L'Écriture sainte
L'Écriture sainte
- La Bible
- Sa transmission
- Les auteurs
- L’inspiration et l’infaillibilité
- La règle de la foi
-
Les marques de la Bible
a. La nécessité de la Bible
b. La suffisance de l’Écriture
c. La clarté de la Bible
d. L’autorité de la Bible
1. La Bible⤒🔗
Le mot « Bible » vient du mot grec « biblion », et veut dire « livre ». Dans l’usage chrétien, il est venu désigner le recueil de soixante-six écrits, de longueur inégale, qui constituent notre Écriture sainte. Dans ce sens, la Bible est pour le chrétien le livre par excellence. Écrite en deux langues classiques, l’hébreu et le grec, la Bible est traduite en plus de trois cents langues et en des centaines de dialectes en usage dans le monde.
Elle se divise en deux grandes parties : l’Ancien Testament et le Nouveau Testament.
L’Ancien Testament contient trente-neuf écrits, divisés en quatre parties principales.
Le Pentateuque contient les cinq premiers livres, attribués à Moïse. Les livres historiques, au nombre de dix-sept, relatent l’histoire du peuple d’Israël, dans sa relation « religieuse » avec Dieu et sa vie dans l’alliance. Les livres poétiques, au nombre de cinq, appelés aussi livres saints (dans le recueil original hébreu, d’autres livres « historiques » ou « prophétiques » font partie de ces « ketubim »), sont le recueil de prières, des cantiques, de la liturgie et de toute la sagesse « religieuse » du peuple de l’alliance. Enfin, les livres prophétiques, au nombre de dix-sept, contiennent les messages, l’appel à la repentance et la confiance des prophètes qui ont annoncé les oracles de Dieu, et sont restés les témoins fidèles de l’Alliance de grâce au milieu d’un peuple incrédule et apostat.
Le Nouveau Testament a été écrit en grec; il contient les vingt-sept livres de la deuxième partie de la Bible chrétienne.
Les Évangiles, au nombre de quatre, présentent la naissance, le ministère, la mort et la résurrection du Seigneur Jésus-Christ. Les trois premiers sont appelés « synoptiques », car ils ont un même point de vue et une approche historique identique de la vie du Sauveur. Le quatrième Évangile, bien qu’il ait un fondement historique aussi solide et indiscutable que les trois premiers, transporte le lecteur vers une sphère spirituelle différente.
Le livre des Actes des apôtres est le récit du ministère des disciples et des apôtres ainsi que celui de la naissance et du développement de l’Église primitive. Les épîtres sont des lettres adressées par des apôtres soit à des communautés naissantes, soit à des particuliers. Reste enfin le livre de l’Apocalypse, qui est le seul livre prophétique du Nouveau Testament.
Le Nouveau Testament a été composé quelque temps après l’ascension de Jésus-Christ. Durant le ministère terrestre de Jésus-Christ, c’était l’Ancien Testament, livre saint d’Israël, qui était la Bible officielle et canonique du peuple de l’alliance.
Il nous est relativement facile de déterminer la date de la composition des divers écrits formant les deux Testaments. Certaines parties de l’Ancien Testament remontent jusqu’à Moïse, vers le 15e siècle avant notre ère. Quant au Nouveau Testament, l’ensemble de ses vingt-sept livres a été composé et diffusé avant la fin du premier siècle de notre ère.
2. Sa transmission←⤒🔗
Il nous faut distinguer les écrits autographes — ou textes originaux de la Bible — et leurs copies et les versions successives. Les premiers sont des écrits sortis d’entre les mains de leurs premiers auteurs.
Ces originaux ont totalement disparu. Dans sa divine sagesse, Dieu a permis peut-être leur disparition afin d’empêcher que des hommes n’y attachent une importance exagérée et ne les considèrent comme des objets à idolâtrer! On se rappellera de quelle manière le serpent d’airain, construit par Moïse dans le désert, et qui devait symboliquement figurer le salut des Israélites, avait fini par devenir un objet de culte, détournant ainsi vers la chose matérielle l’attention et l’adoration dues à l’unique Dieu. Mais si les originaux ont disparu, l’Église chrétienne possède actuellement de nombreuses copies; elle n’a pas les mains vides. Des milliers de manuscrits se trouvent encore en notre possession. Bien que des variantes entre divers manuscrits soulèvent quelques problèmes de texte, nous constatons avec un étonnement et un émerveillement reconnaissant la préservation intacte de la Bible et de son message à travers les âges.
