Avec les bergers et les mages Message de Noël
Avec les bergers et les mages Message de Noël
Avec les bergers et les mages venus adorer l’enfant de Bethléem, j’ai choisi Jésus; avec le groupe de Galiléens, ses disciples de la première heure, avec les martyrs qui scellèrent de leur sang leur foi en lui, et avec l’Église qui depuis vingt siècles confesse son nom, j’ai opté pour Jésus-Christ, Fils de Dieu, Sauveur des hommes.
Et, à la suite de tous ceux qui m’ont précédé sur le sentier étroit, mais divinement illuminé de la foi, en ce jour de Noël, de même qu’à chacune des évocations de son nom, j’exulte; car il est le Maître de la vie et le Seigneur de l’univers. Je m’associe à ces voix chrétiennes qui s’élèvent de tous les coins de la terre, même les plus obscurs, comme une seule voix, et je lui rends hommage. Heureux Noël, amis chrétiens, chantons comme des enfants avec le chœur des enfants : « Jésus est né, venez bergers et mages, anges du ciel, portez-lui vos hommages; oui gloire aux cieux, paix en tous lieux. »
Ah, s’écriera-t-on, encore et à nouveau cette folie, ce scandale de Noël! L’intelligence humaine, sceptique ou blasée, secrètement torturée ou franchement incrédule, en est sans cesse heurtée.
Et pourtant je m’aperçois que même parmi les cyniques et les blasés, il y a ceux qui fêtent largement Noël. Certes, Noël est alors davantage occasion de ripailles que célébration religieuse. Il est devenu cette comédie que l’on joue chaque année à pareille époque, cette imposture que l’on se hâte de répéter année après année en s’affairant dans les supermarchés ou dans les boutiques d’épicerie fine et en sablant le champagne ou ses succédanés lors d’interminables repas. Qui plaindre le plus? Le paganisme naturel au cœur des soi-disant irréligieux ou bien l’infantilisme invétéré propre à tout fêtard? À moins que, chaque Noël, par mesure de précaution, on fête quelque chose… Qui sait si cela pourrait porter bonheur? Mais je m’interroge si l’esprit, lui, se contente de cette nourriture d’illusion. N’est-il pas tenaillé « au creux de l’estomac » par la soif d’absolu vacillant à chaque instant? Quelle comédie que celle-là, mes amis…
Quant à moi, je célébrerai Noël sachant que le sens en dépasse infiniment ces façons humaines et diverses de se divertir. Il y a vingt siècles, une longue nuit fut traversée d’un appel incroyable. Dieu interpellait d’humbles bergers auxquels était parvenu l’écho des chants célestes. Et dans le lointain Orient, il traçait la trajectoire de l’étoile qui devait guider les plus érudits des humains. Depuis, une flamme, celle de l’espérance vivante, inattendue et unique, ne cesse de s’allumer dans le cœur des gens, simples ou moins simples, qui clament leur faim de Dieu et de sa justice. Car l’enfant endormi dans ses langes dans la crèche d’une étable n’est autre que le Promis de Dieu, le Seigneur universel.
Et voici que ce même signe m’est donné encore aujourd’hui, comme il est donné aux milliards d’êtres humains qui peuplent la planète. On m’assure qu’ils sont plus de trois milliards à ne pas le connaître ni même se douter de l’existence du Dieu un et trois des cieux et de la terre.
Quelle autre raison aurais-je de célébrer Noël, si ce n’est ma foi inébranlable en ce signe? Oui, je célèbre Noël parce que j’ai la certitude que le choix que j’ai fait avec les bergers et les mages est un choix raisonnable et que l’acte de ma foi constitue le seul fondement de mon existence. Si vous me demandiez d’expliquer à votre raison mon choix qui vous paraît sans doute absurde, j’avoue que je risque de vous paraître maladroit. Non pas que j’oppose ma foi à votre « raison raisonnante », que je dédaigne celle-ci ou que, selon la vieille antinomie bien familière, j’aurais choisi de croire parce que c’est absurde!
À cet endroit, je fais une concession, la seule possible. Le mystère de la foi ne peut pénétrer les cœurs que par l’effet d’un autre mystère : celui de l’Esprit, dont l’étincelle seule peut faire jaillir la flamme de la foi dans l’intelligence la plus obtuse.
Je ne peux pas vous forcer à admettre que je suis dans la vérité en optant pour Jésus de Bethléem, le Sauveur supplicié du Calvaire, le Seigneur vivant du matin de Pâques. Je ne puis qu’invoquer l’Esprit afin qu’il veuille vous conduire, lors de ces fêtes, vers celui qui demeure au centre de tout ce qui existe et à qui nous appartenons, que nous le sachions ou pas, que nous le voulions ou non, dans la vie comme dans la mort. Si votre religion de Noël n’est que ripailles et divertissements, elle n’est rien d’autre ou de plus qu’un organe mort. Je vous conseille vivement de vous en défaire au plus tôt. Mieux vaut encore la franchise de celui qui dit : « Je suis athée, Dieu merci! » Car l’illusion entretenue à Noël, année après année, ne vous dévoilera pas votre destinée véritable. Ce ne sera qu’une triste comédie. Pire, elle sera la tragédie même dont l’acteur et la victime ne sont autres que votre propre personne. La folie et le scandale, ce n’est pas le mystère de Noël, mais votre propre irresponsabilité.
