du Nouveau Testament, afin de mieux cerner notre thème, qui a trait à la question tant de fois posée de la liberté de l’homme vis-à-vis de Dieu. On pourrait poser cette question de la façon suivante : Si Dieu est tout-puissant et qu’il détermine le cours des événements et des destinées individuelles et collectives, peut-on parler de liberté humaine véritable? Si Dieu décide, puis-je encore décider? La volonté de Dieu n’exclut-elle pas celle de l’homme? Comment imaginer que Dieu et l’homme puissent agir ensemble? Leurs actions se contrediront toujours mutuellement. Ou bien nous faut-il imaginer un Dieu passif, éloigné, impuissant ou indifférent, et dans ce cas seulement, l’homme peut encore avoir sa place dans le monde comme créature libre, déterminant le cours de sa destinée?
Mais dans un tel cas, il nous faudra envisager un dieu déchu de ses prérogatives divines, amputé de tout ce qui fait qu’on l’appelle Dieu. Comme beaucoup le pensent ou le disent haut et fort, un tel dieu n’a sa place dans leur vie que pour combler les vides de leurs théories sur l’origine et l’organisation de l’univers. C’est le dieu des philosophes déistes, de tous ceux qui ont du mal à concevoir le monde sans un être suprême. Son but est de leur permettre de trouver une explication à tout ce qu’ils ne parviennent pas à expliquer autrement. Mais il n’est pas question d’avoir une relation personnelle avec ce dieu-là, on ne peut ni le prier ni s’attendre à être exaucé. Il n’y a rien à craindre ou à espérer de sa part.
Si au contraire on veut parler de Dieu comme étant souverain et tout-puissant, on peut tomber dans l’autre excès : celui de penser que l’homme n’est qu’un robot, une simple machine obéissant mécaniquement aux ordres divins, sans exercer aucune responsabilité véritable. Une telle créature ne peut donc être tenue pour responsable de ses agissements. On entend parfois certains criminels dire devant la cour de justice qui les juge : « Ce n’est pas moi qui suis responsable, c’est Dieu qui m’a poussé à agir de la sorte. » À partir de là, naturellement, tout devient possible, les crimes les plus abominables peuvent être justifiés sous prétexte que Dieu l’a voulu.
1. La responsabilité de l’homme créé à l’image de Dieu⤒🔗
La Bible ne parle de Dieu ni de cette manière ni de la précédente. D’une part, le Dieu de la Bible n’est pas la simple projection de l’imagination des hommes en quête d’un être suprême, sans pourtant que cela implique aucune responsabilité ou obéissance de notre part vis-à-vis de lui. D’autre part, il n’est pas davantage ce tyran qu’on présente parfois, et qui ne laisse aucune liberté à ses créatures, ne faisant que les manipuler comme des machines.
La première indication de la relation entre Dieu et ses créatures se trouve dans le livre de la Genèse, au début de la Bible. Au chapitre premier, il est dit : « Dieu créa l’homme à son image : il le créa à l’image de Dieu, homme et femme il les créa » (Gn 1.27). Cette création de l’homme à l’image de Dieu exclut dès le début l’idée d’un robot impuissant ne disposant pas d’une volonté propre. De quelle image serions-nous les porteurs si nous n’étions que des machines impuissantes? Il nous faudrait alors dire que Dieu lui-même n’est qu’un robot ou une machine et que nous ne faisons que refléter ces caractéristiques en portant son image! Mais nous savons bien que la vie quotidienne de chacun de nous est marquée par des choix et des décisions de toutes sortes qui nous demandent de réfléchir, de nous informer, de mesurer les conséquences de nos décisions. Rien de mécanique dans tout cela.
Un second texte, toujours dans l’Ancien Testament, nous éclaire encore davantage sur la question de la liberté humaine et sur le plan de Dieu pour sa créature. Ce texte se trouve vers la fin du livre du Deutéronome, au chapitre 30. Le peuple d’Israël se trouve à l’orée de la terre promise et Dieu lui enjoint de vivre en communion avec lui, en suivant ses prescriptions et commandements. Le fait que Dieu donne un commandement clair à son peuple et lui enjoint d’obéir à ce commandement établit la responsabilité d’Israël. Notez bien que ce mot de « responsabilité » contient en lui le mot « réponse ». Être responsable devant Dieu, c’est lui répondre. C’est lui qui parle en premier lieu, et nous, qui sommes créés à son image, nous lui répondons ensuite, dans l’obéissance. Ce faisant, nous exerçons notre responsabilité. Le passage en question n’exclut pas que le peuple de Dieu désobéisse aux prescriptions et commandements et divins, mais il décrit clairement les conséquences d’une telle désobéissance.