La découverte récente des manuscrits de la mer Morte (1948-1950) a confirmé, s’il en était encore besoin, la certitude chrétienne de la transmission fidèle des messages originaux de la Bible.
3. Les auteurs←⤒🔗
La Bible a ceci de particulier qu’elle est l’œuvre d’un auteur divin et de nombreux auteurs humains. Il n’y a rien de contradictoire dans cette affirmation capitale. C’est dans cette relation entre les auteurs humains et l’auteur divin que se trouve le mystère de l’inspiration. Trois théories ont tenté de cerner le mystère de celle-ci.
a. La théorie mécaniste tend à éclipser le rôle de l’auteur humain pour ne parler que d’une dictée qui lui serait imposée d’en haut. L’auteur humain n’est alors qu’un automate et les différences de style, de vocabulaire, ainsi que les divers degrés de connaissance sont attribués aux sautes d’humeur du Saint-Esprit…
b. La théorie dynamique, ou dynamiste, exclut complètement le facteur divin. L’Écriture est pour elle le produit du génie littéraire d’hommes pieux. La Bible n’est rien d’autre qu’un titre de plus sur la liste des grands écrits sacrés de l’humanité.
c. Enfin, la théorie organique — et c’est elle qui a notre préférence — cherche à rendre justice aux facteurs divin et humain. Elle souligne la participation active des auteurs humains sous la surveillance souveraine de l’Esprit de Dieu.
Puisque l’Écriture est son propre interprète selon l’analogie de la vérité, examinons de près un texte classique du Nouveau Testament affirmant l’inspiration des Écritures.
Dans 2 Timothée 3.16-17, nous trouvons un mot particulier au grec original, « théopneustos », qui est quasiment intraduisible en français. Il signifie « soufflé par Dieu ». Ce terme souligne l’utilité — voire la nécessité — de la Bible pour la formation et l’édification de la foi et de sa pratique. En outre, il contient l’idée selon laquelle l’autorité de Dieu révélée dans les pages de l’Écriture est digne de notre foi et recouvre toute la Bible dans toutes ses parties. Les diverses formes littéraires de l’Écriture, qu’il s’agisse d’histoire, de poésie, de proverbes, de paraboles, de textes symboliques ou de documents rituels, sont toutes sous le coup de l’autorité et de l’inspiration de Dieu. Elle détient l’autorité suprême en matière de foi et de vie. Dans cette affirmation se trouve la présupposition de toute affirmation chrétienne subséquente. La Bible constitue un point de départ irréversible, un axiome religieux qui, comme tout autre axiome, se passe de démonstration. Il ne nous reste qu’à enquêter sur le terrain au sujet de la signification et de toutes les implications d’une telle confession de la foi chrétienne.
Saint Augustin, l’un des plus grands penseurs chrétiens et l’un des plus grands génies de l’humanité, disait que la foi cherche à comprendre. Il faut croire d’abord pour pouvoir comprendre ensuite. Au cours d’une recherche honnête et sincère surgissent de nombreuses questions et même des problèmes variés. La première question concerne la source de la « canonicité » de la Bible. Quel en a été le processus? Quelles ont été les étapes successives qui ont abouti à sa forme actuelle? Pour quelle raison les livres dits apocryphes ou pseudépigraphes ont-ils été exclus du canon de la Bible? Qu’adviendrait-il de notre Bible actuelle et de notre foi si l’on venait à découvrir, par exemple, un livre perdu réclamant une autorité égale à tous les autres? Nous nous interrogerons finalement sur la date de la fixation des deux canons, celui de l’Ancien Testament et celui du Nouveau Testament.
