Le jugement dernier
Le jugement dernier
- La révélation du jugement
- Jugements historiques et jugement dernier
- Les critères du jugement
- Les bienfaits de l’annonce du jugement
- Le châtiment éternel
1. La révélation du jugement⤒🔗
Le jugement dernier est l’acte final de la rédemption. Investi de sa pleine autorité et revêtu de sa splendeur, Jésus-Christ, le Fils de Dieu, reviendra sur terre en compagnie de ses fidèles — morts et ressuscités ou ceux qui se trouveront encore en vie — afin de faire comparaître en sa présence, en sa qualité de Seigneur universel, les vivants et les morts. Il récompensera les uns et il se séparera définitivement des autres.
Événement eschatologique, le jugement dernier sera un acte public et universel. L’autorité du Christ, sa victoire sur le péché, sur la mort et sur Satan éclateront aux yeux de tous; surtout aux yeux de ceux qui l’ont percé. Sa justice sera affirmée; les ténèbres spirituelles seront dispersées, son règne de Médiateur sera établi pour toujours de manière incontestable. Alors l’Église qu’il s’est acquise au prix de son sacrifice entrera enfin dans sa gloire et goûtera à la félicité éternelle.
Telle est la certitude que la révélation du jugement dernier confère à notre foi. À sa manière, cette doctrine biblique contribue à espérer contre toute espérance. À la lumière du jugement dernier, nous ne lirons pas l’histoire du monde comme si elle était une succession interminable d’événements absurdes, de cycles dépourvus de sens et de périodes revenant sans cesse à leur point de départ. Bien au contraire, vue sous l’angle du jugement dernier, l’histoire nous apparaîtra clairement comme une ligne droite menée par la main ferme de Dieu; elle tend vers l’avenir et elle court vers son accomplissement, celui que lui a fixé le dessein souverain et bienveillant de Dieu.
Le jour du jugement révélera que le salut et la félicité de tout homme dépendent de sa relation personnelle, dans la foi, avec Jésus-Christ, le Sauveur et le Seigneur. L’homme est par conséquent responsable de son existence historique, de ses choix et de ses décisions. C’est la raison pour laquelle il sera appelé à rendre compte de la manière dont il s’est conduit. Ainsi, le combat spirituel qu’il mène chaque jour prend une importance décisive. Il compte pour son sort éternel.
Le jour du jugement, la volonté sage, bonne et parfaite de Dieu sera accomplie sur terre comme elle l’est au ciel.
2. Jugements historiques et jugement dernier←⤒🔗
Certes, des jugements historiques partiels ont déjà été portés sur les actes humains. La chute originelle d’abord, mais également le premier fratricide, le déluge, la tour de Babel, l’exil d’Israël à Babylone. La mort individuelle de chaque personne est à son tour un jugement historique que Dieu exerce sur le péché.
Une certaine théologie ancienne représentait le jugement en termes et en images exclusivement négatifs. Elle parlait de « tourments dantesques »… De leur côté, l’art et la sculpture médiévale, avec leurs couleurs et leurs formes fantastiques, donnèrent une représentation terrifiante de cet acte final de l’histoire qu’est le jugement dernier.
La Réforme a réussi à en évaluer l’aspect positif. Le Catéchisme de Heidelberg en fait un motif de consolation pour le fidèle (questions et réponses 1 et 52). Les conceptions ou les interprétations modernes du jugement dernier remontent au siècle des Lumières. Dans cette pensée moderne, le jugement est réduit soit à une idée d’éducation progressive du genre humain, soit à un processus immanent, propre à la philosophie de Schiller, selon laquelle l’histoire du monde est le jugement du monde. Pour la quasi-totalité des écoles philosophiques modernes, cette interprétation du jugement est devenue axiomatique. La théologie dialectique, à sa manière, ramène le jugement aux actes de Dieu exercés actuellement, et ce faisant, elle en élimine presque la dimension eschatologique. Le jugement dernier est ainsi réduit à la crise que provoque la rencontre relationnelle de Dieu avec l’homme.