« En effet, ce commandement que je te prescris aujourd’hui n’est certainement pas au-dessus de tes forces ni hors de ta portée. Il n’est pas dans le ciel pour que tu dises : Qui montera pour nous au ciel, nous l’apportera et nous le fera entendre, afin que nous le mettions en pratique? Il n’est pas de l’autre côté de la mer, pour que tu dises : Qui passera pour nous de l’autre côté de la mer, nous l’apportera et nous le fera entendre, afin que nous le mettions en pratique? Cette parole, au contraire, est tout près de toi, dans ta bouche et dans ton cœur, afin que tu la mettes en pratique. Vois, je mets aujourd’hui devant toi la vie et le bien, la mort et le mal. Car je te commande aujourd’hui d’aimer l’Éternel, ton Dieu, de marcher dans ses voies et d’observer ses commandements, ses prescriptions et ses ordonnances, afin que tu vives et que tu multiplies, et que l’Éternel, ton Dieu, te bénisse dans le pays où tu vas entrer pour en prendre possession. Mais si ton cœur se détourne, si tu n’obéis pas et si tu es poussé à te prosterner devant d’autres dieux et à leur rendre un culte, je vous annonce aujourd’hui que vous périrez, que vous ne prolongerez pas vos jours dans le territoire où tu vas entrer pour en prendre possession, après avoir passé le Jourdain. J’en prends aujourd’hui à témoin contre vous le ciel et la terre; j’ai mis devant toi la vie et la mort, la bénédiction et la malédiction. Choisis la vie, afin que tu vives, toi et ta descendance, pour aimer l’Éternel ton Dieu, pour obéir à sa voix et pour t’attacher à lui; c’est lui qui est ta vie et qui prolongera tes jours, pour que tu habites le territoire que l’Éternel a juré de donner à tes pères, Abraham, Isaac et Jacob » (Dt 30.11-20).
Le début de ce passage nous montre bien la proximité de Dieu avec son peuple, puisqu’il lui donne sa parole et la rend tout à fait accessible. Nul ne pourra dire qu’il ne sait pas ce que Dieu veut de lui. Cette proximité illustre le fait que l’homme a été créé à l’image de Dieu. Porteur de cette image, il reçoit et comprend la parole de son Créateur. Sa désobéissance n’est pas due au fait qu’il n’a pas bien saisi ce que lui enjoignait Dieu ou qu’il a été tenu dans l’ignorance, mais seulement à sa propre rébellion.
2. Dieu place l’homme devant un choix←⤒🔗
Ensuite, il est clair d’après notre texte que Dieu place l’homme devant un choix : celui de l’obéissance ou de la désobéissance. Dieu, le Créateur qui amorce un dialogue de Père à enfants avec ses créatures, exige l’obéissance à sa volonté. Il décrit les conséquences de la désobéissance : c’est, tout simplement, la mort. Le même avertissement se trouve au début de la création de l’homme, tel qu’elle nous est décrite au chapitre deux du livre de la Genèse :
« L’Éternel Dieu prit l’homme et le plaça dans le jardin d’Éden pour le cultiver et le garder. L’Éternel Dieu donna ce commandement à l’homme : Tu pourras manger de tous les arbres du jardin; mais tu ne mangeras pas de l’arbre de la connaissance du bien et du mal, car le jour où tu en mangeras, tu mourras » (Gn 2.15-17).
Dieu, donc, place son peuple en face d’un choix, celui du bien et du mal, de la vie et de la mort, mais il n’en reste pas là : il indique très clairement le bon choix!