Ainsi, il faut nous demander si la Bible qui se trouve à notre disposition est avec certitude la seule Bible canonique. De telles questions soulèvent un certain nombre de difficultés, mais celles-ci devraient être abordées et traitées à l’intérieur de l’Église et dans l’esprit de la foi respectueuse et soumise. Je veux dire qu’au sein d’une Église il ne peut y avoir d’attitude prétendument neutre, froidement objective et se passant de l’engagement de la foi. Lorsqu’il s’agit de sujets secondaires, nous sommes autorisés à esquisser des réponses, mais rappelons-nous surtout que dans tous les cas le dernier mot appartient à Dieu, et non à l’homme. S’agissant d’une question aussi importante que le canon biblique, il nous faut parler de manière décisive et sans aucune hésitation. Les conflits au sujet du canon ont été nombreux et très peu importants, les livres ayant soulevé quelques doutes quant à leur authenticité n’étant en réalité qu’au nombre de deux ou trois.
Mais avant d’aller plus avant dans l’examen du canon, examinons encore un autre aspect.
4. L’inspiration et l’infaillibilité←⤒🔗
Ces deux mots sont essentiels pour comprendre la nature de la Bible. La Confession de la foi de La Rochelle (1559, texte officiel des Églises réformées en France) affirme dans son article 4 :
« Nous reconnaissons que ces livres sont canoniques et la règle très certaine de notre foi, non pas tant par le commun accord et le consentement de l’Église, que par le témoignage et la persuasion intérieure du Saint-Esprit, qui nous les fait distinguer des autres livres ecclésiastiques sur lesquels, bien qu’ils soient utiles, on ne peut fonder aucun article de foi. »
Les credos des Églises réformées du 16e siècle semblent conserver un silence relatif au sujet des Écritures. Ce silence reflète le fait que, quel que soit le conflit religieux de l’époque entre les chrétiens réformés et l’Église romaine, il existait un accord général en ce qui concerne la doctrine des Écritures. C’est ainsi que les premiers rédacteurs des confessions de foi n’ont pas vu la nécessité d’explorer à fond cette doctrine. La critique adressée à la Bible est un phénomène relativement récent. Aussi, en l’examinant, nous devons aller au-delà des formulations doctrinales et interroger la Bible elle-même pour apprendre ce qu’elle dit à son propre sujet. En fait, c’est elle, et non pas des documents humains ou une pensée humaine, qui constitue l’autorité suprême. L’Écriture seule est habilitée à répondre aux questions que soulèvent son existence, sa nature et son autorité. Elle seule parle bien d’elle-même.
Comment Dieu peut-il s’adresser aux hommes par un message contenu dans un langage humain? Comment le Seigneur infaillible a-t-il pu préserver l’autorité de sa vérité en la confiant à des instruments faillibles ou à des hommes pécheurs? La réponse se trouve dans le mystère de l’inspiration des Écritures. C’est elle qui fait de la Bible la règle infaillible de notre foi et de notre conduite.
Parce que l’inspiration des Écritures est plénière, verbale et profonde, elle est infaillible aussi bien dans son ensemble que dans ses parties. L’Écriture ne se corrige pas, ne se critique pas; elle nous rend attentifs et elle nous met en garde contre toute fausse assurance. Là où elle se prononce, elle le fait de manière infaillible, sans jamais nous laisser tomber, sans jamais nous tromper, sans jamais nous égarer; elle dirige nos pas vers Dieu et nous demande de croire en lui. Cette parole divine, inspirée et revêtue d’autorité est une loi dominant l’histoire, et son message universel demeure inchangeable et irréductible. Elle est donc plus qu’un témoignage humain rendu à la révélation divine. Mais n’attendons pas d’elle plus qu’elle ne veut nous accorder. Elle n’est pas un livre à la grammaire parfaite, au style idéal, ni un manuel de recettes diverses. Si nous la considérions comme telle, nous risquerions de l’appauvrir, de la déformer par nos exigences ou bien de spéculer sur son contenu pour parvenir à des conclusions hautement fantaisistes.
Nous sommes vivement exhortés à ne rien y ajouter ni à rien en retrancher. La meilleure façon de la comprendre et la méthode la plus sûre de saisir la vérité relative à Dieu, à nous-mêmes et à notre salut, c’est encore d’évaluer l’Écriture d’après les critères qu’elle-même nous propose et de nous y soumettre. À cette condition, nous serons saisis par la vérité qui sauve, dans le temps et pour l’éternité.
