Cet article sur la Confession des Pays-Bas (article 32) a pour sujet l'utilité, les limites et les bienfaits d'un ordre ecclésiastique pour régir le gouvernement de l'Église

Source: La raison de notre espérance. 5 pages.

L’utilité et les limites d’un ordre ecclésiastique

L’ordre et la discipline de l’Église

« Bien qu’il soit utile et bon pour les dirigeants des Églises d’établir entre eux un certain ordre pour le maintien du corps de l’Église, nous croyons cependant qu’ils doivent faire attention à ne pas dévier de ce que Christ, notre seul Maître, nous a ordonné. C’est pourquoi nous rejetons toutes les inventions humaines et toutes les lois que l’on voudrait introduire pour servir Dieu et qui lieraient et contraindraient les consciences de quelque manière que ce soit. Nous acceptons donc seulement ce qui permet de préserver et de promouvoir l’harmonie et l’unité, et de garder tout dans l’obéissance à Dieu. À cette fin, il est nécessaire que l’excommunication, avec tout ce qui s’y rattache, soit exercée selon la Parole de Dieu. »

Confession de foi des Pays-Bas, article 32

  1. L’utilité d’un ordre ecclésiastique
  2. Les limites d’un ordre ecclésiastique
  3. Les bienfaits d’un ordre ecclésiastique

Devrions-nous établir des règles dans l’Église pour gouverner sa vie et son organisation? Dans l’histoire de l’Église, diverses réponses ont été données à cette question. À l’époque de la Réformation, deux tendances extrêmes se sont opposées l’une à l’autre. D’une part, les catholiques romains avaient décrété au fil des siècles une énorme quantité de lois et de règlements codifiés dans ce qu’ils appellent le droit canon. Les membres du clergé exerçaient ainsi une autorité tyrannique et abusive sur le reste du peuple. D’autre part, les anabaptistes, en réaction à cette tyrannie, sont allés à l’autre extrême. Ils se sont opposés à toute règle et pensaient que l’Église devait demeurer sous la libre direction du Saint-Esprit. Chacun dans l’Église faisait ce qui lui semblait bon, ce qui a parfois conduit à l’anarchie; des leaders charismatiques, se prétendant appelés directement par Dieu, en ont profité pour exercer à leur tour une autorité tyrannique et abusive.

Ces deux tendances opposées (trop de règles ou pas de règles) se sont manifestées de diverses façons dans l’histoire et existent encore à divers degrés aujourd’hui. Les réformateurs ont réfléchi à cette question à la lumière des Écritures et ont opté pour une voie médiane, plus équilibrée. Nous croyons que nous avons besoin dans l’Église d’un ordre défini avec des règles précises; en même temps, cet ordre et ces règles doivent être très limités. Nous sommes ainsi appelés à préserver aussi bien la paix et l’harmonie que la liberté chrétienne.

1. L’utilité d’un ordre ecclésiastique🔗

L’article 32 de la Confession de foi des Pays-Bas affirme tout d’abord qu’il est utile et bon d’avoir des règles dans l’Église, avec toutefois la mise en garde suivante :

« Bien qu’il soit utile et bon pour les dirigeants des Églises d’établir entre eux un certain ordre pour le maintien du corps de l’Église, nous croyons cependant qu’ils doivent faire attention à ne pas dévier de ce que Christ, notre seul Maître, nous a ordonné » (art. 32).

Les règles que nous pouvons établir dans l’Église ne doivent jamais contredire la Parole de Dieu, car Jésus-Christ est notre seul Maître et c’est par sa Parole et par son Esprit qu’il conduit son peuple. Cependant, il y a bien des détails de la vie en Église que le Seigneur n’a pas prescrits dans sa Parole, par exemple à quelle heure se rassembler pour le culte, comment élaborer un recueil de chants, quelle liturgie utiliser pour l’administration des sacrements, comment procéder pour élire des anciens, de quelle manière tenir une réunion du conseil ou une assemblée générale, etc.