Nous ne récuserons pas ces idées comme telles, car il est certain qu’ici et maintenant Dieu exerce déjà des jugements. Nous pouvons constater, presque empiriquement, que des châtiments sont infligés aux iniques et que parfois la récompense est accordée au « juste ». Dans des événements extraordinaires tels que les guerres, les cataclysmes naturels et autres fléaux apparaît le juste jugement de Dieu. Pourtant, ces événements-là ne sont que des actes isolés et restreints de l’histoire. Comme tels, ils devraient déjà nous dissuader de représenter Dieu comme un être débonnaire, à la patience infinie, qui laisse faire et qui accepte que l’on bafoue sa justice, qu’on se moque de sa bonté et qu’on écrase impunément le faible. Or, la révélation biblique ne tolère pas qu’on n’attribue aucune idée d’impuissance à Dieu. Dieu est Dieu!
Une idée du jugement empruntée ailleurs qu’à la révélation voudrait que la prospérité des iniques soit le signe de la faveur de Dieu à leur égard. C’est une idée fausse qu’on se fait de la grâce générale de Dieu. Selon l’Écriture, la fonction de la grâce générale consiste à empêcher que le monde ne sombre dans la déchéance absolue. Elle n’est nullement une mesure favorable prise à l’encontre de l’inique et du rebelle endurci. Dès lors, il nous semble hasardeux d’affirmer péremptoirement que Dieu aime tout et tous, indistinctement! Sans entrer dans un débat concernant la doctrine biblique de la prédestination, qu’il suffise de souligner que l’élection souveraine de Dieu n’autorise personne à prononcer une ineptie aussi généreuse que celle qui soutient que Dieu aime tout le monde. Si l’on a bien saisi et le sens de l’élection et celui du jugement, on se gardera d’appâter avec une dangereuse légèreté les hommes en leur tendant la perche d’un amour de Dieu tout à fait hypothétique. Une authentique conversion s’opérera dans la repentance et avec la conviction que la source du salut se trouve toujours en la grâce souveraine de Dieu, ce qui suppose son élection souveraine. Mais il n’entre pas dans notre propos de préciser ici la manière dont l’Évangile doit être proclamé aux pécheurs. Signalons en passant la différence fondamentale qui existe entre la proclamation réformée de l’Évangile et une évangélisation de type arminien.
Le Dieu de la révélation biblique est amour, droiture et sainteté morale. Ce n’est que dans le climat moral de sa justice que respire et s’épanouit son amour. Dieu est non seulement juste, mais il est aussi la source de toute justice et de toute droiture.
Le jugement dernier ne sera pas un acte futur sans aucun lien avec le présent. Il n’est pas un événement isolé devant advenir seulement à la fin de l’histoire. Bien au contraire, dès à présent, il révèle que Dieu intervient dans les affaires du monde. Les temps derniers, inaugurés avec l’incarnation et l’ascension, s’étendront jusqu’à l’établissement final du Royaume et la restauration universelle (apocatastase). Notre foi actuelle discerne, même faiblement, la manière dont Dieu opère au cours des événements présents. Il agit en sa qualité de Juge. Entre la confession de sa transcendance et le cours parfois absurde, voire tragique, que suivent les événements, il n’y a aucune contradiction. Ses voies mystérieuses ne sont pas celles des hommes. Nous ne saisissons de ces actes, interventions ou intentions, que ce qui émerge, à peine, à la surface!