5. La règle de la foi←⤒🔗
Le mot « canon », que nous avons déjà utilisé, est dérivé de l’hébreu pour passer ensuite en grec, ainsi qu’en d’autres langues modernes. À l’origine, il désignait un roseau ou une canne servant à fabriquer une règle droite. Il désigna par la suite une autorité reconnue ou bien la règle de la foi. Comme tel, le canon peut désigner une liste officiellement établie et l’instance suprême.
Nous appelons donc « canon biblique » l’ensemble des soixante-six livres qui constituent la règle de notre foi et de notre conduite (voir Ga 6.6).
À l’origine, tout n’était pas confiné par écrit. Par une mémorisation d’une fidélité et d’une exactitude étonnantes, les récits se transmettaient oralement. La découverte de l’alphabet fut quelque chose de prodigieux. Les livres bibliques furent écrits au moment même où l’alphabet commençait à se répandre. Certains livres de l’Ancien Testament ne portent pas mention de leurs auteurs. Cela est dû au fait que la personnalité humaine était moins importante que le contenu du livre. Si l’Église chrétienne a accepté la liste authentique et définitive des trente-neuf livres de l’Ancien Testament, la raison est qu’au temps de Jésus ceux-ci constituaient les seuls livres sacrés et étaient connus sous le nom de la Loi, des Prophètes et des Psaumes.
La formation du Nouveau Testament a pris moins de temps que celle de l’Ancien Testament. Les premiers livres rassemblés étaient les lettres de Paul. Vinrent ensuite les Évangiles et d’autres lettres. Si la première Bible de l’Église naissante fut l’Ancien Testament, le Nouveau Testament, lui, n’a pas tardé à faire son apparition et à s’imposer. Aussitôt après la disparition des premiers témoins de la vie de Jésus-Christ, les différentes parties se sont réunies et, avant même la fin du 2e siècle, le canon du Nouveau Testament était déjà formé.
Nos connaissances actuelles nous permettent de savoir aussi bien la date de la composition que les auteurs de ces livres. Il est important de souligner la chose. Tous les documents que nous possédons donnent des sources authentiques et très sûres pour notre foi. À moins d’être de mauvaise foi, nous pouvons nous fier totalement à leur exactitude.
C’est un article de foi que d’accepter la canonicité des Écritures. Tout chrétien, ainsi que l’Église universelle, doit admettre et reconnaître les soixante-six livres qui composent notre Bible.
Car le canon tire son autorité de son propre fond. Tous les livres qui le composent se sont imposés d’eux-mêmes à la connaissance et à la foi de l’Église. Il n’y a pas eu d’intervention humaine décisive. Aucune décision ne l’imposa à la conscience de l’Église. Il a fallu tout simplement se rendre à l’évidence et accepter le fait. On savait que les auteurs avaient été des apôtres et des témoins oculaires des événements qu’ils relataient. Bien plus, qu’ils avaient été autorisés à transmettre un témoignage véridique en leur qualité de porte-parole plénipotentiaires.
Quelques facteurs extérieurs ont certainement précipité l’Église à se soucier de la canonicité des écrits qui circulaient en son sein. Mentionnons-les brièvement.
Vers les années 140 à 160 de notre ère, un canon étrange, connu sous le nom de « Marcion » (son auteur était un hérétique notoire) avait trouvé une large diffusion. Ce recueil ne contenait aucun écrit de l’Ancien Testament, par pur motif antisémite. Et il ne retenait du Nouveau Testament que l’Évangile selon Luc et dix des treize lettres de Paul.
Ce pseudo-canon n’a heureusement pas remporté grand succès. Cependant, placée en face d’un défi aussi dangereux pour sa foi, l’Église primitive n’a pas tardé à réagir et elle s’est mise à l’œuvre. Elle a commencé à examiner les divers livres chrétiens en circulation pour vérifier leur authenticité. Des hérétiques ont fait par la suite appel à des écrits non canoniques pour soutenir et pour étayer leurs fausses thèses.