La Bible nous dit que l’Église est un corps composé de plusieurs membres qui se rassemblent pour adorer Dieu, s’édifier ensemble et vivre en communion les uns avec les autres (Rm 12; 1 Co 12). Toute vie en société nécessite une structure et un minimum de règles pour permettre la vie en communauté et favoriser son épanouissement. Certains chrétiens s’imaginent que toute règle établie par l’Église serait nécessairement synonyme de perte de liberté et que cela imposerait des contraintes fâcheuses qui étoufferaient le Saint-Esprit. En réalité, lorsque nous refusons de nous soumettre à toute règle, c’est le chaos et l’anarchie qui s’installent rapidement et qui ne favorisent aucunement la vraie liberté.

À Corinthe, l’apôtre Paul a dû faire face à une situation particulièrement désordonnée dans l’Église. Quand les chrétiens de cette Église se réunissaient et qu’ils prophétisaient, qu’ils parlaient en langue ou célébraient indignement la sainte cène, chacun faisait ce qui lui semblait bon, ce qui perturbait beaucoup la vie en Église. Paul les a rappelés à l’ordre en leur disant : « que tout se fasse pour l’édification » (1 Co 14.26) et « que tout se fasse avec bienséance et avec ordre » (1 Co 14.40). La raison théologique de cette exhortation est la suivante : « Car Dieu n’est pas un Dieu de désordre, mais de paix » (1 Co 14.33). Il est remarquable que le contraire du désordre ne soit pas simplement l’ordre, mais également la paix. Il est donc tout à fait « utile et bon pour les dirigeants des Églises d’établir entre eux un certain ordre pour le maintien du corps de l’Église » (art. 32).

Le Seigneur Jésus a établi des pasteurs, des anciens et des diacres pour le bien et l’édification de son Église, sans toutefois prescrire dans le détail de quelle manière ces hommes doivent traiter de chacune des situations particulières qu’ils peuvent rencontrer dans l’Église. Ils ont l’autorité, en consultation avec les membres, d’établir des règles qui contribuent à l’édification de l’Église, et l’Église a la responsabilité de s’y soumettre.

Dans les Églises réformées, nous avons développé un ordre ecclésiastique qui régit certains aspects de la vie des Églises locales et les relations entre les Églises d’une même fédération. Cet ordre ecclésiastique est accepté d’un commun accord et adapté aux circonstances historiques particulières des Églises. Il contient des articles se rapportant aux fonctions officielles (expliquant comment les pasteurs, les anciens et les diacres sont nommés et quelles sont leurs fonctions principales), aux conseils d’Église (conseil local, conseil régional, synode), au culte d’adoration et à la discipline de l’Église.

En outre, les conseils d’anciens de chaque Église locale établissent aussi des règles de fonctionnement propres à la situation particulière de chaque Église. Ces règles ne sont pas toutes directement tirées de la Bible, mais ne doivent jamais contredire la Parole de Dieu.

2. Les limites d’un ordre ecclésiastique🔗

C’est pourquoi l’article 32 souligne ensuite les limites de toutes règles ecclésiastiques. Il est bon et utile d’avoir un ordre ecclésiastique, mais ceux qui gouvernent l’Église reçoivent cette mise en garde importante :

« Nous croyons cependant qu’ils doivent faire attention à ne pas dévier de ce que Christ, notre seul Maître, nous a ordonné. C’est pourquoi nous rejetons toutes les inventions humaines et toutes les lois que l’on voudrait introduire pour servir Dieu et qui lieraient et contraindraient les consciences de quelque manière que ce soit » (art. 32).

Le Seigneur Jésus lui-même a sévèrement réprimandé les dirigeants juifs qui enseignaient des doctrines humaines contraires à la Parole de Dieu et qui imposaient au peuple de lourds fardeaux.