« Choisis la vie, afin que tu vives, toi et ta descendance, pour aimer l’Éternel ton Dieu, pour obéir à sa voix et pour t’attacher à lui; c’est lui qui est ta vie et qui prolongera tes jours, pour que tu habites le territoire que l’Éternel a juré de donner à tes pères, Abraham, Isaac et Jacob » (Dt 30.19-20).
La liberté de l’homme, aux yeux de Dieu, ne se trouve jamais dans la désobéissance au commandement divin, mais dans une vie de communion avec lui, marquée par la confiance et l’obéissance. Ce rapport de Père à enfants qui portent son image ne sera brisé par l’homme qu’à son propre détriment.
Pour revenir sur l’idée de liberté telle qu’elle est généralement conçue par les hommes en rébellion contre Dieu, on peut dire qu’elle consiste bien en un choix opéré par l’homme, mais un tel choix n’amène avec lui que misère et aliénation, qui sont déjà la marque du jugement de Dieu sur sa créature rebelle. Car il est impossible d’échapper à son jugement. Celui-ci se manifeste de plusieurs manières. On peut aussi dire qu’il est provisoirement tempéré, car la patience de Dieu est encore à l’œuvre. Le jugement final sur toute créature doit encore être prononcé et exécuté. Pour ceux qui connaissent la volonté de Dieu, il n’y a pas de doute sur la sentence qui attend son exécution, mais c’est maintenant le temps de l’appel à la repentance, à la conversion, au retour au bercail des enfants aliénés de l’amour paternel par leur propre volonté.
Nous voyons de cette manière comment la Bible envisage la liberté des hommes face à Dieu : il n’est question ni d’un dieu éloigné et impersonnel, qui ne mettrait pas sa créature face à sa parole et à sa loi, ni d’un dieu qui présenterait sa parole et sa loi à son peuple, mais en rendrait l’obéissance facile et automatique, sans aucun exercice de la responsabilité de ce peuple. Au contraire, ce que nous voyons, c’est que l’homme créé à l’image de Dieu est appelé à lui répondre en recherchant une vie de communion avec son Créateur. C’est en effet ce qu’exige de lui l’image de Dieu dont il est le porteur. Se priver de cette communion en désobéissant, c’est tout simplement travailler à effacer l’image de Dieu que nous portons, et cela ne peut avoir pour conséquence que notre mort. C’est comme si, en détruisant l’image de Dieu en nous, nous nous détruisions nous-mêmes.
3. La souveraineté de Dieu nous appelle à la repentance←⤒🔗
Il nous faut encore pénétrer plus loin le sens de la révélation biblique sur la nature de nos rapports avec ce Dieu tout-puissant qui nous appelle à devenir ses enfants. Il est tout-puissant, et le fait que ses créatures puissent volontairement lui désobéir et choisir la mort plutôt que la vie n’enlève rien à ses prérogatives divines. Nous avons vu que le jugement divin sur la méchanceté humaine n’est pas annulé, quoi qu’en pensent ceux qui croient pouvoir agir impunément en transgressant les commandements divins. Le prophète Ésaïe, dans l’Ancien Testament, l’affirme on ne peut plus clairement :
« Malheur à ceux qui se cachent de l’Éternel pour cacher leur projet, leurs œuvres se font dans les ténèbres, et ils disent : Qui nous voit et qui nous connaît? Quelle perversité est la vôtre! Le potier doit-il être considéré comme de l’argile, pour que l’ouvrage dise de l’ouvrier : Il ne m’a pas fait? Pour que le pot dise au potier : il n’a pas d’intelligence? » (És 29.15-16).
C’est clair, le potier, c’est Dieu, et l’argile, ou l’ouvrage du potier, ce sont les humains. Le potier sait parfaitement ce que vaut l’argile. La souveraineté de Dieu est encore affirmée dans le passage suivant, toujours tiré du livre du prophète Ésaïe :
« Malheur à qui conteste avec celui qui l’a façonné! Vase parmi les vases de terre! L’argile dit-elle à celui qui la façonne : Que fais-tu? Et ton œuvre ne vaut rien? Malheur à qui dit à un père : Pourquoi engendres-tu? Et à une femme : Pourquoi enfantes-tu? Ainsi parle l’Éternel, le Saint d’Israël, celui qui l’a façonné : Veut-on me questionner sur l’avenir, me donner des ordres sur mes fils et sur l’œuvre de mes mains? C’est moi qui ai fait la terre et qui sur elle ai créé l’homme; c’est moi, ce sont mes mains qui ont déployé les cieux, et c’est moi qui commande toute leur armée » (És 45.9-12).
