Cet article sur Éphésiens 1.3-14 a pour sujet l'élection ou la prédestination au salut, qui est très différente du fatalisme et du déterminisme. L'élection nous procure la restauration en Jésus-Christ, fonde notre liberté et notre responsabilité, nous réjouit et nous transforme.

Source: Le salut et la conversion. 4 pages.

Éphésiens 1 - L'élection éternelle

« Béni soit le Dieu et Père de notre Seigneur Jésus-Christ, qui nous a bénis de toute bénédiction spirituelle dans les lieux célestes en Christ. En lui, Dieu nous a élus avant la fondation du monde, pour que nous soyons saints et sans défaut devant lui. Dans son amour, il nous a prédestinés par Jésus-Christ à être adoptés, selon le dessein bienveillant de sa volonté, pour célébrer la gloire de sa grâce qu’il nous a accordée en son bien-aimé. En lui, nous avons la rédemption par son sang, le pardon des péchés selon la richesse de sa grâce que Dieu a répandue abondamment sur nous en toute sagesse et intelligence. Il nous a fait connaître le mystère de sa volonté, le dessein bienveillant qu’il s’était proposé en lui, pour l’exécuter quand les temps seraient accomplis : réunir sous un seul chef, le Christ, tout ce qui est dans les cieux et ce qui est sur la terre. En lui, nous avons aussi été mis à part, prédestinés selon le plan de celui qui opère tout selon la décision de sa volonté, afin que nous servions à célébrer sa gloire, nous qui d’avance avons espéré en Christ. En lui, vous aussi, après avoir entendu la parole de la vérité, l’Évangile de votre salut, en lui, vous avez cru et vous avez été scellés du Saint-Esprit qui avait été promis et qui constitue le gage de notre héritage, en vue de la rédemption de ceux que Dieu s’est acquis pour célébrer sa gloire. »

Éphésiens 1.3-14

Trois mots occupent une place centrale dans le passage de la lettre de l’apôtre Paul que nous venons de mentionner : ce sont les célèbres « élus, prédestinés, mis à part ». En réalité, ces termes forment le pivot, l’axe même de notre rédemption, là où se déploie le cœur de la révélation biblique et chrétienne. Nous sommes alors saisis d’une reconnaissance jubilante : Nous avons été élus et mis à part par le Seigneur Dieu tout-puissant!

Le terme d’élection (ou de prédestination) est devenu, hélas!, un mot chargé de lourds malentendus; il est devenu même une source d’inquiétude. Il n’est pas rare qu’il soit honni de bien des cercles chrétiens, et celui qui s’aventurerait à y faire mention serait vu sous un jour suspect. L’élection biblique est confondue avec un déterminisme religieux inexorable, et l’homme moderne, qui se veut autonome par rapport à toute décision et à tout décret transcendant, se rebiffe et s’insurge contre l’idée que cette divine élection lui serait imposée de l’extérieur, comme un gant de fer.

Il nous faut donc lever tout malentendu et dissiper toute équivoque. Lorsque le Nouveau Testament parle d’élection, il lui donne un sens et un contenu qui sont aux antipodes du fatalisme et du déterminisme, de la philosophie de vie des anciens, qui continue à être celle des modernes.

Le monde païen antique et le monde civilisé contemporain, dans leurs formes et expressions, ont connu l’expérience de l’élément tragique de l’existence. Jadis un terme, le fatum, désignait l’impasse totale ne laissant aucune sortie de secours, n’attendant aucune intervention d’une instance supérieure; tout dans l’univers était fixe, figé, réglé tel un mécanisme automatique, dont personne ne pouvait s’émanciper ni oser même entreprendre une action pour transformer sa situation. Tout est écrit, « Mektoub », dira telle religion fataliste dont on connaît la manière d’agir, animée de la conviction que la liberté humaine et la responsabilité morale qui va avec sont impensables dans un univers dans lequel tout est déterminé par un Dieu insensible.

La même confusion entre l’élection éternelle et une certaine psychologie moderne n’est pas rare. « Je suis comme ça et je ne puis changer », déclare celui ou celle à qui l’on ferait remarquer certains traits de caractère extravagants ou un comportement inhabituel. « Je suis né ainsi et mes défauts sont des traits hérités de mes progéniteurs ». Cet argument massue ne fait hélas! que perpétuer l’enchaînement à cet autre inexorable déterminisme d’ordre psychologique.