Troublée par la controverse, l’Église se vit contrainte de définir les livres qui révélaient la vérité et auxquels elle donnait son adhésion sans aucune restriction.
Enfin, il y eut la persécution déclenchée contre les premiers chrétiens. Traversant une épreuve redoutable, à la fois physique et spirituelle, la première Église prit nettement position et décida quels seraient les livres à répudier, en les séparant de ceux qui s’imposaient à sa foi de leur propre autorité, c’est-à-dire quels étaient en réalité les livres saints qui fondaient sa foi et pour lesquels le chrétien pouvait en toute bonne conscience donner jusqu’à sa vie. La Bible n’était-elle pas Parole de vie et de vérité?
La Réforme du 16e siècle avait elle aussi, avec raison, rejeté les écrits apocryphes. Ces derniers se trouvaient dans la version grecque de l’Ancien Testament (connue sous le titre de « Septante » ou « LXX ») et furent conservés par la traduction latine de Jérôme appelée la « Vulgate ». Les Églises protestantes, restées fidèles aux principes de la Réforme, ne conservèrent que les soixante-six livres.
L’Église catholique romaine, qui continue à inclure dans son canon les sept livres apocryphes de l’Ancien Testament, ne les considère cependant pas d’une valeur égale aux autres livres. Pour elle, ces écrits deutérocanoniques sont utiles pour la piété des fidèles, mais sans grande importance pour la formulation des dogmes (sauf celui par exemple de la doctrine du « purgatoire », fondée sur un récit apocryphe des livres des Maccabées).
La Réforme a souscrit aux trois principes directeurs qui avaient guidé l’Église des premiers siècles dans sa recherche des livres canoniques.
a. Prouver l’apostolicité de chaque livre, les apôtres ayant été reconnus comme les transmetteurs de l’Évangile.
b. L’universalité : Parmi les innombrables écrits circulant alors, la plupart n’ont connu qu’une existence éphémère et une audience limitée. Pour qu’un livre fût admis comme canonique, il fallait qu’il jouisse d’une audience et d’un crédit universel et que toutes les Églises l’aient admis comme tel.
c. L’inspiration du livre constituait une preuve suffisante pour sa canonicité. Chaque livre examiné devait porter les marques de la révélation et donner des preuves de sa cohésion et de son accord avec le reste. Son contenu devait témoigner d’une doctrine et d’une morale saine et orthodoxe.
Martin Luther, le réformateur allemand, avait exprimé quelques doutes à propos du livre d’Esther dans l’Ancien Testament parce que le texte ne fait aucune allusion directe à Dieu. De même, le réformateur avait jeté le discrédit sur l’épître de Jacques, la traitant d’épître de « paille » parce que la théologie de Jacques contredisait, apparemment, l’enseignement paulinien de la justification par la foi.
On a prétendu, un peu trop hâtivement, que de son côté Jean Calvin aurait fait preuve d’hésitation à inclure l’Apocalypse dans le canon. L’absence d’un commentaire signé par le réformateur français ne signifie pas que celui-ci ait expressément rejeté le dernier livre du Nouveau Testament.
De nos jours, certains chrétiens prétendent que c’est le décret et la décision de l’Église qui ont fixé le canon du Nouveau Testament. Ils placent ainsi l’autorité ecclésiastique au-dessus de celle des Écritures. Tout en reconnaissant une valeur inhérente à la Bible, les défenseurs de cette position affirmeront qu’en définitive notre foi dépend de l’Église institution, même pour reconnaître l’autorité biblique. Il va sans dire que nous nous trouverions ici en présence de deux sources d’autorité et de deux sources de révélation : d’une part l’Écriture, d’autre part la tradition ecclésiastique.
D’autres chrétiens prétendent que l’Esprit Saint qui avait inspiré les auteurs a également inspiré l’Église de manière tout aussi miraculeuse lors de son choix relatif des livres bibliques. Cette explication ne nous semble pas convaincante. Nous risquons d’étendre trop largement et d’une manière non autorisée le rayon de l’inspiration. Nous en ferions bénéficier tous les premiers chrétiens! Ce serait alors nous engager sur une fausse piste.