Ici, le prophète nous affirme que Dieu revendique son statut de potier, de Créateur, tandis que le vase ne le reconnaît pas comme tel. Mais il y a en même temps dans ce passage un appel pressant à la conversion, à la repentance. Ce n’est pas comme si le potier renversait la situation sans en appeler à la créature en qui il a mis sa propre image. Au contraire, il s’adresse à elle avec passion. Un tel passage est en fait un cri divin pour la reconnaissance de la souveraineté de Dieu. Un peu plus loin au cours du même chapitre, ce cri éclate dans toute sa force, adressé non seulement au peuple rebelle, qui se tourne si volontiers vers des idoles faites de bois ou de pierre, mais bien à toutes les nations :
« Tournez-vous vers moi, et soyez sauvés, vous, tous les confins de la terre! Car je suis Dieu, et il n’y en a point d’autre. Je le jure par moi-même, de ma bouche sort ce qui est juste, une parole qui ne sera pas révoquée : tout genou fléchira devant moi, toute langue prêtera serment par moi. En l’Éternel seul, dira-t-on, résident pour moi les actes de justice et la force; à lui viendront, honteux, tous ceux qui étaient en rage contre lui. Par l’Éternel seront justifiés et se glorifieront tous les descendants d’Israël » (És 45.22-25).
Comment lire un tel texte et prétendre que le Dieu de la Bible abdique sa souveraineté? Il l’affirme au contraire sans équivoque, mais il le fait dans un appel qui prend au sérieux ceux auxquels il est adressé. Comment prétendre que le Dieu de la Bible ne parle pas un langage accessible aux humains, qu’il ne cherche pas à se faire comprendre, mais nous manipule comme des cailloux sans vie? Non, ni l’un ni l’autre n’est vrai. Ce qui est vrai c’est que la voix du prophète nous fait entendre celle de Dieu dans un langage destiné à pénétrer le cœur de son peuple et à y apporter un changement radical, une conversion et un retour à Dieu dans une communion restaurée entre le potier et le vase d’argile.
Mais dans le passage suivant du livre d’Ésaïe, au chapitre 64, c’est au tour du vase d’argile d’invoquer le potier et de le supplier d’avoir pitié de son ouvrage. L’obstination d’Israël, sa désobéissance continuelle aux commandements divins a eu pour conséquence l’accomplissement des menaces proférées à son encontre par l’intermédiaire du prophète. Voici Israël en exil, soumis à de puissantes nations étrangères, en proie à l’humiliation. L’heure du retour à Dieu a sonné pour le vase d’argile qui se croyait autonome et prétendait maintenir une relation vivante avec Dieu tout en violant sa loi sainte :
« Cependant, Éternel, tu es notre Père; nous sommes l’argile et c’est toi notre potier, nous sommes tous l’ouvrage de tes mains. Ne te mets pas dans une indignation extrême, ô Éternel, et ne te souviens pas à toujours de la faute; regarde donc, nous sommes tous ton peuple, tes villes saintes sont devenues un désert, Jérusalem une désolation. Notre temple saint et splendide, où nos pères célébraient tes louanges, est devenu la proie des flammes; tout ce que nous avions de précieux a été ruiné. Devant tout cela, Éternel, te contiendras-tu? Est-ce que tu te tairas et nous humilieras à l’excès? » (És 64.7-11).
La parole de Dieu s’est réalisée, et au-delà de la mise à exécution de la menace proférée tant de fois par le Dieu souverain, nous sommes frappés par la faculté de Dieu d’atteindre le cœur de son peuple rebelle. Voilà ce dernier retourné vers lui, soumis, enfin prêt à répondre positivement à l’appel divin. Il a d’abord choisi le mal et la mort, contre l’ordre de son Créateur, et a subi les conséquences mortelles inévitables de son propre choix. Mais la souveraineté de Dieu se manifeste par un acte de grâce inexprimable, par le fait que Dieu le rappelle à la vie en le rappelant d’exil. Le retour de Juda sur sa terre ancestrale, après soixante-dix ans d’exil, ne pouvait être compris par la communauté juive que comme l’acte gracieux et souverain du Dieu qui accomplit sa parole.