Au moment où je rédige ces lignes, la presse internationale a fait écho à la prétendue découverte d’un biologiste américain, selon laquelle les gènes de certains individus seraient responsables de leur inclinaison vers certaines déviations sexuelles, et notamment de la pratique homosexuelle. Celle-ci ne serait plus un choix personnel, mais un code inscrit dans la constitution même de la personne. Sur la photo d’un hebdomadaire à grand tirage, la photo d’un bébé illustrait la légende : sera-t-il homosexuel? Permettez-moi de compléter l’histoire en rappelant que le biologiste américain en question a fait cette découverte sensationnelle après que son amant fut décédé du SIDA. Aussitôt, il fut désigné comme le conseiller principal des recherches génétiques entreprises par un groupe d’homosexuels et de lesbiennes! Comme beaucoup de lecteurs du dit magazine, moi-même y compris, vous vous poserez sans doute la question : Mais que fait-on de la vérité? Où est la fameuse objectivité scientifique dans cette pseudo-découverte? N’est-ce pas un coup monté, exploité au service d’une cause, celle de déviants sexuels, hommes ou femmes?

Or, si les gènes expliquent notre comportement anormal et antinaturel, et par conséquent immoral (et je persiste à penser que tel est la pratique homosexuelle), dans ce cas, toute autre forme d’immoralité ou de crime pourrait trouver aussi une telle justification, prétextant la constitution biologique et psychologique des individus. Cela veut dire qu’un principe moral transcendant ne doit plus régler ni la conduite ni la pensée des humains, et qu’il n’existe pas ou plus d’ordre et de commandements supérieurs, ceux du Créateur nous demandant de dépasser toute tendance et pratique qu’il tient pour mauvaise et destructrice.

Certes, je ne puis changer ni la couleur de mes yeux ni la forme de mon nez, mais ma liberté d’homme comme ma responsabilité morale sont telles que je puis orienter mes comportements et choisir ce qui est normal, normatif et moral. Tout autre discours sur le sujet est de la littérature de très mauvaise qualité, justification de débauche et rébellion contre l’ordre établi par Dieu.

Or, c’est dans ce cadre de fatalisme et de déterminisme prêchés par les uns et par les autres que la grande et la salutaire nouvelle de l’élection divine vient à notre secours. Car ce que nous appelons destinée tragique, fixisme psychologique, fatalisme religieux ou encore astrologie, magie et sorcellerie, ce ne sont que des facteurs d’aliénation, d’enchaînement et d’étouffement; ils ne peuvent qu’écraser et démolir les humains, mais surtout pas avoir une signification totale et définitive. Mais l’élection divine, elle, nous apporte sa gracieuse libération.

Saint Paul déclare que Dieu nous a élus dès avant la fondation du monde. Toutefois, il n’a pas fabriqué des robots ni des marionnettes; il n’a pas décidé de faire de nous les proies d’un pouvoir arbitraire, de nous réduire à une position dégradante, de nous asservir à un cruel potentat céleste… Son élection est un décret positif et gracieux. Elle est libératrice. Elle brise les chaînes et déloge tout pouvoir usurpateur; elle épanouit, réjouit et transforme. À cause de son élection gracieuse, Dieu nous permet d’agir en toute liberté dans le cadre des structures normales qu’il a instituées pour notre bonheur. Il a voulu nous assurer une existence harmonieuse.

Ma liberté, cette liberté louée, convoitée et chérie qu’avec Paul Eluard nous aimerions « inscrire sur tous les arbres et les pierres » n’est pas en contradiction avec son élection. C’est elle qui pose le socle sur lequel je peux maintenant exercer ma liberté d’enfant de Dieu. Élection de Dieu et liberté humaine sont deux pôles complémentaires, et nullement contradictoires, du même dessein de salut. L’élection ne s’oppose à ma liberté que lorsque je veux m’en emparer pour ma propre jouissance, en disposer avec arrogance et la réduire en libertinage. Blaise Pascal écrivait quelque part : « On ne montre pas sa grandeur pour être à une extrémité, mais bien touchant les deux extrémités à la fois, et remplissant tout l’entre-deux. »

L’opposition entre élection divine et libre arbitre est une fausse opposition, elle ne s’appuie sur aucun fondement biblique; c’est en vain que les philosophes humanistes en débattent ou que des théologiens non bibliques la discutent.