D’autres encore verront dans la fixation du canon une mesure providentielle, semi-miraculeuse.
Il nous semble que l’Écriture se justifie d’elle-même. Elle nous fournit objectivement (nous verrons plus loin le fondement subjectif) toutes les preuves de son authenticité. C’est son évidence interne et le témoignage intérieur de l’Esprit Saint qui sont les gages incontestables de son autorité et de la canonicité des différents livres qui la composent. Elle se présente et s’impose à notre foi en tant que règle unique et suprême. Nous lisons sur chacune de ses pages la Parole inspirée et autorisée de Dieu qui s’adresse à nous, ainsi que nous l’avons dit dans le paragraphe précédent, de manière infaillible et, ajouterons-nous, de manière toute personnelle.
À présent, examinons encore les quatre grandes marques de la Bible.
6. Les marques de la Bible←⤒🔗
Nous avons déjà appris une grande leçon sur la Bible, à savoir que nous trouvons dans la Bible même la vérité qui la concerne et l’idée que nous devons nous en faire. Le Psaume 119 (versets 7 à 11) exalte précisément les vertus de la Parole de Dieu. On sait que la réforme protestante du 16e siècle avait éclaté grâce à la découverte de la Parole de Dieu. On sait aussi la position centrale que celle-ci a occupée tant dans la prédication ecclésiastique que dans la piété des fidèles. Mais ce furent plus spécialement les successeurs des réformateurs qui parlèrent des « marques de la Bible ». Nous les mentionnerons brièvement.
a. La nécessité de la Bible←↰⤒🔗
Du point de vue de Dieu, la révélation biblique n’est pas une nécessité absolue. Ce n’est qu’à la suite de la chute et à cause d’elle qu’elle a été accordée. Ainsi, en ce qui nous concerne, la révélation d’abord verbale, ensuite écrite, constitue une nécessité absolue. Grâce à elle, la Parole divine a préservé sa continuité durant des siècles. Comme telle, elle reste l’unique facteur nous libérant de notre ignorance et nous éclairant au sujet de notre salut éternel. La Parole écrite de Dieu est la réponse la plus juste et la plus nécessaire accordée à nos besoins d’hommes pécheurs.
« Ôtez la Bible et la foi chrétienne disparaît. » C’est Jean Calvin que nous citons, car en matière de foi et de théologie biblique, il est impensable de se passer de son avis pastoral. La Bible est la source même de la vie chrétienne et l’unique charte pour toute institution ecclésiastique. Conduits par le Saint-Esprit, les réformateurs se sont dressés avec vigueur contre l’Église, dénonçant son échec et son infidélité envers la Parole écrite. Certes, l’Église de l’époque reconnaissait en théorie la nécessité de la Bible, mais en pratique elle s’arrogeait toute l’autorité qui revenait à celle-ci.
Elle prétendait que l’autorité de la Bible dérivait de la sienne — en sa qualité d’institution ecclésiastique — et devait s’appuyer sur son interprétation. C’était elle qui se prétendait infaillible…
Cette erreur, pour ne pas dire ce grave péché, caractérise de nos jours nombre d’Églises et de théologiens protestants. Ces derniers parviennent, on ne sait par quels tours exégétiques ou par quelles arguties, à imposer l’autorité de leur propre interprétation à la conscience des fidèles et à rejeter l’autorité suprême des saintes Écritures.
Je tiens cependant à éviter un malentendu, hélas!, beaucoup trop répandu dans les milieux protestants, pour ne pas le signaler. Je n’affirme pas que l’institution ecclésiastique n’ait aucune importance ou qu’elle ne tienne qu’un rôle effacé dans la vie chrétienne. En tant que chrétien réformé, je dois reconnaître que l’Église est avant tout servante de la Parole et non sa propriétaire. Elle doit s’y soumettre et reconnaître sa nécessité. Parfois, un danger opposé guette les chrétiens. Je veux parler du mysticisme ou de l’illuminisme, ainsi que de toute espèce de déviation subjective attribuée avec une légèreté inconsciente aux inspirations directes et immédiates, presque matérialisées, du Saint-Esprit. On clame à tort et à travers que le Saint-Esprit vivifie, tandis que la lettre — celle de la Bible — tue! Oublie-t-on que si l’Esprit de Dieu, dont la réalité et l’action seules régénèrent et transforment, ne doit soulever aucun problème, il accomplit cette œuvre par la Parole, moyen de grâce? N’a-t-il pas justement confié la Bible à l’Église et sa rédaction aux hommes qu’il a inspirés?