4. La souveraineté de Dieu nous fait la grâce de nous restaurer←⤒🔗
Deux autres passages de l’Ancien Testament, tirés des livres du prophète Jérémie et du prophète Ézéchiel, nous éclairent encore davantage sur la manière d’agir de Dieu vis-à-vis de son peuple. Au chapitre 31 du livre de Jérémie, Dieu lui-même dit mettre sa loi dans le cœur de ses enfants :
« Mais voici l’alliance que je conclurai avec la maison d’Israël, après ces jours-là, oracle de l’Éternel : je mettrai ma loi au-dedans d’eux, je l’écrirai sur leur cœur; je serai leur Dieu et ils seront mon peuple. Celui-ci n’enseignera plus son prochain, ni celui-là son frère en disant : Connaissez l’Éternel! Car tous me connaîtront, depuis le plus petit d’entre eux jusqu’au plus grand, oracle de l’Éternel; car je pardonnerai leur faute et je ne me souviendrai plus de leur péché » (Jr 31.33-34).
Le mot « alliance », ici prononcé, établit la nature de la relation restaurée entre Dieu et Israël : c’est dans le pardon de Dieu qu’une vraie connaissance de sa personne devient possible. Il prend l’initiative de pardonner, d’écrire sa loi dans le cœur de son peuple, et une vraie connaissance de son nom s’ensuit. Cela signifie-t-il que le vase d’argile est manipulé mécaniquement de manière à répondre désormais à la voix de son potier? Non, bien sûr. Car les fruits portés par le peuple de la nouvelle alliance telle qu’elle nous est ici décrite sont des fruits de justice, de paix, d’amour qui n’ont rien à voir avec une réponse mécanique. Au contraire, l’humanité retrouve le sens plein et entier de son existence dans cette relation restaurée. Dieu fait de nous des créatures nouvelles, dans lesquelles son image reluit comme jamais auparavant.
Le passage parallèle qu’on trouve au chapitre 36 du livre d’Ézéchiel ne dit pas autre chose :
« Je vous retirerai d’entre les nations, je vous rassemblerai de tous les pays et je vous ramènerai sur votre territoire. Je ferai sur vous l’aspersion d’une eau pure, et vous serez purifiés; je vous purifierai de toutes vos souillures et de toutes vos idoles. Je vous donnerai un cœur nouveau et je mettrai en vous un esprit nouveau; j’ôterai de votre chair le cœur de pierre et je vous donnerai un cœur de chair. Je mettrai mon Esprit en vous et je ferai que vous suiviez mes prescriptions et pratiquiez mes ordonnances » (Éz 36.24-27).
Notez en particulier le contraste entre le cœur de pierre et le cœur de chair. Dieu transforme en véritable humanité la déshumanisation intervenue dans la vie de son peuple qui désobéit à sa loi : cette déshumanisation est exprimée au moyen de l’image du cœur de pierre. Voilà bien, pour la Bible, le fruit de la fausse liberté qui se moque de la parole de Dieu. L’homme devient dur, mécanique, insensible, tout sauf une créature porteuse de l’image de Dieu. En contraste, le cœur de chair symbolise l’humanité restaurée par son Esprit. La vie nouvelle est caractérisée par l’obéissance aux prescriptions de Dieu, elle est restaurée moralement, elle est porteuse de paix, elle exprime dans la joie toutes les facultés dont le Créateur l’a douée.
Ainsi s’exprime la souveraineté de Dieu : dans une alliance de grâce qui initie et suscite une humanité nouvelle. Les hommes ne sauraient être transformés par eux-mêmes, ils ne sauraient revenir de leurs mauvaises voies par leurs propres forces, car sans l’initiative du potier divin, l’argile ne peut d’elle-même trouver la forme du vase idéal.