Aussi paradoxal, voire incroyable, que cela puisse nous sembler, la prospérité actuelle des hommes rebelles est le signe, qui ne trompe pas, de la réprobation que Dieu porte sur eux. Le Dieu juste et souverain les pousse sur une pente glissante, et à travers leur prospérité et en dépit d’elle, il les destine à leur ruine (Ps 94; Rm 1). La colère de Dieu se révèle contre toute iniquité qui tient sa vérité captive, sur celui qui, informé de ses saintes exigences, s’obstine à les refouler. Alors, Dieu l’abandonne à ses voies insensées. Il égare le pécheur dans les ténèbres que celui-ci aura délibérément choisies. Il le confond dans et par ses propres idolâtries.
Si l’heure du jugement n’est jamais sans rapport avec notre existence historique, ce n’est qu’au jour de la crise (jugement en grec) qu’elle se manifestera dans toute son ampleur et toute son intensité. Le Seigneur ne laissera rien de caché. Actuellement, la destinée finale de toute personne nous échappe. Mais ce jour-là la révélera pleinement. Ce sera un jour de réprobation, mais aussi l’heure de la récompense et de la louange. Le jugement final révélera les intentions les plus cachées de chaque acte et de chaque pensée.
Prenons toutefois garde à ne pas assimiler le jugement dernier à l’investigation que l’on mène dans les tribunaux humains. En vérité, il n’y a qu’un semblant d’analogie entre les deux. Car nous savons que le Juge du dernier jugement est omniscient, il connaît déjà tout. Il ne fera que manifester au grand jour ce dont il est au courant depuis le début et qu’il a enregistré en privé. Quand aura-t-il lieu? À la fin! Le jugement coïncidera avec le retour du Christ (Mt 13.40-43; 25.31-32; 2 Th 1.7-10; 2 Pi 3.7).
Selon Apocalypse 20, il suivra la résurrection des morts. Quant à la terminologie, jour ou heure du jugement, il ne s’agit pas, bien entendu, d’une durée mesurable par nos calendriers et nos horloges, car jour, dans le vocabulaire biblique, peut souvent désigner une période indéterminée.
À notre avis, il est plus important de nous occuper de la personne du Juge. Le Dieu trinitaire, le Créateur et le Législateur, est le Juge. Ses attributs et plus particulièrement son savoir, son pouvoir, sa justice et sa sainteté apparaîtront clairement au grand jour (Ps 50.6; Ec 12.14; Rm 2.3; 3.6; Hé 12.23; Jc 4.12; 1 Pi 1.17). Le Père a remis toute autorité au Fils. C’est Christ qui est le Juge que nous attendons. Son autorité déjà effective se manifestera quand il exercera la fonction de Juge universel. D’après Apocalypse 6.16, l’Agneau est le Juge. Cette connaissance devrait rassurer son peuple. Le Juge n’est autre que le Fils incarné de Dieu, le Sauveur offert en sacrifice, le Seigneur ressuscité des morts. Lors de sa première venue, il a œuvré pour le salut des élus, afin aussi que ceux qui ont mis leur foi en lui soient déjà jugés (Jn 9.39). Le Père juge par le Fils. Le Fils jugera avec ses saints anges et ses disciples (Mt 13.40-43; Lc 22.30; 1 Co 6.2-3).
3. Les critères du jugement←⤒🔗
L’expression les vivants et les morts désigne les païens, les juifs et les croyants. Cette énumération biblique inclut ces trois catégories et démontre ainsi le caractère universel du jugement. Tous les hommes, toutes les femmes, tous les enfants seront jugés. Le seront aussi les anges et les démons, les morts qui ressusciteront, et ceux qui se trouveront encore vivants sur terre. Chacun rendra compte de ses actions. Des livres seront ouverts (Ec 12.14; Mt 12.36; Rm 2.16; 1 Co 3.13; Ap 20.12). Parce qu’il s’agit d’un jugement universel, il comprend aussi les croyants (Rm 14.10; 2 Co 5.10; Hé 10.30).
En rapport au jugement qui attend le croyant, une question peut se présenter. Comment peut-on concilier la certitude selon laquelle il n’y a désormais aucune condamnation pour ceux qui sont en Christ et la perspective d’un jugement qui attend celui qui est en Jésus-Christ?