« C’est en vain qu’ils me rendent un culte en enseignant des doctrines qui ne sont que préceptes humains » (Mt 15.9).
« Ils lient des fardeaux pesants et les mettent sur les épaules des hommes, mais eux-mêmes ne veulent pas les remuer du doigt » (Mt 23.4).

Paul a dû combattre ce même problème dans certaines Églises. À Colosses, des gens imposaient « des préceptes et des enseignements humains » (Col 2.22) qui liaient les consciences des membres de l’Église. Ce faisant, ils créaient une religion inventée par l’homme, « un culte volontaire » (Col 2.23) qui tirait son origine de la volonté de l’homme et non de la volonté de Dieu.

« Prenez garde que personne ne fasse de vous sa proie par la philosophie et par une vaine tromperie selon la tradition des hommes, selon les principes élémentaires du monde, et non selon Christ » (Col 2.8).

Paul a également exhorté les Galates à demeurer dans la liberté que le Christ nous a acquise : « C’est pour la liberté que Christ nous a libérés. Demeurez donc fermes et ne vous remettez pas de nouveau sous le joug de l’esclavage » (Ga 5.1).

L’avertissement qui nous est fait de ne pas dévier de ce que Christ nous a commandé s’applique tout autant aux règles écrites dans un ordre ecclésiastique qu’aux diverses décisions des assemblées ecclésiastiques. Par exemple, lorsqu’un synode impose aux Églises des doctrines ou des pratiques qui ne sont pas conformes à la Parole de Dieu, les Églises et les fidèles ne sont pas tenus d’y obéir, mais doivent les contester par les canaux légitimes normalement prévus à cet effet. Jésus-Christ n’a jamais donné une telle autorité à aucun homme ni à aucune assemblée ecclésiastique.

Pour justifier leur autorité, les papes et les conciles ont souvent cité Jean 16.13 où Jésus a fait cette promesse : « l’Esprit de vérité vous conduira dans toute la vérité ». Cette promesse a toutefois été spécifiquement donnée aux apôtres. Elle s’est accomplie par la révélation qu’ils nous ont transmise dans le Nouveau Testament, et non par les développements subséquents dans l’histoire de l’Église. Nous sommes tous tenus d’obéir à cette révélation parfaite. Toute décision ecclésiastique, même prise à l’unanimité, doit être testée à la lumière de la Bible. Les dirigeants de l’Église doivent donc s’assurer de ne pas s’éloigner de ce que Jésus-Christ nous a révélé dans sa Parole. Celle-ci contient tout ce dont nous avons besoin pour être sauvés et pour servir le Seigneur selon sa volonté.

3. Les bienfaits d’un ordre ecclésiastique🔗

À l’intérieur de ces limites, un ordre ecclésiastique et des règles qui respectent la Parole de Dieu procurent de grands bienfaits à l’Église.

« Nous acceptons donc seulement ce qui permet de préserver et de promouvoir l’harmonie et l’unité, et de garder tout dans l’obéissance à Dieu » (art. 32).

Le but d’un ordre ecclésiastique n’est pas de multiplier les règles ni d’imposer un fardeau sur les membres de l’Église, mais bien au contraire de préserver et promouvoir l’harmonie, la paix et l’unité et d’encourager chacun à vivre dans l’obéissance à Dieu. Ce n’est pas d’abord une question d’ordre, mais de paix, car notre Dieu est « un Dieu de paix » (1 Co 14.33).

La paix selon la Bible est beaucoup plus que le bon ordre ou l’absence de querelles. La paix signifie vivre en bonnes relations avec Dieu qui nous a réconciliés avec lui par le sacrifice de son Fils. La paix signifie aussi vivre en bonnes relations les uns avec les autres dans l’Église. Les règles ecclésiastiques doivent pouvoir encourager cette harmonie et cette paix dans l’Église. Un ordre ecclésiastique a régulièrement besoin d’être révisé, corrigé et amélioré en fonction des circonstances et en vue de promouvoir la paix et l’obéissance à Dieu dans l’Église.