5. Par sa grâce souveraine, Dieu rend la liberté à qui il veut←⤒🔗
Qui, de l’homme ou de Dieu, est le maître? Et si Dieu est le maître, peut-on dire que l’homme est encore libre? Qui est responsable de ce qui arrive dans notre vie, l’homme ou Dieu? Et si Dieu contrôle le cours de l’univers, l’homme détient-il encore une responsabilité quelconque? La volonté de Dieu n’exclut-elle pas la mienne? Voilà toutes les questions que nous nous sommes posées jusqu’à maintenant, questions difficiles, et à vrai dire insolubles à moins que nous ne nous mettions à l’écoute de Dieu dans sa Parole. Car ce que nous lisons dans la Bible nous révèle bien autre chose que l’option stérile que le monde nous propose.
Pour les incroyants, en effet, Dieu ne peut pas exister, ou bien alors il est impuissant, puisque l’homme semble pouvoir lui résister. À moins qu’il ne soit tout simplement si éloigné de notre propre existence, si indifférent à notre vie, que son existence à lui n’a vraiment pas d’importance pour nous, si ce n’est peut-être pour rendre compte de certains aspects de l’univers, difficiles à expliquer autrement. L’autre terme de l’alternative stérile qui nous occupe, consiste à dire que Dieu est bien tout-puissant, mais alors que nous, les humains, ne sommes que des zombis, des créatures de l’ombre ou de simples robots effectuant mécaniquement ce qu’il décide de nous faire faire. Pourtant, ni l’un ni l’autre des termes de cette alternative ne sont satisfaisants.
Le message biblique nous offre quant à lui une perspective non pas stérile, excluant soit Dieu soit l’homme, mais au contraire inclusive : la liberté humaine trouve son accomplissement lorsque l’homme devient partie intégrante de l’alliance avec Dieu, alliance marquée par ses actes rédempteurs vis-à-vis de son peuple. Par son Esprit, Dieu inscrit sa loi dans le cœur des hommes, comme nous l’avons déjà vu : « Je mettrai ma loi au-dedans d’eux, je l’écrirai sur leur cœur; je serai leur Dieu et ils seront mon peuple » (Jr 31.33). C’est donc par une initiative souveraine de Dieu, par un acte de pure grâce, que l’homme retrouve sa liberté d’enfant de Dieu, restauré dans la communion avec son Créateur. Il est désormais en mesure de choisir la vie lorsque le choix entre la vie et la mort, entre le bien et le mal, lui est proposé.
Pour l’humanité restaurée dans l’alliance avec Dieu, la vie dans l’alliance est désormais marquée par l’obéissance à la loi de Dieu, inscrite dans le cœur des hommes. Ce n’est pas pour rien que nous lisons par deux fois, dans la lettre de Jacques, dans le Nouveau Testament, qu’il s’agit d’une loi de liberté. Jacques énonce ce qui suit :
« Celui qui a plongé les regards dans la loi parfaite, la loi de liberté, et qui persévère, non pas en l’écoutant pour l’oublier, mais en la pratiquant activement, celui-là sera heureux dans son action même » (Jc 1.25).
Un peu plus loin, nous lisons également :
« Parlez et agissez en hommes qui doivent être jugés selon une loi de liberté, car le jugement est sans miséricorde pour qui n’a pas fait miséricorde. La miséricorde triomphe du jugement » (Jc 2.12-13).
L’obéissance à la loi parfaite, à la loi de liberté, est devenue la marque de la vie nouvelle dans l’alliance de Dieu. Dieu a libéré sa créature en lui faisant miséricorde. Au cœur de pierre des hommes éloignés de lui, même quand ils prétendent le servir, il a substitué un cœur de chair, comme en témoigne l’appel de Jacques à exercer la miséricorde.
Résumons donc ce que nous voulons dire : Pour la Bible, la véritable liberté de l’homme n’est atteinte qu’avec l’intégration de celui-ci dans l’alliance de grâce initiée par Dieu, et qui se traduit par une vie de communion avec le Créateur, dans l’obéissance à sa loi.
6. La libération par la foi en Jésus-Christ←⤒🔗
Puisque nous en sommes au Nouveau Testament, examinons ensemble d’autres textes qui nous éclairent sur la véritable liberté de l’homme face au Dieu souverain.