Mais la sagesse humaine, toujours heurtée, toujours ulcérée par le récit de Noël, crie encore à la folie et au scandale. Je pense par exemple à l’athéisme soi-disant scientifique, celui qui se vante de l’incroyance, ou encore à celui qui prend l’homme pour un dieu sans pourtant jamais se consoler de la perte du vrai. Ou encore à tous ces thuriféraires des « lendemains qui chantent », à tous ces « architectes du futur », à ces artisans d’utopies, qui ont laissé le sol de notre vingtième siècle jonché de millions de cadavres. Bref, à tous ces arrogants qui s’imaginent tenir l’avenir entre leurs mains.
Faut-il oublier de sitôt le Meilleur des mondes d’Aldous Huxley, qui faisait la description ironique de ce monde futur, un monde où le ridicule et l’abject se côtoient? On attend toujours la livraison de « l’homme nouveau », cet homme tant de fois prédit et programmé…
À travers les âges et sous la forme de mythes nous parviennent les trois rêves qui hantent depuis toujours l’humanité. Celui de Prométhée, qui déroba le feu aux dieux; nous l’avons presque réalisé en allumant le fourneau atomique, comme l’écrivait récemment un auteur. Celui d’Icare, s’envolant vers les étoiles; nous commençons à l’atteindre. Et, enfin, celui de la création de la vie, car actuellement, au moins dans un premier stade, nous assistons à la création d’une intelligence artificielle ainsi qu’aux manipulations génétiques les plus inquiétantes. Mais ces progrès techniques parviendront-ils à nous affranchir de toutes nos servitudes? Certainement pas, et ne cherchons pas la folie ailleurs que dans le scandale de la démesure humaine.
Mais cette folie et ce scandale, traquons-les aussi, outre dans nos rêves, dans l’ordinaire quotidien, aussi bien dans les faits divers les plus banals que dans les événements qui nous glacent d’effroi. Car le monde et la sagesse humaine ne s’égarent pas simplement dans les rêveries intellectuelles et les ténèbres de l’utopie. Le monde sombre, tête baissée, dans la barbarie la plus cruelle. À l’heure où je rédige ces lignes, je ne puis m’empêcher de songer à tant de pays où tant de chrétiens, mes frères, ne pourront peut-être pas chanter Noël ni entonner des louanges au Prince de la paix. Ils risquent la persécution, si ce n’est la mort…
Peut-être, me dis-je aussi, que vos propres problèmes vous empêchent de célébrer Noël. Que ce soit l’incompréhension ou l’hostilité, les assauts d’un mal qui cherche à dire le dernier mot, la douleur lancinante d’une blessure secrète ou encore les nuits blanches qui, même à Noël, n’en finissent pas de vous tourmenter et augurent des lendemains que vous n’osez pas affronter.
Voilà la folie profonde, le scandale douloureux de la vie concrète. Ne les cherchez pas dans le récit de la naissance du divin Enfant dont je tiens à vous entretenir aujourd’hui. Oui, au sein des tragédies les plus inhumaines, je voudrais encore vous parler du nouveau-né de Bethléem. Car il est infiniment plus que l’enfant qui naît « entre le bœuf et l’âne gris ». Il est la vie du monde, il est le seul espoir pour ces millions d’êtres pressés de toutes parts; pour ceux qui, au milieu de l’indifférence générale, sont broyés par les déferlements de la barbarie et n’ont aucune prise pour y échapper, ou encore pour ceux qui sombrent dans une religion bon marché ou succombent aux mensonges des marchands d’illusions.
L’enfant tout neuf de Bethléem est aussi l’Homme nouveau. Il apporte le sourire de Dieu et la transformation de l’univers. Il a été voulu de Dieu, celui d’Abraham, d’Isaac et de Jacob, celui qui à présent est le Dieu de Jésus-Christ, et non le Dieu des philosophes. Même pas le Dieu de cette religion dite monothéiste venant du Moyen-Orient et à laquelle, d’après certaines statistiques, de nombreux Français se seraient convertis depuis quelques années.
Ce n’est qu’en Jésus-Christ que je peux affirmer que Dieu est proche et qu’il est le fondement de tout être, la source de toute vie. Je n’en veux donc point d’autres. C’est pourquoi, avec les bergers et les mages, je m’empresse une fois encore, j’accours lui porter l’hommage de ma reconnaissance adoratrice. Et à présent, je laisse à Pierre Emmanuel, le poète chrétien, le soin de vous dire dans son « Évangéliaire » l’histoire de Jésus selon saint Luc.
Selon saint Luc
« Selon saint Luc son historien
Cette histoire est pleine de signes
Il voulut n’en omettre rien
Qui put la rendre plus insigne.
Il n’est de signes que pour ceux
Qui secrètement les accueillent
Dieu les gaspille sous nos yeux
Sans trouver âme qui en veuille.
Mais à l’heure de s’incarner
Il s’entoura de son mystère
Ses signes ne furent donnés
Qu’à quelques-uns que pour les taire.
Tous les complices du Saint-Esprit
Même ce grand bavard de prêtre
Que personne au fond ne comprit
Dieu naquit comme il voulait naître.
Et comme naît n’importe qui
Dans son incognito sublime
Il vint en lieu et temps requis
Parmi la cohue anonyme.
Cela sans doute est merveilleux
Comme est tout autre qu’ordinaire
La foi qui se connaît un Dieu
Dans l’enfant qui sort de sa mère.
Dans cet enfant qu’il faut laver
De l’odeur de sang et des eaux mères. »