Rappelons pour commencer les promesses bibliques. Pour le fidèle racheté et membre de l’Église, le jour du jugement a perdu son aspect de terreur. « L’amour parfait bannit toute crainte » (1 Jn 4.18; voir Rm 8.1). La bonne nouvelle de notre rédemption accueillie dans la foi exclut toute angoisse, aussi bien pour le présent que pour le futur. Au contraire, elle nous remplit d’une reconnaissance infinie et d’une inébranlable assurance. L’avènement du Seigneur (parousie) inspire et fonde notre hardiesse ou assurance (parésis). Nous ne serons pas confus par ce qui nous attend. La justice de Dieu sera le climat dans lequel se manifestera pleinement l’amour de Dieu. Si l’impie terrorisé s’écriera : « Montagnes, tombez sur nous et cachez-nous loin de sa face » (Ap 6.16), le peuple de l’Église, lui, s’affermit chaque jour dans l’assurance que le jugement n’est pas une affaire de moralisme étriqué, mais de justice divine, et que dès maintenant nous sommes invités à une relation vitale qui sera entretenue par la foi au Dieu Rédempteur.
Le Seigneur de l’Église connaît les siens. Si à sa « gauche » seront convoqués les réprouvés, lesquels seront privés de toute manifestation de la grâce, à sa « droite » s’assembleront les élus qui sont promis à l’héritage éternel. Par conséquent, ils n’ont pas à s’effrayer; le Christ a été percé pour eux. Ils peuvent même s’attendre à une récompense pour les bonnes œuvres qu’ils auront accomplies pour la seule gloire de Dieu. Cette récompense se fera d’après une échelle de mérites qui ne contredit pas la doctrine fondamentale biblique et réformée du salut par la foi seule. D’après certains, les péchés des fidèles ne seront même pas mentionnés. Dieu les aura déjà couverts et anéantis pour toujours. Il nous semble que le texte paulinien au sujet de la comparution de tous devant le tribunal du Christ ne garantit pas une telle interprétation. Car même nos meilleures œuvres sont entachées de péché.
Nous osons croire différemment. Devant le tribunal du Christ, le fidèle apparaîtra pour l’ultime et inévitable confession publique de ses péchés. Actuellement, en dépit de sa régénération, il y a chez lui des zones d’ombre. Il a une profonde aversion à avouer ses fautes. À sa manière, il cherche à les cacher même devant Dieu. Il ne les reconnaît pas devant les frères. Mais à l’heure du jugement, qui sera celle de la lumière et de la loyauté, il n’aura plus l’obsession d’occulter quoi que ce soit. Sans éprouver de honte, il les dira devant Dieu, avec l’assurance que le Christ lui a procuré le pardon. Il le fera connaître aussi devant les frères. Ceux-ci à leur tour n’adopteront plus l’attitude de jugement moralisateur et légaliste dont ils font si souvent preuve malgré l’annonce de la grâce. C’est alors que le fidèle aura enfin atteint la dernière étape de la sanctification. Quand il reconnaîtra tous ses péchés, il apprendra aussi le prix que le pardon a coûté à Dieu.
Puisse cette idée de la confession publique de nos péchés nous inciter dès à présent à une transparence plus grande devant les frères. Puisse la connaissance du jugement dernier jeter ses rayons sur notre vie communautaire et nos confessions de fautes devenir authentiques dès maintenant. Même si c’est Dieu en personne et le Christ Seigneur qui décideront de la gravité de nos fautes et de notre pardon immérité, nous pensons que le jugement dernier peut devenir, ainsi envisagé, un facteur de consolation et non pas un motif de détresse pour celui qui, arraché à la mort, sait qu’il appartient corps et âme non plus à lui-même, mais à son divin Sauveur. Puissent aussi les fardeaux que nous portons solitaires, les dissimulant au regard des autres parce que nous craignons leur verdict, ou encore parce que nous souffrons d’un inguérissable individualisme, nous paraître plus légers, sachant qu’au jour du jugement nous en serons définitivement délivrés.
