L'actualité de la Bible
L'actualité de la Bible
La Bible, avons-nous reconnu, est un recueil de textes spirituels d’une incomparable valeur historique. Nous en connaissons l’origine, nous en déchiffrons les mots originaux, hébreux ou grecs, en précisons la date de la composition ainsi que les lieux, nous rencontrons ses auteurs comme des personnages vivants et possédons sur elle une foule d’autres renseignements. Au point de vue purement historique, nous pouvons assurer, sans hésitation, l’authenticité des documents qui la composent, des événements et des faits qui en tissent la trame historique. Au point de vue littéraire, les pensées et les paroles renfermées sont d’une élévation telle qu’aucun recueil religieux de l’humanité n’oserait les dépasser. Seule donc la mauvaise foi voudrait la dénigrer ou chercher à en mettre en doute l’historicité.
Suffirait-il pour autant d’admettre l’incontestable historicité de ce livre exceptionnel et d’en reconnaître une valeur spirituelle dépassant toutes les autres? La Bible reste-t-elle le chef-d’œuvre d’un passé religieux ou bien jouit-elle d’une actualité sans cesse renouvelée, du fait même de son contenu? Pour l’Église chrétienne, il ne fait pas de doute que son passé ne nous intéresserait point si elle n’avait pas une valeur actuelle touchant de près nos réalités présentes, notre existence d’aujourd’hui, les problèmes que nous affrontons, les questions que nous nous posons ou que nous posons au sujet de tout ce qui est essentiel dans l’existence.
Précisément, l’actualité de la Bible ne se borne pas à décrire des situations contingentes de l’homme ou de l’humanité en général. Elle montre du doigt la véritable condition de tout homme qui vient au monde. Son message, bien qu’ayant trait aux circonstances historiques, au cadre social, aux conditions économiques, aux types de religion et aux modes de gouvernement politique de l’époque de sa rédaction, touche la condition radicale de l’homme en face de Dieu. À toutes les mythologies forgées par l’homme, elle oppose la parole qui confère le sens et communique le message salutaire, au milieu de la cacophonie des discours de désinformation, dans le labyrinthe des messages qui ne communiquent que le néant et contaminent par le désespoir. « Ta Parole est une lampe à mes pieds et une lumière sur mon sentier », écrivait l’auteur du Psaume 119 dans l’Ancien Testament (Ps 119.105). Quant au Nouveau Testament, c’est sous la plume de l’apôtre Paul que nous lisons cette actualité de la Bible telle que l’Église chrétienne accepte et interprète :
« Toute l’Écriture est inspirée de Dieu et elle est utile pour enseigner, pour convaincre, pour redresser, pour éduquer dans la justice, afin que l’homme de Dieu soit adapté et préparé à toute œuvre bonne » (2 Tm 3.16-17).
Relevons à présent quelques lieux de cette extraordinaire actualité de la Bible où elle s’atteste et se perçoit aux yeux de notre foi.
L’Église chrétienne en est le lieu par excellence. Toute son activité de même que son existence se fondent sur la Bible. Son culte se célèbre autour d’elle.
L’un des détails qui frapperont celui qui, pour la première fois, assistera à un culte célébré dans un temple réformé est la chaire placée au centre, alors que le baptistère ainsi que la table sur laquelle on célèbre la communion se trouvent placés aux côtés. Cette position indique clairement que la proclamation de l’Évangile se trouve au centre d’un tel culte. Cette prédication n’est et ne devrait alors être rien d’autre que l’explication et l’exposition du contenu de la Bible, appliqué à la situation présente du fidèle individuel et de l’Église, autant que du monde en général.
Les deux sacrements ne sont que des aides ou des moyens de grâce visuels pour renforcer le message écrit ou verbal tiré de la Bible. Ils restent tout secondaires par rapport à celle-ci. En outre, la prière elle aussi est une oraison dont l’inspiration de même que le contenu sont tirés de la Bible. La prière ne sera jamais un discours inventé par la raison ou les sentiments humains, mais par l’esprit de l’homme régénéré qui se nourrit de la Parole de Dieu. C’est le cas pour les cantiques ou les hymnes lorsqu’ils ne sont pas d’un goût contestable et d’une inspiration douteuse. Ce sont des paroles mêmes inspirées de la Bible que le peuple chrétien chante en guise de reconnaissance ou d’adoration, de suppliques ou d’intercessions. C’est le cas notamment du Psautier huguenot, ces pièces de musique religieuse admirables, dues à la versification de Clément Marot ou de Louis Bourgeois au cours du 16e siècle.