b. La suffisance de l’Écriture←↰⤒🔗
Selon la Réforme, la Bible constitue l’unique révélation rédemptrice de Dieu. Elle est adéquate et suffisante, elle n’a pas besoin d’une adjonction ultérieure, ni celle de l’Église institution ni celle de l’homme croyant illuminé. En lisant la Bible, personne n’a le droit de dire : Dieu est caché à mon intelligence et à mon esprit. Les réformateurs se sont opposés autant à l’usurpation arbitraire de l’autorité biblique par l’Église qu’aux abus des mystiques et des extatiques qui se réclamaient directement du Saint-Esprit et imaginaient trouver des erreurs dans la Bible.
Le témoignage porté par la Bible à elle-même rend l’homme inexcusable dans son incrédulité. Elle demeure le seul moyen pour amener le pécheur à la conversion. C’est la raison pour laquelle, aussi bien du côté des luthériens que des calvinistes, les réformés se sont opposés à l’hypothèse d’une double source de la révélation. Nous reconnaissons dans les discours des prophètes et les écrits apostoliques le récit authentique et suffisant des grandes œuvres que Dieu a accomplies en faveur de son peuple racheté. Bien entendu, la Bible ne contient pas toute la révélation et ne répond pas à toutes les questions que nous nous posons. Elle n’est pas un manuel pour les chercheurs qui s’intéressent à toutes les disciplines scientifiques. Néanmoins, elle reste le seul guide suffisant pour la connaissance du salut.
c. La clarté de la Bible←↰⤒🔗
L’Église du Moyen Âge prétendait que la Bible était un livre difficile à comprendre et, par conséquent, qu’il était inutile, voire dangereux, de la confier aux simples chrétiens ignorants. Ces chrétiens devaient s’appuyer non pas sur leur propre lecture, mais sur l’enseignement du magistère officiel. La thèse réformée s’est opposée à ces affirmations dénuées de tout fondement biblique. L’Écriture ne dépend pas des décisions conciliaires ou synodales, encore moins de la pensée théologique d’une époque donnée. Fondamentalement, elle reste claire et intelligible pour tout chrétien. Nombreux sont ceux qui ont fait l’expérience, parfois éblouissante, de la clarté de la Parole divine. Même les chrétiens sans aucune instruction ont vu leurs yeux s’ouvrir et leur esprit s’illuminer à son contact.
Il suffit de respecter la Parole écrite et de demander à Dieu, dans la prière, la compréhension de sa Parole. Personne, croyez-le, ne sera déçu!
d. L’autorité de la Bible←↰⤒🔗
L’autorité de la Bible est sa marque essentielle. Nécessaire, suffisante, claire, la Bible détient l’unique autorité en matière de vie et de foi. Là aussi, une rapide rétrospective s’impose.
Les anciens admettaient, eux aussi, cette autorité. Mais en pratique, ils l’avaient soumise à celle d’une instance humaine. Les réformateurs n’ont pas toléré cette usurpation. Nous leur devons la célèbre formule « sola Scriptura », ce qui signifie « Écriture seule » (son autorité unique). Tout pouvoir humain, ainsi que toute instance ecclésiastique, doit lui être soumis. Quelques chrétiens ne reconnaissent cette autorité qu’à certaines parties de la Bible, par exemple au Sermon sur la montagne ou à 1 Corinthiens 13. Ce faisant, ils vident l’Écriture de sa puissance et de son dynamisme. D’autres s’acharnent à changer la Parole de Dieu en parole et même en verbiage humain. Ailleurs, on refuse de reconnaître l’importance de l’Ancien Testament! La Bible elle-même atteste que toute Écriture est inspirée de Dieu (2 Tm 3.16) et que, par conséquent nous devons soumettre notre foi et notre vie à l’ensemble des Écritures saintes.