Quel sera le critère du jugement? Certaines personnes ont reçu une plus grande lumière que d’autres. Le discours de Jésus prononcé sur des villes impénitentes le montre (Mt 11.20-23). Ceux qui ont bénéficié de la révélation spéciale seront jugés d’après la réponse qu’ils auront accordée à cette révélation. Ceux qui auront bénéficié d’un type de révélation autre que la Parole prophétique et évangélique seront jugés selon un critère différent (Rm 1 et 2). Les païens ayant bénéficié de la révélation générale sans en avoir tenu compte seront inexcusables. Car Dieu a créé l’homme avec une conscience et nul ne peut se justifier pour les transgressions qu’il a commises. Or l’impie retient captive la vérité de Dieu. Aussi tout homme sera jugé d’après la lumière qu’il aura reçue. Nul ne sera jugé injustement.
Toutefois, le jugement ne sera pas exercé indépendamment de la rédemption que le Christ a acquise, car aussi bien la loi de Dieu révélée dans la nature et inscrite sur les consciences que la révélation spéciale ont leur fondement en Christ. Si la foi en l’œuvre du Christ est décisive pour notre salut, faut-il encore y faire intervenir les œuvres personnelles? Dans la Bible, foi et œuvres sont intimement et indissolublement liées. Une foi qui ne serait pas obéissante serait une non-foi et des œuvres qui ne jailliraient point de la foi seraient des anti-œuvres.
4. Les bienfaits de l’annonce du jugement←⤒🔗
Pour quelle raison faut-il soulever la question de la récompense? Le salut est offert par pure grâce. Pourtant, la Bible annonce l’existence de récompenses. La parabole des talents (Mt 25.14-30) et la parabole des mines (Lc 19.11-27) donnent une idée à ce sujet. 1 Corinthiens 3.10-15 jette une autre lumière encore sur ce thème. Bien qu’à cet endroit il s’agisse premièrement du travail de la prédication et du ministère en général, on peut quand même en étendre la portée sur la vie entière du chrétien. Si tous les bâtisseurs sont sauvés par grâce, certains apportent des matériaux de construction plus solides que d’autres. Ceux dont l’œuvre ne subsistera pas au feu purificateur n’auront aucune récompense. Ils seront comme des tisons arrachés aux flammes. Ainsi, la récompense n’est pas due à nos mérites; elle est offerte comme un gage supplémentaire de la grâce divine.
La doctrine biblique du jugement dernier est un puissant stimulant pour proclamer l’Évangile. Elle nous attelle à une mission que nous devons accomplir sans relâche jusqu’à ce que revienne le Seigneur. Elle invite le peuple de l’Église à amener toute pensée captive à l’obéissance du Christ. Le jugement s’exercera en fonction de la foi et de l’incrédulité des hommes. Durant le temps de sa patience, Dieu appelle chaque homme à lui répondre par la foi. Sa puissance manifestée à la fin est la même que celle de l’Évangile déjà à l’œuvre depuis la croix et la résurrection. Quiconque dans le siècle présent se prend pour un sage devra s’humilier et accepter la folie de Dieu. Qui s’imagine être fort voudra se plier devant la faiblesse divine. Sur la croix, le Dieu tout-puissant a confondu les sages et les forts du monde. L’Église n’a pas le droit d’éliminer de sa prédication l’élément biblique de l’imminence du jugement. Autrement, elle serait passible en tout premier lieu d’un jugement négatif. Aussi devra-t-elle appeler tout homme à la conversion.