Le pardon de Dieu et l’assurance du salut éternel de l’homme pécheur sont annoncés dans les propres termes de la Bible. La confession de la foi chrétienne, le Credo des apôtres, est également le fidèle interprète du riche contenu de la révélation de Dieu dans la Bible. Même l’offrande que des fidèles apportent à Dieu lors du culte dominical est moins le fruit d’une générosité du cœur naturel de l’homme que l’obéissance à l’exhortation biblique à offrir nos corps et nos biens au Dieu Libérateur.
Regardons également les classes d’études bibliques pour adultes ou des écoles du dimanche pour enfants. Savoir ce que dit la Bible, comprendre le sens de son histoire et saisir la valeur de ses enseignements, voilà la raison d’être de ces classes de catéchisme ou d’études bibliques.
Regardons aussi à des séminaires de théologie. Leur mission consiste à former des ministres de la Parole, pasteurs, évangélistes, professeurs de théologie. Que font-ils, si ce n’est d’approfondir, dans les diverses disciplines, la connaissance de l’Écriture par l’exégèse, la philologie, la théologie biblique et systématique, par des méthodes de prédication et des principes de morale biblique; telle devra rester la mission d’une école de théologie. Elle sera avant tout une école de la Bible.
Mais au-delà de l’Église-institution, le croyant à titre individuel ou avec sa famille lit et médite la Bible pour sa marche quotidienne dans la foi. Il en reçoit nourriture et force, inspiration et lumière, un enseignement sûr, une vision dynamique de la vie nouvelle en Christ.
L’actualité pour la vie sociale et culturelle, autant que la vie ecclésiastique ou dans la foi personnelle du fidèle n’ont pas besoin de force arguments pour s’établir. La Bible est le livre du Royaume de Dieu. Si nous nous représentions ce Royaume sous la forme d’un vaste cercle, au cœur de celui-ci nous placerons l’Église, avec ses rayons ou cercles concentriques que nous appellerons intensifs. Au-delà de ce cercle intensif, nous tracerons des rayons appelés extensifs qui englobent tous les domaines de l’activité de l’homme et toutes les sphères de son existence. Certains chrétiens limitent l’actualité de la Bible aux seuls cercles intensifs. Une vue correcte de celle-ci ne négligera aucun rayon ni aucune sphère extensive.
Ainsi en est-il, par exemple, de l’éthique sociale. De graves problèmes se posent actuellement à la conscience chrétienne et, d’une manière générale, à la raison de nos contemporains. L’avortement, ce génocide intolérable comme tout autre génocide, passe actuellement pour une pratique normale. L’euthanasie sans discrimination devient aussi une règle et une pratique habituelle de la nouvelle déontologie médicale! Les perversions sexuelles, de la prostitution à la pornographie, de l’homosexualité à la pédophilie, pour ne rien dire de la nécrophilie et de la zoophilie, passent actuellement pour être des expressions libres et heureuses d’un amour dévoyé. Pensons encore à l’abolition de la peine capitale, qui si souvent innocente le coupable et laisse la victime sans défense! Où trouver dans ce Babel de confusions de la pensée et des pratiques sociales une réponse et une direction ailleurs que dans l’Écriture, Parole régulatrice divine? Nous y recevrons non pas des réponses de moraliste étriqué, mais la norme suprême et le principe exclusif pour une société naviguant à la dérive sans boussole.
Les dix commandements, l’expression de la parfaite volonté divine, sont accordés autant à l’Église qu’au monde pour la direction de la vie, les affaires sociales et toutes les relations humaines. Le Dieu d’amour de l’Évangile est aussi celui de l’ordre et de la justice. C’est dans un univers moral tout objectif qu’il nous a placés, non de manière arbitraire, mais en vue de notre sauvegarde et de notre plus grand bonheur.
Évoquons la question de la justice. On connaît l’obsession des modernes pour la justice qu’ils appellent « sociale ». Des discours grandiloquents sont prononcés sur la dignité de l’homme, des conférenciers professionnels s’échinent à nous présenter des vues exaltées sur les droits de tout homme. Mais une conception de la justice sociale ne serait-elle pas davantage une notion poétique et romantique sans rapport avec les réalités vécues du seul fait qu’elle est coupée de toute racine morale, d’une morale révélée par et dans la loi de Dieu? Or, c’est Dieu qui, en personne, exige la justice pour les victimes et réclame le droit pour chaque opprimé.
Ce même principe s’applique également à l’économie mondiale. La Bible propose sur ce chapitre aussi des règles précises. On serait stupéfait d’y découvrir les principes que même le meilleur économiste de l’heure ne saurait contester, tant le réalisme biblique est… réel et concret et d’une surprenante actualité! L’économie, comme toute écologie digne de ce nom, ne peut tirer sa force que de la Bible et de l’une de ses affirmations centrales : « La terre est au Seigneur et tout ce qu’elle contient » (Ps 24.1).