Tout d’abord, nous devons insister sur le fait que parler de liberté, dans le cas de l’homme aliéné de Dieu, prisonnier de lui-même et de ses mauvais désirs, n’a de sens que si on parle de libération. Une libération doit d’abord intervenir avant que la liberté puisse être exercée. Cette libération ne peut être le fait de ceux qui sont prisonniers et incapables d’obtenir la délivrance par eux-mêmes, mais plutôt de celui qui les délivre. La souveraineté de Dieu se manifeste en ce qu’il entreprend lui-même, une fois de plus, cette libération : il vient lui-même vers les hommes, en la personne de son Fils éternel Jésus Christ, comme Médiateur de la nouvelle alliance. Seule l’œuvre de Jésus-Christ lors de son ministère terrestre, son sacrifice en expiation pour que la dette des hommes vis-à-vis de Dieu soit payée, permettent à la nouvelle alliance telle que nous l’avons décrite d’entrer en vigueur. Christ, le Médiateur de l’alliance, appelle alors tous les hommes à y entrer. Il les appelle à avoir part à ce que l’apôtre Paul appelle, dans sa lettre aux chrétiens de Rome « la liberté glorieuse des enfants de Dieu » (Rm 8.21).
Pourtant, si tous sont appelés, peu sont élus, comme le dit sans ambiguïté Jésus-Christ lui-même (Mt 22.14). Ici encore se manifeste la souveraineté de Dieu, le potier qui façonne l’argile, et nous devons bien faire attention ici à l’enseignement de l’Écriture sainte. La foi en Jésus-Christ, Médiateur de l’alliance, est le lien par lequel nous entrons dans cette alliance avec Dieu. Or cette foi ne provient pas de nous-mêmes, mais de Dieu, comme nous le lisons dans la lettre de Paul aux Éphésiens : « C’est par la grâce en effet que vous êtes sauvés, par le moyen de la foi. Et cela ne vient pas de vous, c’est le don de Dieu » (Ép 2.8). La foi la plus forte, la plus assurée, la plus riche en fruits et en obéissance est toujours celle de ceux qui savent, au plus profond, que c’est Dieu qui en est l’auteur, et que par eux-mêmes ils ne sauraient croire aux promesses divines ou entrer dans l’alliance de grâce.
On peut décrire une telle foi comme l’acte de Dieu par lequel il scelle ses promesses et sa Parole dans le cœur de ceux qu’il appelle à lui. Une telle foi ne cesse de répondre ensuite à la grâce divine avec un cœur reconnaissant; les fruits que la foi véritable porte sont alors des œuvres d’obéissance à la loi parfaite de Dieu. Souvenons-nous aussi des paroles de Jésus-Christ dans l’Évangile de Jean, au chapitre 6 : « Nul ne peut venir à moi si le Père qui m’a envoyé ne l’attire » (Jn 6.44). Alors, quelle est la logique de l’appel à croire? Qui peut croire? Jésus-Christ a dit un peu auparavant à ceux qui le questionnent : « Tout ce que le Père me donne viendra à moi, et je ne jetterai point dehors celui qui vient à moi » (Jn 6.37). L’appel est là, et ceux qui l’ont entendu ne peuvent pas dire qu’ils ne savaient pas, qu’ils sont restés dans l’ignorance. Car ils sont appelés à exercer leur responsabilité, c’est-à-dire, comme nous l’avons vu, à répondre positivement à cet appel.
Pour paraphraser le passage de Deutéronome chapitre 30, on ne peut pas dire que l’Évangile est dans le ciel pour qu’on dise : « Qui montera pour nous au ciel, nous l’apportera et nous le fera entendre, afin que nous le mettions en pratique? » Non, une fois entendu, l’Évangile est clair et simple. L’apôtre Paul le résume parfaitement au chapitre 10 de sa lettre aux chrétiens de Rome :
« Si tu confesses de ta bouche le Seigneur Jésus, et si tu crois dans ton cœur que Dieu l’a ressuscité d’entre les morts, tu seras sauvé. Car en croyant du cœur on parvient à la justice, et en confessant de la bouche on parvient au salut, selon ce que dit l’Écriture : Quiconque croit en lui ne sera pas confus. Il n’y a pas de différence, en effet, entre le Juif et le Grec : ils ont tous le même Seigneur, qui est riche pour tous ceux qui l’invoquent. Car quiconque invoque le Seigneur sera sauvé » (Rm 10.9-13).