Le jugement nous empêche de mettre notre confiance en la chair et d’en tirer gloire. Jour après jour et jusqu’à ce que vienne le Royaume, nous saurons que dans toutes ses voies Dieu est juste, parfait et sage. Alors, notre mission et notre attente seront l’une et l’autre une manière de louer Dieu, une doxologie qui ne prendra point fin, à la gloire du Dieu Créateur et Rédempteur, lequel ne manque jamais d’achever les œuvres qu’il a décidé d’entreprendre et qu’il accomplit selon ses desseins, au cours de cette histoire qu’il conduit vers son éternité.
5. Le châtiment éternel←⤒🔗
Deux courants de pensée ont nié l’existence du châtiment éternel : l’universalisme, qui croit en la réhabilitation universelle; la doctrine de l’annihilation, qui refuse la pensée du châtiment éternel pour choisir en faveur de l’annihilation finale de tous les réprouvés.
Origène est le premier grand et génial représentant de la doctrine universaliste. Il alla jusqu’à envisager la réhabilitation de Satan.
La théologie du Moyen Âge ainsi que la pensée de la Réforme acceptent l’idée biblique du châtiment éternel.
L’annihilation des réprouvés est notamment défendue par les adventistes du 7e jour et par les Témoins de Jéhovah.
Sans doute s’explique-t-elle en partie par l’aversion du cœur humain pour une idée qui n’est certes pas plaisante. Le terme désigne la cessation de tout être et de toute existence. On peut l’appeler aussi immortalité conditionnelle. Les tenants de cette doctrine soutiennent l’idée que l’homme a été créé mortel et que l’immortalité n’est qu’un don que Dieu fait à ceux qu’il tient à récompenser, c’est-à-dire aux hommes justes. Ces doctrines cherchent surtout à amoindrir, si ce n’est à éliminer, toute idée de souffrance, car elle serait incompatible avec la bonté et l’amour de Dieu. Dieu n’est pas aussi cruel pour causer une souffrance éternelle infinie, même aux pires des réprouvés, dit-on.
C’est l’Écriture qui devra répondre à cette objection. En termes sobres et sans équivoque, elle laisse clairement entendre que la souffrance des réprouvés sera infinie et éternelle. Le terme biblique éternel en rapport avec le châtiment désigne également l’éternité de Dieu. Aionion apparaît quelque 72 fois dans le Nouveau Testament et, dans chaque cas, le terme dénote ce qui est indéfini, illimité et de durée éternelle.
Des discours de Jésus, nous recueillons l’idée selon laquelle la peine des iniques sera éternelle. Le reste du Nouveau Testament apporte d’autres éléments encore (Mc 9.43-48; 2 Th 1.9, Jude 1.7; Ap 14.11; 20.10). Dieu n’anéantit pas le méchant, mais lui montre éternellement sa réprobation. Certes, le pécheur obstiné est déjà perdu aux yeux de Dieu. Mais il ne cesse pas pour autant d’exister devant sa face! Or, nous estimons que l’idée de l’annihilation des pécheurs obstinés ne prend pas assez au sérieux la justice divine. Car celle-ci exige le châtiment. Il est question de degrés dans les peines. Le péché infini appelle un châtiment infini.
Examinons encore quelques autres termes en rapport avec les peines éternelles. Le mot grec hadès est traduit en français par enfer. Gehenna aussi est traduit par enfer. L’origine du dernier mot devra être recherchée dans l’araméen gehinnom. La géhenne désignait une vallée au sud de Jérusalem où jadis des Israélites offraient leurs enfants en sacrifice à Moloch (2 R 16.3; 21.6; Jr 32.35). Plus tard, on y déposait les déchets de la ville, qui y brûlaient jour et nuit. Ainsi, l’endroit devint synonyme de malheur sans fin, et, dans les Évangiles, elle est présentée comme le lieu de la destruction, c’est-à-dire comme l’enfer même.