Qu’en est-il des institutions politiques? Pour les spécialistes modernes de la chose publique, depuis Jean-Jacques Rousseau, le contrat social serait le fondement exclusif du pouvoir politique de l’État. Si nous ouvrons la Bible, nous nous apercevrons sans tarder que l’institution politique, ou étatique, est d’origine divine (tant pis pour certains chrétiens modernes prônant l’anarchie au nom même d’une Bible qu’ils soumettent à leur grille d’interprétation). Dieu établit les magistrats, non seulement après coup, comme mesure préventive, pour pallier la méchanceté et la rébellion, mais dès l’origine, en instituant un ordre hiérarchique et en confiant à l’homme des tâches spécifiques. Le magistrat devra donc d’abord, positivement, refléter la souveraine autorité divine. Nous récusons le slogan politico-social éculé : « le gouvernement par le peuple et pour le peuple », pour opter pour une théocratie saine, biblique et dynamique, c’est-à-dire pour un régime politique où la volonté de Dieu soit respectée afin d’accorder liberté et protection à toute personne humaine, sans distinction. C’est une théocratie ainsi comprise et pratiquée qui fondera les véritables démocraties, et que l’on veuille ne pas voir ici une contradiction des termes ni une confusion de la pensée réformée politique. Un régime juste et équitable ne peut survivre que s’il est soumis à la Parole ordonnatrice du Dieu de notre salut, autrement, sombrant dans l’anarchie, il laissera la place aux dictatures et aux régimes d’ayatollah religieux ou d’apparatchiks d’un autre bord.
L’actualité de la Bible se reflète également dans le domaine culturel. Il suffirait d’énumérer simplement les branches de celle-ci pour nous en convaincre, même si nous ne développerons pas sur le sujet notre pensée. Évoquons par exemple l’architecture, la peinture, la sculpture, la musique, la poésie, la littérature, et, enfin, et pourquoi pas, la science moderne et toute la technologie de pointe. Faudrait-il oublier les grands penseurs chrétiens de réputation mondiale, anciens ou plus récents : Augustin et Thomas d’Aquin, Calvin ou tant d’autres grands savants qui pensèrent en chrétiens et agirent selon leurs convictions bibliques.
Pour conclure, peut-être nous faut-il accorder une attention toute particulière à l’une des branches du savoir moderne qui se prend pour la plus infaillible entre toutes, je veux parler de la psychologie moderne. Nous ne contesterons pas des acquis bénéfiques de celle-ci qui, depuis plus d’un siècle, nous ont rendu un service appréciable dans l’approche de l’homme et la connaissance de ses mécanismes psychiques. Cependant, toute connaissance véritable de l’homme ne peut lui provenir que de la connaissance qu’il a de Dieu et de sa correcte relation avec lui. Comment ne pas citer ici l’admirable début de l’Institution de la religion chrétienne de Jean Calvin : « Toute la somme pratique du vrai savoir consiste à connaître Dieu et en le connaissant à nous connaître nous-mêmes »! Comment en serait-il autrement, puisque nous sommes porteurs de son image, même si aliénés de lui depuis la chute originelle et en rébellion par nos multiples et quotidiens égarements personnels? Pourtant, en Dieu nous avons la certitude d’obtenir notre réhabilitation et notre restauration dans une alliance de grâce de même que la possibilité de rétablir nos relations harmonieuses avec le prochain et de conserver et cultiver l’ordre dans l’écologie planétaire. Tout ceci est rendu possible par la rédemption que nous a acquise Jésus-Christ, le Fils de Dieu, le divin Sauveur des hommes, par l’opération et la communion de son Saint-Esprit.
La Bible nous parle de la création, de la chute et de la rédemption. Tout ce que les anciens devaient savoir sur eux-mêmes, sur Dieu et sur leur univers, tout ce que nous devrions savoir, pour notre propre compte, se trouve révélé sur les pages de ce livre unique. L’actualité de la Bible est telle que l’homme du premier siècle et celui de notre temps y trouveront des réponses suffisantes, claires et nécessaires; une clarté les éclairera aussi pour leur marche quotidienne, souvent pénible, dans leur pèlerinage de la foi ici-bas.
Une telle connaissance, Calvin, comme d’autres grands chrétiens et pasteurs du passé, ont déclaré se trouver dans l’Écriture sainte, Parole de Dieu. Elle offre la parfaite et la pratique connaissance pour chaque époque, pour chaque nouvelle génération, jusqu’à la fin des siècles.