L’homme de notre siècle, plus que celui du passé, veut jouir de son entière liberté pour inventer, créer, disposer de tout ce que lui dicte sa fantaisie. Depuis les armes de destruction massive jusqu’à la fabrication d’un corps nouveau en pièces détachées, il se fie exclusivement à son savoir et à ses ressources. L’évangile moderne déclare : « Je puis tout faire par ma propre force et celle de ma pensée. »

Saint Paul, à la suite de toute la révélation biblique, annonce que l’élection est en Christ, qu’elle est son initiative, son offre gratuite, une œuvre entièrement libératrice. Ceci veut dire que notre existence se trouve en de meilleures mains, des mains plus sûres que les nôtres. Le fleuve de la vie s’écoule à partir de la source qui se trouve dans le ciel de Dieu. Les bienfaits que nous en cueillons sont les bénédictions accordées dans les lieux célestes en Christ, des dons de l’Esprit Saint et non forcément des avantages matériels.

En réalité, Dieu se donne lui-même à nous au lieu de nous saturer d’articles périssables. Il nous appelle à sa communion, il partage avec nous son amour incommensurable. En Jésus-Christ, l’homme véritable, Dieu déclare à la fois notre élection et notre restauration à l’image originelle. Il nous recrée à l’image de son Fils unique, nous regarde à travers le prisme de la personne du Christ glorifié. En lui, l’homme de la foi est devenu une nouvelle création.

Dieu est intervenu au cours de notre histoire pour réaliser ce qu’il avait décidé depuis son éternité, dès avant la fondation du monde. Il ne s’est pas contenté d’une décision prise dans le silence de l’infini, comme un souverain impassible et impersonnel. En son Fils incarné, vrai homme, enchaîné à notre condition, sans secours, victime attachée au gibet du malfaiteur, descendant aux enfers… C’est à ce prix qu’il a apporté la libération et la restauration attachées à son élection éternelle.

La foi chrétienne accepte cette offre-là. Elle peut le faire librement. La seule contrainte de la part de Dieu consiste en sa merveilleuse insistance, en sa gracieuse sollicitude qui nous pousse à accepter son offre. L’appel à nous convertir est justement cette insistance, j’ose même dire une certaine contrainte, mais à laquelle nous pouvons répondre librement et avec gratitude.

Alors le chrétien pourra déclarer : Oui, j’ai été élu dès avant la fondation du monde; l’élection divine cessera alors d’être à ses yeux une énigme mystérieuse le tourmentant inutilement, indéfiniment… Dès à présent, il pourra ressembler au modèle déposé. Notons, enfin, que la foi en l’élection doit être accompagnée de la soumission à l’appel à vivre une vie transformée.

En concluant, posons quelques questions terre à terre. D’où proviennent tant de situations tragiques de l’époque contemporaine, tous ces innombrables et sanglants conflits sur la scène internationale? Seraient-ils uniquement dus à des facteurs politiques, sociaux, économiques, psychologiques ou culturels? La seule explication satisfaisante est qu’ils sont tous de nature religieuse. Je veux dire que si nous ignorons l’élection divine, qui entraîne automatiquement notre engagement libre et responsable dans l’existence, nous serons sans cesse écrasés par le sentiment d’être les victimes misérables d’une fatalité impersonnelle.

Mais si nous prenons au sérieux l’autorité suprême de Dieu et faisons crédit à son décret d’élection, qui fonde notre liberté, alors nous aurons découvert le secret de l’énigme. Nous n’avons pas à scruter les recoins de nos âmes, nous livrer aux soins d’un psychanalyste ou nous égarer dans les nébuleuses de religions propagatrices de fatalisme.

Croire en Jésus-Christ, c’est accepter l’élection de Dieu et son décret en notre faveur dès avant la fondation du monde, pour devenir ici-bas les responsables de nos destinées en dépendant de Dieu, soumis à son commandement. Notre authentique et totale liberté s’ancre en son élection gracieuse; celle-ci nous appelle à une véritable révolution, celle de nos pensées et de nos actions; elle nous invite à nous tourner vers celui qui est le fondement de notre existence et le garant de notre libération totale et définitive.