Selon Matthieu 10.28, il apparaît que les tourments affectent aussi bien le corps que l’âme. Dans Matthieu 18.8-9, il est question d’un feu éternel. Marc 9.43 soutient l’idée d’un châtiment sans fin. Ce texte rappelle Ésaïe 66 où se trouve également une allusion eschatologique. Matthieu 13.41-42 rappelle les tourments de l’enfer. Bien qu’il n’y soit pas question de durée, l’amertume et le désespoir du remords sont quand même mentionnés. La durée du châtiment réapparaît dans Matthieu 25.46. Le châtiment éternel (kolasis aionios) et les termes grecs disent exactement ce que nous entendons en français par périr et éternel.
Un autre terme grec, apollymi, ne signifie pas annihilation. Il peut désigner perdre, périr, devenir inutile, voire tuer (Mt 2.13; 9.17; Lc 15). Employé en rapport avec le châtiment éternel, il ne comporte pas le sens d’annihilation. En le traduisant par perdition, il ne faudrait pas songer à une annihilation totale qui aurait lieu après le jugement. Pour le pécheur repenti, il signifie perdition éternelle, rupture définitive de la communion avec Dieu et le Christ, ce qui cause effectivement un tourment sans fin. Le mot grec aionios peut avoir une triple signification : sans commencement; sans commencement ni fin; sans fin. Dieu est éternel. Il réserve à ses élus un bonheur éternel (Jn 10.28). Si le bonheur des fidèles est éternel, changer le sens du terme lorsqu’il s’agit du sort des réprouvés ne nous paraît pas possible.
Chez Paul, olethros signifie également destruction (1 Th 5.3; 2 Th 1.9; 1 Tm 6.9). Bien qu’elle ne fixe pas de durée, la lettre aux Hébreux signale l’amertume du réprouvé. Pierre et Jude reprennent cette même idée (2 Pi 2.1,17; 3.7; Jude 1.7). Il faut voir, ici aussi, une idée de châtiment éternel. Apocalypse 14.10-11 prévoit un châtiment éternel. Ce passage, comme dans 4.9 où il est attribué à Dieu, donne raison à notre idée qu’il s’agit du même éternel que celui qui s’applique au châtiment. En Apocalypse 21.8, le sort des réprouvés est appelé seconde mort, ce qui dans ce livre équivaut à parler de châtiment éternel. Dieu seul possède l’immortalité. Être immortel signifie ne pas mourir. Notre corps est mortel, mais l’âme, elle, ne meurt pas (1 Co 15.53-54). De même, Jean 11.26 affirme que celui qui croit en Jésus ne mourra pas.
Le chrétien, qui subit la mort physique comme tout autre homme, ne meurt pourtant pas au point de vue spirituel. L’incroyant, quant à lui, est déjà mort. II l’est spirituellement comme il le sera physiquement. Pourtant, mourir spirituellement ne signifie pas que l’on cesse d’exister au point de vue spirituel! Nulle part dans la Bible le terme d’immortel ne désigne techniquement l’homme. De même, nulle part le terme de trinité ne désigne Dieu! Pourtant, c’est une doctrine biblique fondamentale. Bien que nous reconnaissions avec la Bible la réalité du châtiment et sa durée éternelle, prenons garde à ne pas donner libre cours à notre imagination et à décrire sans raison, jusqu’au moindre détail, les tourments qui attendent le pécheur obstiné. L’enfer biblique n’a rien de commun avec celui de Dante!
La peine la plus insupportable c’est d’être privé de la communion de Dieu dont l’homme devait porter l’image. Mais l’enfer existe! Peu importe sa localisation. Il est le lieu de séjour des réprouvés. Celui qui en toute conscience refuse de croire en Jésus-Christ, Fils de Dieu, Sauveur et Seigneur, y passera son éternité. Faisons alors honneur à l’Écriture :
« Car si la parole prononcée par des anges a eu son effet, et si toute transgression et toute désobéissance ont reçu une juste rétribution, comment échapperons-nous, si nous négligeons un si grand salut? » (Hé 2.2-3).