Voilà, l’Évangile que nous vous annonçons et auquel je vous invite à croire de tout votre cœur, car il vous apporte la vie et la liberté que Christ a obtenue pour nous! Aucun de ceux qui ont entendu cet appel ne peut dorénavant s’excuser et l’oublier ou le rejeter, car ce faisant, il ou elle choisirait la mort. Tel est le message de la Bible, parole de Dieu : croyez, car Dieu vous offre une communion avec lui dans son alliance de grâce. Beaucoup sont appelés, mais dans sa souveraineté, Dieu est libre d’accorder à qui il veut le don de la foi.
Et nous le voyons bien tous les jours, puisque tant d’hommes et de femmes choisissent quotidiennement de rejeter le don gratuit de Dieu. Ceux qui refusent d’exercer leur responsabilité en répondant positivement à l’appel de Dieu seront-ils tenus pour innocents? Pourront-ils dire : je n’étais pas libre de croire en la vérité des promesses de Dieu en Jésus-Christ? Accepter la grâce, le pardon et la miséricorde divins était pour moi trop difficile? L’Évangile était trop compliqué pour ma petite intelligence? Non, aucune excuse ne prévaudra au jour du jugement. Alors, comprenons bien comment se manifeste le don de la foi par le Dieu souverain, qui l’accorde à qui il veut sans pour autant que ceux qui rejettent Jésus-Christ soient tenus pour innocents ou irresponsables.
Et pour bien le comprendre, concluons par la lecture d’une partie du chapitre 9 de la lettre de Paul aux chrétiens de Rome, où Paul utilise ici l’image du potier et de l’argile. Lui qui appelle tous ses lecteurs à croire, et qui n’a eu de cesse de prêcher l’Évangile partout où Dieu l’a envoyé, afin que le plus grand nombre accède au salut, qu’ils soient Juifs ou païens, parle ici du Dieu souverain. Dieu n’abdique aucune de ses prérogatives divines, et sa volonté s’exerce sans être contrée par qui que ce soit. Ces paroles doivent nous être réconfortantes, à nous qui avons cru, car elles nous assurent que notre foi n’est pas un simple mouvement de notre cœur, instable et fragile, mais au contraire qu’elle est ancrée dans l’acte souverain et irrévocable du Dieu tout-puissant :
« Que dirons-nous donc? Y a-t-il en Dieu de l’injustice? Certes non! Car il dit à Moïse : Je ferai miséricorde à qui je ferai miséricorde, et j’aurai compassion de qui j’aurai compassion. Ainsi donc, cela ne dépend ni de celui qui veut, ni de celui qui court, mais de Dieu qui fait miséricorde. Car l’Écriture dit à Pharaon : Je t’ai suscité tout exprès pour montrer en toi ma puissance et pour que mon nom soit publié par toute la terre. Ainsi, il fait miséricorde à qui il veut, et il endurcit qui il veut. Tu me diras donc : Qu’a-t-il encore à blâmer? Car qui résiste à sa volonté? Toi plutôt, qui es-tu pour discuter avec Dieu? Le vase modelé dira-t-il au modeleur : Pourquoi m’as-tu fait ainsi? Le potier n’est-il pas maître de l’argile, pour faire avec la même pâte un vase destiné à l’honneur et un vase destiné au mépris? Et si Dieu, voulant montrer sa colère et faire connaître sa puissance, a supporté avec une grande patience des vases de colère formés pour la perdition? Et s’il a voulu faire connaître la richesse de sa gloire à des vases de miséricorde qu’il a d’avance préparés pour sa gloire? C’est-à-dire qu’il nous a appelés, non seulement d’entre les Juifs, mais encore d’entre les païens, comme il le dit dans le prophète Osée : Celui qui n’était pas mon peuple, je l’appellerai mon peuple, et celle qui n’était pas la bien-aimée, je l’appellerai bien-aimée; et là même où on leur disait : vous n’êtes pas mon peuple! Ils seront appelés fils du Dieu vivant » (Rm 9.14-26).